Le Thé : botanique et culture, falsifications et richesse en caféine des différentes espèces/Texte entier

AVANT-PROPOS


S’il est une plante qui ait donné lieu aux travauxles plus nombreux et aux discussions les plus passionnées,c’est sans contredit l’arbre à thé. Nous neparlons pas de la Chine où seule sa culture serviraità faire vivre son immense population, mais enFrance le thé a conquis depuis longtemps une placeimportante, toutefois, sans avoir pu détrôner lecafé.

Frappé de l’ignorance de la grande majorité desconsommateurs sur son mode de culture, et lamanière de préparer les feuilles de thé ; frappé desconséquences que peuvent amener son usage immodéré,comme boisson quotidienne ; frappé égalementde la multiplicité des méthodes pour doser sonélément actif, la théine, nous avons été amené à entreprendre l’étude de quelques-unes de ses propriétés,nous plaçant soit au point de vue botanique, soit aupoint de vue chimique.

Ce travail est divisé en quatre parties.

La première partie est consacrée à l’Étude botanique et culturaledes diverses espèces de thé, ainsiqu’à la fabrication, souvent discutée, des thés noirset des thés verts.

La deuxième partie a trait aux falsifications du théles plus communes.

La troisième partie renferme quelques-unes desméthodes qui ont été préconisées pour le dosage dela caféine, ainsi que des recherches personnelles surla valeur de ces procédés.

La quatrième partie est consacrée à l’applicationde la meilleure méthode de dosage de la caféine auxdifférents thés ; nous avons pu, pour quelques-unsdu moins, donner la provenance, ainsi que certainscaractères physiques apparents, qui permettent deles différencier.

Mais avant de commencer cette étude, qu’il noussoit permis ici de payer une dette de reconnaissanceenvers nos maîtres qui ont contribué à nous inculquerles principes de leur science et de leurs travaux.

Nous remercions MM. les professeurs Crolas,Florence et Hugounenq, ainsi que M. le Dr agrégé Beauvisage, des conseils qu’ils n’ont cessé de nousprodiguer et de l’intérêt qu’ils nous ont toujoursmontré.

Nous remercions tout particulièrement M. le professeurCazeneuve, qui a bien voulu nous aider deses savants conseils et mettre son laboratoire à notreentière disposition. Qu’il reçoive l’hommage de notresincère reconnaissance pour la haute direction qu’ila su donner à notre modeste travail.

A. Biétrix.

Lyon, 23 mai 1892.



PREMIÈRE PARTIE

CONSIDÉRATIONS BOTANIQUES ET CULTURALES SUR LES DIVERSES ESPÈCES DE THÉ


CHAPITRE PREMIER

BOTANIQUE


Si l’usage du thé dans l’alimentation des peuplesde l’Extrême-Orient, et en particulier chez les Chinois,remonte dans l’antiquité à une époque difficileà fixer, il devient au contraire facile d’assigner unedate précise à l’introduction en Europe de cette précieusesubstance. On rapporte, en effet, au consulTulpius (d’Amsterdam) l’honneur d’avoir fait connaîtrele thé aux Européens en l’an 1641. Vers cette époque, Joncquet, médecin français, s’efforça de mettreen honneur dans notre pays la fameuse boissonchinoise ou, pour mieux dire, ce qu’il appelaitl’herbe divine qui sert à la préparer. Plus tard,Mazarin prenait du thé pour se garantir de la goutte,d’après une lettre de Gui Patin, le 1er avril 1657.

Vantée alors outre mesure, la liqueur qu’on enretire fut comparée à l’ambroisie des mythes grecs ;ses fleurs et son eau étaient vendues comme la panacéeuniverselle. Depuis cette époque, l’usage du thés’est propagé avec une rapidité que ne méritent peut-êtreni ses propriétés médicales, ni son activitéthérapeutique. Sans parler de son exportation qui semonte, en Chine, à un chiffre colossal, sa consommationpar tête chez tous les peuples n’en est pas moinsconsidérable.

