Pour les articles homonymes, voir Lapicque.
Peintre officiel de la Marine |
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Nom de naissance | Charles René Thouvenin |
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Parentèle | Louis Lapicque (oncle) Marcelle Lapicque (tante) Jean Perrin (beau-père) Henriette Perrin-Duportal (belle-mère) |
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Charles Lapicque est un artiste peintre et graveur français de la Nouvelle École de Paris, né à Theizé le , mort à Orsay le .
Ses œuvres furent jugées importantes, entre 1939 et 1943, pour le développement de la peinture non figurative et dans les années 1950 pour les courants Pop art, figuration narrative, figuration libre.
Il est reconnu Juste parmi les nations, avec son épouse, pour avoir caché des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
Charles Lapicque naît sous le nom de Charles René Thouvenin le à Theizé , dans le Rhône, d'une famille originaire des Vosges. Il est le fils adoptif de Louis Lapicque, professeur de physiologie générale à la faculté des sciences de Paris, et de Marcelle Lapicque, elle-même fille du ministre Severiano de Heredia. Il passe sa petite enfance à Épinal et fait en 1900 son premier séjour en Bretagne, près de Paimpol, où il retourne longtemps chaque été. Il commence en 1903 l'étude du piano. À partir de 1909 il habite Paris où il suit ses études secondaires, pratique le dessin au lycée puis dans les académies libres, aborde en 1915 la pratique du violon. Mobilisé de 1917 à 1919 dans l'artillerie de campagne, il y acquiert une connaissance des chevaux qui se retrouvera plus tard dans ses peintures et participe aux combats de 1918 et recevra la Croix de Guerre.
En 1919 Charles Lapicque entre à l'École centrale des arts et manufactures de Paris, s'intéressant particulièrement aux projections et perspectives utilisées dans le dessin industriel. Il peint en 1920 ses premiers paysages près de Caen. Ingénieur dans la distribution d'énergie électrique, il dirige en 1921 un secteur près de Lisieux où il assure la construction et l'exploitation de lignes à haute tension. Appelé au Bureau d'études techniques il s'installe à Paris en 1924, peignant le dimanche paysages et marines. Ses recherches plastiques, dans le climat du cubisme, développent les études qu'il a poursuivies sur les modes de projection dans l'espace. Passionné de musique et ténor amateur, il participe à la chorale Sine Nomine dont le répertoire lui inspire en 1925 son Hommage à Palestrina. Délivrée de toute visée figurative cette œuvre suscite les encouragements de Jeanne Bucher qui lui propose de devenir « peintre de la galerie ». Il abandonne en 1928 sa carrière d'ingénieur pour se consacrer à la peinture, réalisant en 1929 sa première exposition personnelle à la Galerie Jeanne Bucher.
Charles Lapicque reprend ses études à la faculté des sciences de Paris, obtient la licence ès sciences physiques et commence une thèse pour le doctorat ès sciences physiques sous la direction de Charles Fabry. Sur recommandation d'André Debierne, il occupe de 1931 à 1943 un poste d'assistant préparateur auprès de Maurice Curie, professeur de physique du certificat P.C.B. Il fréquente alors les physiciens Albert Arnulf et René Lucas. À la faculté il entreprend des recherches sur la perception des couleurs qui le conduisent à renverser la loi classique de leur échelonnement dans l'espace, Lapicque observant que le bleu constitue en fait la couleur du plus proche, le rouge du plus lointain. Afin de perfectionner ses connaissances il entre à l'École supérieure d'optique dont il sort ingénieur-opticien diplômé en 1934. Il s'intéresse parallèlement, dans les musées et chez les antiquaires, aux œuvres artisanales anciennes, enluminures, tapisseries médiévales, émaux cloisonnés poitevins, faïences, dans lesquelles il trouve des confirmations de ses théories et fait plusieurs communications aux réunions de l'Institut d'optique, notamment, en 1935, sur « le rouge et le bleu dans les Arts ». Charles Lapicque rencontre en 1936 le philosophe Gabriel Marcel qui l'invite à des séances de discussion et lui fait connaître Jean Wahl: c'est le point de départ de sa réflexion philosophique et esthétique. Il reçoit en 1937 la commande de cinq grandes décorations murales pour le Palais de la découverte à Paris, l'une d'elles, La synthèse organique (10 × 10 m), lui valant une médaille d'honneur à l'Exposition universelle de 1937. Après avoir été nommé boursier de recherches de la Caisse nationale de la recherche scientifique, Lapicque soutient sa thèse de doctorat ès sciences physiques en 1938 sur « l'optique de l'œil et la vision des contours », devant un jury présidé par Charles Fabry et comprenant comme examinateurs Henri Chrétien et Henri Laugier, tandis qu'il réalise plusieurs sculptures (granit). S'intéressant aux arts africains et précolombiens, il aborde parallèlement la clarinette, le basson, le trombone et pratique durant dix ans le cor dans des ensembles amateurs.
