Le Jami al-tawarikh (persan : جامع التواریخ ; mongol cyrillique : Судрын чуулган) ou Histoire universelle ou Compendium des chroniques est une œuvre littéraire et historique iranienne de Rashid al-Din datant du début du XIVe siècle, sous le règne de l'il-khan mongol Ghazan.
Rashid al-Din est né en 1247 à Hamadan dans une famille juive. Fils de pharmacien, il apprend la médecine et entre à ce titre à la cour du khan Abaqa. Rapidement, il prend une importance politique et devient en 1304 le vizir de Ghazan Khan. Il conservera sa place jusqu'en 1316, connaissant trois règnes successifs mais à la suite d'intrigues, sera finalement exécuté avec son jeune fils, le .
On lui doit la mise en place un système économique et social stable en Iran, après la dévastation des invasions mongoles, et un important mécénat artistique et architectural. Il fut aussi un auteur prolifique, même si peu de ses œuvres nous sont parvenues : on ne connaît actuellement que quelques écrits théologiques et une correspondance sans doute apocryphe, en plus du Jami al-tawarikh. Son immense richesse fit dire de lui qu'il était l'auteur le mieux payé d'Iran.
Le Jami al-tawarikh constitue la source historique la plus importante en ce qui concerne la période il-khanide et l'empire mongol dans son ensemble.
Le texte fut initialement commandé par le septième ilkhan de Perse Ghazan Khan, intronisé en octobre 1295, qui était désireux que les Mongols gardent un souvenir de leurs origines nomades, alors que ceux-ci se sédentarisaient et adoptaient les coutumes persanes. Ce texte, qui était alors destiné à exposer seulement l’histoire des Mongols et de leurs prédécesseurs dans la steppe, prit le nom de Ta’rikh-i Ghazani et constitue une partie du Jami al-Tawarikh.
Après la mort de Ghazan en 1304, Oldjaïtou, son successeur, demanda à Rashid al-Din de compléter son ouvrage afin d'en faire une histoire de tout le monde connu. Ce texte fut finalement achevé en 1307.
Pour écrire son Jami al-tawarikh, Rashid al-din se serait basé uniquement sur des sources écrites. On a pu en retrouver quelques-unes :
Le Jami al-tawarikh se compose de quatre grandes sections de longueurs diverses :
1. Le Ta'rikh-i Ghazani, la partie la plus étendue, qui comprend :
2. La seconde partie comprend :
3. Le Shu’ab-i Pandjgana (« 5 généalogies des Arabes, Juifs, Mongols, Francs, et Chinois »). Ce texte serait présent dans un manuscrit de la bibliothèque de Topkapi (cote 29 321), mais reste encore inédit.
4. Le Suwar al-akalim, un compendium géographique. Il n'est présent dans aucun manuscrit connu.
Plusieurs problèmes sont liés à la rédaction du Jami al-tawarikh, et notamment à l'auteur lui-même. En effet, d’autres personnes, comme Abu’l Qasim al-Kashani, ont revendiqué la paternité de l'Histoire universelle. De fait, Rashid al-Din étant un homme très occupé par sa vie publique, il aurait employé des assistants pour traiter les matériaux recueillis et écrire la version primitive : Abu’l Qasim serait un de ceux-là. De plus, toutes les parties ne sont pas originales : ainsi, la section sur la période suivant la mort de Gengis Khan notamment serait directement empruntée à Ata-Malik Djuwaini. D'autres problèmes sont liés à l’objectivité de l’auteur et de son point de vue : il s'agit d'une histoire officielle dont Rashid al-Din est parfois le témoin direct, du fait de ses fonctions politiques (pour l’histoire des il-khanides notamment).
Selon L'historien Peter Jackson, Rashid ed-Din a nettement emprunté à l'historien Wassaf son histoire du sultanat de Delhi.
Selon le bibliothécaire de la BNF Edgard Blochet « ...il ressort d'une façon éclatante que Rashid ed-Din a indignement volé le malheureux Abd Allah el-Kashani. ... Il n'y a guère à douter qu'Abd Allah el-Kashani fût, comme il le prétend lui-même, le véritable auteur de la Djami el-tévarikh, et que Fadl Allah Rashid ed-Din se borna à la signer quand elle fut terminée, sans lui verser la somme qu'il lui avait promise.»
Selon Zeki Velidi Togan (en) nombres d'informations concernant la Chine et les Mongols ont été traduites par Rashid d'une « première édition en mongol compilée par le ministre Bolad et ses assistants ».
Le Jami al-tawarikh connut dès son écriture un succès important, sans doute en partie en raison de l'importance politique de son auteur. De nombreux manuscrits en furent édités, en arabe et en persan, souvent pour des raisons pédagogiques et idéologiques. Leurs illustrations semblent parfois se référer à des évènements contemporains.
Il semble qu'il n'existe en fait qu'un manuscrit en arabe, divisé en deux parties entre l'université d'Édimbourg et la collection Nasser David Khalili, bien que certains chercheurs avancent la thèse qu'il s'agisse de deux éditions différentes. La partie d’Édimbourg mesure 41,5 x 34,2 cm et comporte 35 lignes par pages écrites en calligraphie nashki. Des manques sont à noter : les folios 1, 2 70 à 107, et la fin, mais il contient une date : 1306-1307. Le texte comprend quatre parties : l'histoire de la Perse et de l'Arabie pré-islamiques, l'histoire du prophète Mahomet et des califes, l'histoire des Ghaznévides, Seldjoukides et Atabeys et l'histoire des sultans du Khwarezm.
Soixante-dix miniatures rectangulaires ornent le manuscrit, qui reflètent le cosmopolitisme de la ville de Tabriz au moment de la production. Dans cette capitale, carrefour de routes commerciales et d’influences, et lieu de grande tolérance religieuse, les modèles chrétiens, chinois, bouddhistes et autres arrivaient pour alimenter l'inspiration des peintres.
Selon D. T. Rice, on pourrait distinguer quatre peintres principaux et 2 assistants :
On distingue également différents types ethniques et raciaux, qui se manifestent dans le physique des personnages, mais également dans leurs vêtement et leurs chapeaux. Ainsi recense-t-on le groupe des Abyssiniens, remarquablement bien observé, le type occidental, qui s'inspire de manuscrits chrétiens syriens, le type chinois, le type mongol, le type arabe...
La partie de la Khalili est datée 1314 et mesure 43.5 x 30 cm (dimensions un peu différentes du précédent en raison de la différence des modèles copiés). Elle comporte vingt illustrations, plus quinze pages avec des portraits des empereurs de Chine. À coup sûr, elle provient du même scriptorium et sans doute du même manuscrit que la précédente partie. Son texte couvre l’histoire de Mahomet, la fin de l’histoire de la Chine, l’histoire de l’Inde et un fragment de celle des Juifs. Visiblement, le peintre de Luhrasp et le peintre d’Alp Arslan y ont également travaillé. On remarque quelques différences stylistiques à attribuer à la différence de date. Un nouveau peintre apparaît, pour les portraits des dirigeants chinois, qui utilise des techniques particulières semblant imiter celle des peintures murales Yuan (selon S. Blair) : importance de la ligne et du lavis, utilisation de rouge brillant et de noir. Cet artiste semble donc très familier de la Chine.
On connaît deux copies en persan conservées à Istanbul, à la bibliothèque de Topkapi :
Il est difficile d'en dire plus sur ces ouvrages qui n'ont pas été étudiés et ne le seront certainement pas d'ici plusieurs années, la bibliothèque de Topkapi se refusant obstinément à ouvrir ses collections aux chercheurs.
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