Voici quelques chiffres qui pourront donner uneidée de son exportation :

Thé de Chine124.600kilogrammes.
Thé d’Assam»
Thé du Caucasemauvais.
Ceylan300.000
Indes26.200
Japon17.000
Jafa2.500

La consommation par tête peut se résumer ainsi :

Anglais2,072par tête
Australien2,900
Canadien1,985
Français0,900
Américain0,644
Danois0,203
Suisse0,136
Norvégien0,039
Allemand0,034
Autrichien0,011
Italie0,001

On voit que cette consommation est très variablesuivant les pays : très considérable chez les Anglais,très minime au contraire en Italie ; la France prendplace entre le Canada et l’Amérique.

Les feuilles de thé appartiennent à un arbrisseauqui donne son nom à la famille des Théacées (fig. 1).

Fig. 1. — Thé, port de la plante.

Ce sont des plantes à fleurs régulières, hermaphrodites,à réceptacle légèrement convexe. Il porte5 sépales imbriqués souvent en quinconce, plus rarementun plus grand nombre, et 5 pétales alternes, ousouvent davantage, de 6 à 8 sessiles, concaves, imbriqués.L’androcée est formé d’un nombre indéfinid’étamines dont les filets adhèrent avec la base des pétales et sont unis entre eux, d’une façon trèsvariable, dans une étendue peu considérable de leurportion inférieure : souvent aussi ils sont à peu prèscomplètement libres, surtout dans les étamines lesplus inférieures. Les anthères sont biloculaires, primitivementextrorses, puis versatiles ; ils ont un connectif épais, ovale ou subcordiforme, portant sur sesbords deux loges étroites et déhiscentes en dedanschacune par une fente longitudinale. Le gynécée estsupère, son ovaire (fig. 3) est ordinairement triloculaire,surmonté d’un style creux qui est partagé, àpartir d’un point très variable de sa hauteur, suivantles espèces et les variétés d’une même espèce, en troisbranches tubuleuses, dont le sommet est garni d’unepetite surface de papilles stigmatiques. Les logesovariennes se trouvent, quand elles sont au nombrede trois, superposées aux sépales. Dans leur angleinterne on voit un placenta qui supporte généralementquatre ovules incomplètement anatropes, plus oumoins nettement descendants et disposés par pairesde telle façon que les ovules de chaque paire se tournentle dos et se regardent par leur court raphé.

Fig. 2, 3, 4 et 5. — Thé : 2, pistil ; 3, ovaire ; 4, fruit ; 5, graine.

Le fruit (fig. 4) toujours vert, légèrement charnu,devient finalement une capsule déprimée, loculicide,à trois ou à un nombre moindre de loges, renfermant chacune une ou deux graines (fig. 5). Celles-ci contiennent,sous leurs épais téguments, un gros embryoncharnu, huileux, à cotylédons plans convexes, entourantcomplètement la gemmule.

Il y a des thés dont les pétales et les étaminessont unis en tube dans une plus grande étendue ; lesloges ovariennes peuvent y être au nombre de quatre.Les styles deviennent libres dans presque toute leurhauteur et les ovules sont au nombre de cinq ou sixdans chaque loge, plus ou moins descendants. Pourcertains autres, remarquables par les dimensionsplus grandes et l’éclat de leur corolle, il y a fréquemment,mais non point constamment, ainsi qu’onl’a cru, une étamine intérieure, libre ou à peu près,en face de chacun des pétales.

C’est là un caractère qui a permis de distinguerles Théacées d’avec les Caméliacées : ces dernierssouvent considérés comme formant un genre à part,et ne constituant, pour ainsi dire, qu’une sectiondans le genre thé.

Avec ces limites bien tranchées, le thé comprendune douzaine d’espèces frutescentes ou arborescentes,parfois même très élevées appartenant àl’Asie tropicale et orientale et à l’archipel Indien.

On n’emploie guère chez nous que la feuille dethé.

Fig. 6. — Feuille de thé.

Les feuilles (fîg. 6) sont alternes, persistantes,simples dentelées, coriaces ou membraneuses, souventlisses et brillantes en dessous. Leur pétiole dépourvu de stipules est denticulé ; les fleurs occupent l’aisselledes feuilles, surtout des supérieures ; elles sont solitairesou groupées en petites cymes. Leur pédicelleporte une ou plusieurs bractées plus petites que lessépales, dont elles ont d’ailleurs la forme et la consistance.