Mobilisé en au Centre national de la recherche scientifique, Lapicque est chargé d'études sur la vision nocturne et le camouflage, travaillant avec Antoine de Saint-Exupéry. Démobilisé, il commence d'appliquer ses théories dans une série de Figures armées qui posent les bases d'une peinture nouvelle et participe en 1941 (avec La vocation maritime) à l'exposition des « Vingt jeunes peintres de tradition française » organisée par Jean Bazaine, première manifestation de la peinture d'avant-garde sous l'Occupation, alors que le nazisme multiplie les condamnations de « l'art dégénéré ». II participe en à la Galerie de France à l'exposition « Douze peintres d'aujourd'hui », dénoncée par la presse de la collaboration, et fait à nouveau un bref séjour en Bretagne. Un contrat avec la Galerie Louis Carré lui permet d'abandonner la même année son poste de préparateur à la faculté des sciences. Il peint en 1944 plusieurs toiles autour de la libération de Paris et retrouve durant l'été 1945 le chemin de la Bretagne. La Galerie Louis Carré présente en 1946 une exposition « Bazaine, Estève, Lapicque », préfacés par André Frénaud, Jean Lescure et Jean Tardieu.
Charles Lapicque fait en 1948 une première conférence au Collège de philosophie fondé par Jean Wahl. Il est nommé peintre du Département de la Marine et participe à de nombreuses manœuvres au large de Brest (1948), de Toulon (1949), en Afrique du Nord (1951). En 1949 le peintre explore minutieusement le champ de bataille de Waterloo et, après de nombreuses lectures militaires, peint La bataille de Waterloo. Recevant en 1953 le Prix Raoul Dufy de la Biennale de Venise qui consiste en une bourse de voyage dans cette ville, il effectue entre 1953 et 1955 quatre séjours dans la ville. Lapicque fait par la suite des voyages, qui seront chacun à l'origine de nouvelles suites de peintures, à Rome en 1957, en Grèce en 1963, en Espagne en 1973, en Hollande en 1974, en France même, à Vézelay en 1975, dans les châteaux de la Loire en 1976, à Aix-en-Provence en 1980. Charles Lapicque reçoit le Grand prix national de peinture en 1979. Il meurt à Orsay le .
Sa femme Aline Lapicque-Perrin était la fille de Jean Perrin. Ils ont eu trois fils, Denis, François et Georges. Charles et Aline Lapicque reçoivent à titre posthume en le titre de Justes parmi les nations pour avoir caché et protégé des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. La cérémonie de reconnaissance a lieu le au Sénat.
« De longues études d'ordre scientifique me conduisirent à considérer le rouge, l'orangé et le jaune comme des couleurs toujours prêtes à s'éclaircir, à se faire plus lumineuses et le bleu, au contraire, comme une couleur fatalement destinée à s'assombrir, à paraître plus noire. Il en résultait un avantage certain à figurer par du bleu les corps solides, pesants et rapprochés et à réserver le rouge, l'orangé ou le jaune aux corps lumineux ou lointains, tel que le ciel », résume en 1961 Lapicque dans une conférence, Présence et peinture, dont le texte est publié dans la revue « Médiations ».