« La feuille dit M. Collin[1], est, ovale oblongue,atténuée à la base, acuminée au sommet. À partird’une certaine hauteur, le tiers ou le quart inférieur,les bords de cette feuille portent des dents régulièrementespacées et d’une forme toute particulière.La dentelure fait une légère saillie en dehors dulimbe, s’arrondit, s’épaissit régulièrement et du milieude l’espèce de petit coussinet qu’elle formeainsi, laisse sortir une toute petite pointe noirâtrequi se recourbe en dedans et qui ressemble à unegriffe de chat. Une nervure médiane partage le limbeen deux parties sensiblement égales. Des nervuressecondaires s’en détachent, sous un angle d’environ45 degrés et vers les deux tiers de la distanceentre la nervure principale et les bords, elles forment,en s’anostomosant de larges lacets d’où partent des nervures tertiaires qui s’anastomosent commeles précédentes à une faible distance du limbe. Cesont seulement les ramifications de ces nervurestertiaires qui se portent vers les dents. »




CHAPITRE II

CULTURE


Le thé entre en sève à la fin de février ; ses feuillesnouvelles commencent à paraître dans les premiersjours de mars. Elles sont bien étalées sans avoir pristoute leur croissance, au mois d’avril. En juin seulement,elles sont tout à fait développées, deviennentépaisses, consistantes et restent constamment vertesjusqu’à l’approche de la nouvelle foliation. La floraisona lieu en automne et il ne faut rien moins qu’uneannée pour que les fruits globuleux achèvent demûrir sur l’arbre.

Le thé se propage par graines, par éclats et parboutures ; ses semences rancissent très promptement ;c’est pourquoi on en met toujours un certain nombredans le même trou, pour faire la part des germes quiplus tard avorteront.

On a essayé depuis longtemps déjà d’introduire enFrance la culture du thé.

« Les premiers essais en ce genre remontent à1765 pour Paris et la Corse où ces plantations dethé furent faites à Sartène et prospéraient depuisvingt-cinq ans, lorsque la culture fut abandonnée.

« Il faut traverser une période de vingt ans pouravoir un nouvel essai remarquable. En 1787,Cels en possédait d’assez nombreux pieds en pleineterre à Paris, pour être en état de propager lethé ; ceux qu’il avait expédiés à Marseille ysupportèrent sans aucun abri le froid excessivementrigoureux de 1788 à 1789. En 1790, le célèbrebotaniste Gouan le cultiva à Montpellier. En 1818,le jardinier Fortin mit en vente deux à trois centssujets qu’il cultivait depuis quatre ans ; l’année suivante,on les vit parfaitement prospérer au Bourdette,près de Foix (Ariège) et à Toulouse au jardin dela Société d’agriculture de la Haute-Garonne. Dansces diverses circonstances, la première année de végétationen pleine terre fut très vigoureuse, mais lesespérances qu’elles faisaient naître n’eurent aucunesuite ; il y avait dégénérescence dans la qualité desfeuilles : séchées, elles perdaient leur arôme ; infusées,elles donnaient une boisson peu attrayante,point apéritive, d’une saveur très médiocre. »

D’autres tentatives furent faites en 1817 et en 1831dans le Milanais et à Angers, mais toutes échouèrent,bien que le climat de Pékin soit plus rigoureux quecelui de Paris. Ce n’est pas le froid qui les tue ; mais,après avoir langui quelque temps, la plante périt sansque la cause réelle de sa mort soit bien connue.

« De semblables désappointements tiennent sansdoute autant à la climature qu’au système de cultureemployé. Sous la zone de Paris, on met l’arbre à thédans un mélange de terreau, de bruyère et de terrefranche légère, on le tient en pot ou en caisse, afinde le rentrer à l’orangerie dès les premières approchesde l’hiver. Outre qu’il se trouve avoir à supporter enplein air une chaleur et une humidité plus grandes etplus constantes que celles que sa nature lui dispenseen sa patrie, ses organes ne sont plus en rapport avecla plus forte proportion d’acide carbonique et d’électricitéqui l’enveloppe au milieu des végétaux entassésdans l’orangerie : il subit donc nécessairementdes modifications qui nuisent au développement deses propriétés et abrègent son existence[2]. »

Aussi, malgré les soins employés on n’est pasencore parvenu, croyons-nous, à cultiver le thé enFrance, de manière à rendre sa récolte productive.

« En Chine aussi bien qu’au Japon, le thé n’exigepas un terrain privilégié ; il suffit qu’il ne soit nitrop léger, ni trop lourd : il réussit mieux sur lescoteaux exposés au midi qu’en plaine. Lorsque le soln’est pas naturellement fertile, on lui applique, dit-on,des fumiers d’engrais humains, et, s’il manque defraîcheur, on lui donne des arrosages.

« La culture du thé se résume dans cet aphorismeagricole : terrain constamment meuble et exempt demauvaises herbes.

« La croissance est lente : au Japon, le thé met septans à atteindre la hauteur d’un homme. On ne récoltepas ses feuilles avant trois ans, mais à partir de cetâge la cueillette est annuelle.

« Suivant les contrées, dès que la plante est parvenueà sa septième année, on la recèpe afin de multiplierses tiges, et par suite, la quantité de feuillesqu’elle peut procurer. Les uns la rabattent périodiquementà cet âge, les autres à chaque dixième année,comme cela se fait en Chine. Dans d’autres provinces,on ne recèpe le thé que tous les trente ou quarante ans.

« Lorsque le temps de récolter les feuilles est venu,les propriétaires de plantations un peu étendueslouent à la journée des ouvriers habitués à ce genrede travail, qui ne laisse pas d’être délicat. Lesfeuilles ne doivent pas être arrachées par poignées, il faut les détacher une à une avec le plus grand soin :quelque minutieuse que soit cette opération, desouvriers habiles, peuvent dans une journée ramasserjusqu’à 6 ou 7 kilogrammes de feuilles.

« Le moment opportun pour faire la cueillette doitêtre saisi avec diligence ; la valeur de la feuilleen dépend ; plus on tarde, plus les produits sontabondants, mais ils perdent d’autant plus de leurqualité.

« La récolte se fait à trois reprises différentes, quicorrespondent aux trois degrés de la végétation.

« La première a lieu vers la fin de février ou lecommencement de mars, quand les feuilles commencentà se montrer ; elles sont alors visqueuses,petites, extrêmement tendres et réputées les meilleuresde toutes ; aussi les réserve-t-on pour la consommationpersonnelle de l’empereur et pour l’usagedes grands mandarins. Non loin de la ville d’Utaï setrouve une montagne fameuse, renommée pour laperfection de ses feuilles de thé ; le climat et le terrainy sont considérés comme particulièrement favorablesà cette plante. La localité jouit du privilègeinsigne de faire la provision de l’empereur et de safamille.

Les précautions que l’on prend, les soins minutieuxdont on s’entoure pour faire cette récolte sont extraordinaires et si ces faits n’étaient pas rapportéspar des voyageurs consciencieux on auraitpeine à y croire. Tout d’abord l’endroit désigné estentouré de haies et environné d’un large fossé, afind’en interdire l’accès aux bêtes comme aux gens.« Trois semaines avant la récolte, dit M. René Saint-Victor,auquel nous empruntons ces détails, lesouvriers chargés de la faire doivent s’abstenir demanger du poisson et de certaines viandes, pour queleur haleine ne porte point préjudice aux feuilles.Tant que dure la cueillette, ils sont obligés de se laverdeux ou trois fois par jour ; on ne leur permet pasde toucher les feuilles avec les mains nues, ils doiventles avoir gantées ; toute infraction à ces prescriptionsserait considérée comme une grave offense àSa Majesté sacrée. Quand la provision est terminée,on la met dans des vases de porcelaine et l’on portele tout à la cour, escorté d’une garde nombreuse. »

La seconde récolte se fait fin mars ou dans lespremiers jours d’avril, lorsque les feuilles sont déjàen pleine croissance, bien étalées, et qu’elles conserventtoute leur souplesse et leur saveur. Il arrivesouvent que, dans cette période, le même arbre à théproduit un grand nombre de feuilles d’inégale grandeur.On ne fait pas attention à leur disparité, on lescueille toutes à la fois, leur qualité diffère peu et on les vend sur le même pied ; seulement on a soin deles séparer et d’en faire plusieurs catégories, déterminéespar leur dimension.