Les toiles que peint Lapicque en 1939, en s'inspirant de cette analyse, marquent un tournant essentiel dans son itinéraire. Réalisant une synthèse des techniques cubistes (ruptures de plans, perspectives multiples, transparences des corps) et de ses recherches théoriques personnelles sur « le bleu et le rouge », Lapicque crée une nouvelle représentation de l'espace. Dans ses Figures armées ou dans Le Port de Loguivy, une ossature bleue, figurative ou abstraite, apparaît au premier plan, reliant les objets rapprochés et se détachant sur des fonds jaunes ou rouges. Ces peintures et celles qui les développent en 1940 (Jeanne d'Arc traversant la Loire, Sainte-Catherine-de-Fierbois, La vocation maritime) sont directement à l'origine de la construction non-figurative qui apparaîtra dans les années suivantes à travers les recherches de Jean Bazaine, Jean Le Moal, Alfred Manessier ou Gustave Singier.
« Lapicque était un cas un peu spécial, très important à mon avis dans le groupe. Il l'a influencé, en ce sens que nous étions un peu écrasés par la génération qui nous précédait. (...) Il fallait trouver autre chose, qui nous appartienne en propre, qui soit autonome, tout en respectant une certaine filiation. Celui qui a permis cela, je crois que c'est Lapicque. (...) Il nous a appris une façon d'envisager le monde qui permettait des vues perspectives, une approche des objets, des mises en page qui nous semblaient, aux uns et aux autres, pleines de promesses. Nous avions alors la possibilité de nous dégager du carcan cubiste que nous utilisions avant la guerre. (...) Nous avons ensuite tous fait notre propre chemin mais Lapicque a été celui qui nous a permis de gagner du temps, il a amené une discussion », devait ainsi déclarer Alfred Manessier.
À partir de 1941 la grille puissante qui assurait la construction des peintures de Lapicque se fait plus discrète à travers l'adoption d'une perspective à points de vue complémentaires et la lumière s'éclaircit. En 1946 Lapicque, par des tracés plus impulsifs, multiplie dans une série de Régates et de toiles marines les entrelacs et les boucles, origines d'une figuration « gestuelle » intensément colorée qui apparaîtra caractéristique de son œuvre. Il opère en 1947 un retour à la figure humaine, peignant des groupes entrelacés dans un graphisme synthétique. En 1950 la commande qui lui est faite, sur le conseil de Jean Lescure, d'un dessin d'armure par un fabricant de montres suisses l'engage à de nouvelles visites du musée des Armures aux Invalides qui lui inspirent une série de Guerriers, princes et rois de France ou conquérants (Henri IV, Henri III, Attila, Gengis Khan), poursuivie en 1953. Allant deux ou trois fois par semaine au steeple-chase d'Auteuil, Lapicque développe en 1950 et 1951 une série équestre amorcée dès 1949, continuant parallèlement de peindre, jusqu'en 1953, paysages maritimes et courses nautiques. Peintre de la Marine depuis 1948 l'occasion qui lui est donnée en 1951 d'embarquer sur le croiseur Émile Bertin et de faire escale à Oran puis Alger l'incite à visiter Biskra et à peindre L'Atlas saharien. En 1953 une nouvelle série de Figures fait alterner personnages historiques et mythologiques. La galerie Villand et Galanis, de 1953 à 1965, expose régulièrement son travail.
Effectuant de 1953 à 1955 quatre séjours à Venise, Lapicque peint d'abord les Villas construites dans la campagne proche par des architectes tels que Palladio, leurs jardins baroques et leurs intérieurs, les frontons et les façades d'églises puis développe une série de Couchers de soleil et de Nuits sur la lagune et les canaux. Après de nouveaux paysages bretons, un séjour à Rome à Pâques 1957 l'engage à peindre les ruines des monuments et les actions mémorables des Romains. Après deux embarquements sur des avisos de la Marine Nationale il en revient en 1958 aux thèmes des Manœuvres puis en 1959, après ses séjours dans la région de Bréhat et parallèlement à son illustration du « Portrait de l'Oiseau-Qui-N'Existe-Pas » de Claude Aveline, à des compositions de Mouettes et à un ensemble épuré de Lagunes bretonnes.