La troisième et dernière récolte s’effectue ordinairementun mois après la seconde, en mai ou enjuin ; les feuilles sont à ce moment dans leur développementcomplet ; elles sont larges, épaisses,résistantes. Cette cueillette est naturellement trèsabondante ; par contre, c’est la plus grossière, et ellene donne jamais qu’un thé vulgaire. Les jeunesplantes de thé donnent des feuilles supérieures enqualité à celles des vieux arbrisseaux. En Chine, lesprovinces de Fo-Kien et de Kiang-Si fournissent lesfeuilles les plus estimées. Au Japon, c’est dans ledistrict d’Utaï que se trouvent les arbres à thé lesplus recherchés.

La méthode chinoise pour la préparation du thé esttrès primitive ; le travail manuel est seul employé.Malgré les efforts faits ces dernières années pouramener les Chinois à employer les machines, commecela se fait aux Indes et à Ceylan, pour rouler,chauffer et mélanger les thés, on n’est arrivé àaucun résultat[3].

Les Chinois obtiennent deux séries de thé biendifférentes : les thés verts et les thés noirs ; ces deuxvariétés ne diffèrent que par le mode de préparationde leurs feuilles. Nous allons décrire les deux façonsde procéder pour obtenir l’une et l’autre de cesvariétés.




CHAPITRE III

PRÉPARATIONS DES THÉS VERTS ET DES THÉS NOIRS


Pour préparer le thé vert, on chauffe les feuillesde suite après la cueillette et sans les exposer ausoleil. Ce chauffage est effectué dans des poêlons,sur un feu de charbon de bois. On le met ensuitedans des petits sacs de coton ; ceux-ci sont attachés,sans être serrés, et placés dans des caisses de boisouvertes. Un homme monte sur la caisse, presse etpétrit ces sacs avec les pieds, dans le but de roulerles feuilles et en même temps de les débarrasser decertains produits acres qui altéreraient le thé et endiminueraient considérablement la saveur.

On roule ensuite les feuilles avec les mains surune table de rotin, après quoi le thé est de nouveau chauffé et livré à des ouvriers particuliers, que l’onnomme dans le pays les hommes thé.

Le premier soin des acheteurs est de chauffer encorelégèrement le thé ; puis des tamis de différentesgrosseurs sont employés pour enlever la poussièreet diviser les feuilles, dans le but de constituer cesdifférentes qualités, connues dans le commerce sousles noms de thé poudre à canon, Hyson, Young Hyson,etc.

Ces feuilles sont alors d’un vert un peu terne,variant quelque peu d’une espèce à l’autre. Pour lemarché étranger, il est d’usage de les colorer ; cettecoloration, peu employée pour la préparation desCountry Teas, est toujours pratiquée à Pingsuey.Elle est obtenue par un mélange de pierre savonneusepilée et de couleur bleue. Pendant cette opération,le thé est de nouveau chauffé ; après quoi, ilest emballé en boîtes ou en caisses.

En Chine, les thés les plus précieux sont renfermésdans des boîtes carrées en bois, recouvertes deplomb laminé, de feuilles sèches et de papier ; le thécommun est simplement emballé dans de grandescaisses.

La préparation du thé noir est une opération plusdélicate et les auteurs ne sont pas d’accord sur lamanière d’opérer. M. le professeur Florence, dans son cours magistral de matière médicale, a donné lapréparation suivante :

Après les trois récoltes, les feuilles de thé sontmises sur des claies en bambous où elles subissentla fermentation : on les laisse jusqu’à ce qu’ellesdégagent une mauvaise odeur. On les torréfie ensuitedans une marmite à laquelle les Chinois imprimentun mouvement giratoire, opération, paraît-il, quine laisse pas que d’être très délicate. À un momentdonné, on refroidit rapidement, en élevant la marmiteet la faisant ensuite retomber brusquement. Onreprend les feuilles, on les roule pour leur donnerla forme voulue, on les torréfie jusqu’à apparitionde gouttes de sueur particulières et caractéristiques.Pour leur donner de l’odeur, on y mêle des plantes,qui, par le parfum qu’elles exhalent, donnent au bonthé noir une saveur particulière, douce, souvent trèsagréable : ce sont des feuilles de roses, de l’anis étoilé,du rocou, du curcuma, etc. On dessèche enfin le thé,on l’envoie dans les ports et on le met finalementdans des caisses.

Peu différente est la préparation que nous allonsindiquer : elle nous a été fournie par des renseignementspersonnels de Shang-Haï. En relationsd’affaires assez suivies avec cette ville, nous noussommes adressé à des acheteurs du pays même, et rien ne nous fait supposer qu’ils soient mal renseignésou qu’ils aient voulu nous induire en erreur.

Il est possible qu’il existe en Chine, comme partoutailleurs, deux modes de préparation du thé ; ou bienencore que ce mode varie, du moins dans ses détails,d’une province à l’autre.

Voici, d’après eux, comment procèdent les Chinois :

Aussitôt après la récolte des feuilles, la premièreopération (à laquelle prend part toute la famille) estl’exposition des feuilles au soleil pendant un tempstrès court sur des plateaux de bambous. Le thé estmis dans des sacs de coton, qui sont foulés par deshommes comme pour le thé vert. Après cette opération,le thé est placé dans des corbeilles recouvertesde coton ou de tapis de feutre pour hâter la fermentation.Au bout de quelque temps, il est retiré de làet chauffé légèrement dans des poêlons sur des charbonsde bois. Il est mis ensuite dans des sacs de cotonet vendu, confectionné ainsi aux marchands de thés :ces marchands sont généralement encore désignéssous le nom de tea-men (hommes thé) ; ils sont leplus souvent de la province de Canton.

(Ceux-ci, à leur tour, envoient dans l’intérieur dela Chine des hommes spéciaux, ayant pour missiond’acheter le thé aux producteurs et de le transporterensuite dans les entrepôts établis dans la région.)

Lorsque l’on a réuni une certaine quantité de thé,il est déballé, chauffé de nouveau et choisi pour constituertelle ou telle marque, suivant la qualité desfeuilles et suivant leur provenance.

Des tamis sont employés pour séparer les grandesfeuilles d’avec les petites, et, lorsque la qualité estdéfinitivement établie, il est de nouveau légèrementchauffé, puis finalement mis en caisse : en un mot, ilest prêt pour l’exportation.

Comme on peut le constater, ce mode opératoire serapproche beaucoup du précédent : il n’en diffère quepar quelques détails, et par un chauffage un peumoins prolongé.

Ici vient se placer une question délicate, et qui n’apas encore reçu, croyons-nous, une solution définitive,il s’agit de savoir d’où provient la colorationdu thé noir. Les voyageurs qui ont pu visiter laChine et les auteurs qui se sont adonnés à cette étudene sont pas d’accord sur l’origine de cette coloration.Les uns affirment qu’elle est produite par la fermentation,les autres ne veulent voir en elle que le résultatd’une longue torréfaction.

Nous nous sommes livré à quelques recherchessur ce sujet et sans avoir la prétention de trancher ducoup une question si complexe, nous donneronssimplement le résultat d’une de nos expériences.

À notre avis, le thé noir doit sa couleur à la fermentationet voici sur quoi repose notre opinion.

Puisque le thé noir est soumis à la fermentation,il y a production de sels ammoniacaux aux dépensdes matières azotées organiques : dans le thé vertnous avons bien également des sels ammoniacaux,sels existant normalement dans tous les végétaux,mais dans le thé noir cette proportion est bien plusconsidérable.

Nous avons pu le constater de la manière suivante :5 grammes de thé vert ont été mêlés à 10 grammesde chaux éteinte, soumis à l’ébullition pendant untemps et reçus dans une solution normale deSO4H2 pour recueillir et doser l’ammoniaque.