Fréquentant les parcs zoologiques et les ménageries, particulièrement le Zoo de Vincennes, Lapicque peint en 1960 de nombreux portraits de Tigres du Bengale ou de Chine, en 1962 de Lions, qui le ramènent à ses souvenirs de L'Atlas et du Désert algériens. En 1963 leur succèdent des Natures mortes aux chocolats ou dragées, généralement dans un décor Louis XV, puis un voyage en Grèce en suscite des évocations de paysages et de scènes mythologiques. Les thèmes abordés par Lapicque ne cesseront par la suite de se renouveler de façon imprévisible. Après un ensemble de paysages crépusculaires il développe de nouvelles séries autour du Tennis (1965) qu'il pratique assidûment depuis vers 1930, de la musique (1966-1967), du Golgotha (1968), puis en revient à la mer avec les Coups de vent, l'évocation des épopées et des drames des Cap-horniers, des Fermes bretonnes (1968-1969). Il peindra encore la Bourgogne, ses routes et ses architectures romanes (1970), une nouvelle suite de portraits imaginaires (1971-1972), des paysages d'Espagne (1973), de Hollande (1974), la basilique de Vézelay (1975), les Châteaux de la Loire (1976-1977), des scènes de chasse (1978), des variations d'après L'Embarquement pour Cythère de Watteau (1979-1980), la Montagne Sainte-Victoire et des Hommages à Cézanne (1981), La cathédrale de Laon (1981-1983), de nouvelles séries largement abstraites sur La Mer et les Figures (1984-1986).
L'œuvre de Charles Lapicque apparaît rétrospectivement avoir exercé une influence déterminante sur la nouvelle figuration. Sa palette particulièrement audacieuse et originale le place comme un artiste tout à la fois isolé et précurseur de ses contemporains immédiats. L'usage d'une palette chromatique totalement nouvelle et d'un espace à perspectives multiples distinctes de la perspective à points de vue multiples (utilisée par les cubistes) lui permet de préfigurer la sensibilité post-moderne. Cette façon de procéder à contre-courant permet à Charles Lapicque d'ouvrir la voie tant au Pop Art, qu'à la figuration narrative par l'usage acidulé de couleur inédite et dissonante. Ne faudrait-il pas rappeler que Lapicque introduit dès 1949 dans son tableau La bataille de Waterloo par l'intermédiaire de la longue vue de Napoléon une bulle grossissante à la manière de la bande dessinée et ce une dizaine d'années avant Warhol ou Erro ? La densité de sa figuration, l'ambigüité entre le fond et la forme, ses sujets tout aussi dérangeurs que parfois très classisants lui octroient une place d'élection dans le retour en force à cette figuration des années 1970 et 80 où le kitsch côtoie sans complexe la trans-avant-garde, la peinture cultivée, la figuration libre ou la Bad Painting. Charles Lapicque est un géant de la peinture, c'est à ce titre qu'on devra lui rendre hommage, se plaisait à dire François Pluchart.
Charles Lapicque a produit par ailleurs entre 1969 et 1972 des sculptures métalliques et en matière plastique destinées à l'édition, ainsi que des tapisseries.
Graveur important, Charles Lapique est l'auteur de 509 lithographies et eaux-fortes, exécutées entre 1945 et 1974, inspirés entre autres du monde hippique, des paysages, du monde maritime, du cirque.
« Son œuvre occupe dans l'art français contemporain une place d'élection. Sa façon de progresser à contre-courant lui assure une originalité foncière (...). La Vocation maritime de Lapicque et un certain nombre de ses toiles datées de 1939-1940 ( Figures armées, Le port de Loguivy, Jeanne d'Arc traversant la Loire, Sainte-Catherine de Fierbois, etc.) tiennent par rapport à cette période le rôle que Les Demoiselles d'Avignon et les paysages de Horto de Ebro ont joué dans l'aventure cubiste du début du siècle. »
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Charles Lapicque a participé à de très nombreuses expositions collectives, en France et à l'étranger, notamment :
Des peintures de Lapicque sont conservées dans les collections de nombreux musées, notamment en France (Paris, Dijon, Besançon, Grenoble, Nantes, Nice), en Europe (Bruxelles, Copenhague, Essen, Munich, Stuttgart) et en Amérique (New-York, Ottawa, Toronto).
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