5 grammes de thé noir Souchon ont été traités dela même manière, les résultats ont été :

Thé noir,0,002AzH pour5grammes de thé.
0,04100
Thé vert,0,000665
0,013100

On pourrait nous reprocher que cette manièred’opérer n’est pas concluante, cette interventionbrusque de la chaleur entraînant non seulement del’ammoniaque, mais encore le produit de la décomposition de toutes les matières azotées. Pour répondreà cette objection, nous ferons simplement remarquerque nous avons opéré pour les deux variétés de thédans des conditions identiques, même quantité desubstance, même élévation de température, mêmedurée de l’ébullition. Dans ces conditions particulières,les résultats auxquels nous avons été conduit semblentavoir une valeur scientifique réelle.

Et de plus, si, comme on veut bien le dire, lacoloration noire est due à la torréfaction, le thé seranécessairement soumis à une température plus élevée,la proportion de la caféine, alcaloïde volatil,sera par conséquent beaucoup moindre. C’est précisémentle contraire que nous obtenons : les thés noirs(et nous le verrons dans la suite) sont généralementplus riches en caféine que les thés verts.

Que conclure de ces quelques observations, sinonque le thé noir doit sa coloration à une cause qui n’estpoint la chaleur, puisque cette cause n’altère pointsa constitution intime et qu’elle ne lui enlève riende son principe volatil essentiel ? Il est plus logiqueet plus rationnel, ce nous semble, d’y faire intervenirune fermentation active.




CHAPITRE IV

PRÉPARATION DU THÉ


Quoi qu’il en soit, le thé, qu’il se décompose d’unefaçon ou d’une autre, est une boisson délicieuse. Maisencore, faut-il la savoir bien préparer. Si l’on soumetles feuilles à une ébullition trop prolongée ; si aucontraire l’action de la chaleur ne s’est pas assezfait sentir, on n’aura qu’un liquide rougeâtre, fade,sans saveur, et d’un goût désagréable. Comment enChine, dans cette terre classique du thé, prépare-t-oncette boisson ? Le général Tcheng-Ki-Tong nousl’apprend, dans une étude qu’il vient de publier surles plaisirs de la Chine.

« Le thé, dit-il, est la seule boisson que prennele peuple. Quant à la haute société, elle compte beaucoupd’amateurs de thé ; on croit que ce liquide a lepouvoir de rendre la pensée plus claire. Le thé qu’on prend dans les classes riches est toujours le thé vert ;c’est le Château-Laffite des Chinois. Dans les rues,en été, pendant les grandes chaleurs, les famillescharitables mettent toujours devant leur porte ungrand réservoir de thé qu’on renouvelle à chaqueinstant et auquel le public peut étancher sa soif.

« Le thé ne peut être bon que si on le fait chaufferavec de l’eau de pluie ou de l’eau de source et si l’onfait chauffer cette eau jusqu’à un certain degré ;l’ébullition ne doit pas durer plus de quelques minutes ;dès que les bulles apparaissent à la surface, l’eaua assez bouilli. Encore faut-il que le vase danslequel on fait chauffer l’eau soit fait de certainesmatières : les vrais amateurs ne se servent que devases de Ni-Hing, espèce de terre-cuite non vernie àl’intérieur. Ainsi préparé, le thé constitue une excellenteboisson économique et sacrée. On la boit continuellementmême en se couchant, et toujours sanssucre ; il n’agite jamais. À ce propos, ajoute le général,un de mes compatriotes m’a dit que les Européens,notamment les Anglais, ne savent point faire le thé :1o ils le font bouillir ; 2o ils y mettent des alcools, etle goût est perdu : enfin avec le sucre, c’est la saveurqui disparaît. Le thé doit infuser cinq minutes et avoirune couleur claire, à peine jaune. »

Au Japon, la manière de prendre le thé est un peu différente. La veille du jour où l’on veut préparerle thé comme boisson, on le broie en poudre impalpable.« Au moment de le servir, dit encore M. R. Saint-Victor,on verse de l’eau bouillante dans une tasse, ony jette une quantité déterminée de thé en poudre, eton agite le liquide avec un moussoir en bois jusqu’à cequ’il ait pris la consistance d’une bouillie très claire ;on le hume à petits traits. Les gens riches cependantusent du thé comme les Chinois, et emploient le mêmeprocédé de préparation.

« Les gens du peuple, au Japon, font bouillir le thédans une marmite ; ce n’est plus alors qu’une grossièreinfusion : ce qui ne les empêche pas d’y puiserdepuis le matin jusqu’au soir. »

En France, où le thé est encore un objet de luxe,on commence par faire bouillir une quantité d’eaudéterminée ; puis, lorsque le liquide est en pleineébullition, on éteint le feu : on y jette alors unepincée de feuilles de thé, une cuillerée à bouche parpersonne, on laisse reposer dix minutes et on passe laliqueur, additionnée de sucre.

Dans un poème consacré à l’éloge du thé, l’empereurKin-Long a résumé d’une façon pittoresquel’art de prendre cette boisson. « Choisissez, dit-il, unvase à trois pieds dont la couleur et la forme attestentde vénérables services, remplissez-le d’une eau limpide, chauffée au degré nécessaire pour faireblanchir le poisson ou rougir le crabe, versez-leaussitôt dans une tasse, contenant des feuilles tendresd’un thé d’élite et laissez l’infusion au repos, jusqu’àce que les vapeurs qui s’élèvent d’abord en abondance,formant des nuages épais, s’affaiblissent peuà peu, pour ne plus dégager qu’un léger voile debrouillard à la surface de la coupe ; humez alors,avec réflexion cette délicieuse liqueur, elle dissipevictorieusement les cinq sujets d’inquiétude quipèsent sur la pauvre humanité ; on peut goûter, onpeut jouir, mais on ne saurait rendre la calme béatitudeque procure ce breuvage céleste. »

Sans partager à un aussi haut degré l’enthousiasmede l’empereur chinois, on peut dire que, bien préparé,le thé est une boisson hygiénique par excellence.




CHAPITRE V

ACTION PHYSIOLOGIQUE ET MÉDICALE DU THÉ


Le thé n’est pas seulement une boisson hygiénique,mais il a une action physiologique et médicale quilui est propre. Tout d’abord, « l’infusion de thé, ditMichel Levy[4], flatte singulièrement le goût par lafinesse de sa saveur, par la netteté de son arôme, etpar un sentiment d’astringence fort agréable. Unefois ingérée, elle détermine des phénomènes immédiatset secondaires, les premiers, dus au calorique,ne diffièrent pas de ceux que produit l’ingestion del’eau chaude, accélération du pouls, réchauffementgénéral, augmentation d’énergie vitale, aptitude plusgrande aux mouvements de la vie animale et de la vie organique, et, si la boisson a été prise en quantiténotable, une sorte de fièvre qui se résout le plussouvent par une crise sudorale ». Mais pour biennous rendre compte de ces effets physiologiques, ilnous faut étudier l’action du thé : 1o sur le systèmenerveux ; 2o sur la circulation et la nutrition.

1o Une première action bien nette est l’influence quel’infusion de thé exerce sur les fonctions intellectuelles :l’intelligence est éveillée, la pensée plusactive. « Le thé, dit M. Moleschott[5] augmente la forcede s’occuper des impressions reçues. Il dispose à uneméditation pensive, et malgré une plus grande vivacitédans le mouvement des idées, l’attention s’arrêteplus facilement sur un objet déterminé. On éprouveun sentiment de bien-être et de gaieté : l’activitécréatrice du cerveau prend un essor qui se maintientdans les limites imposées à l’attention, au lieu des’égarer à la poursuite d’idées étrangères : réunisautour du thé, les hommes instruits seront portés àentretenir une conversation réglée, à approfondir lesquestions, et la gaieté calme que le thé provoqueles conduit d’ordinaire à des résultats satisfaisants. »

Marvaud, dans un ouvrage remarquable publié en 1874[6] a encore mieux précisé, si possible, cetteaction physiologique. « À peine les effets produitspar le calorique se sont-ils dissipés, dit-il, quel’action du thé se manifeste par une stimulationagréable, accompagnée d’un sentiment de bien-être ;l’individu se sent heureux de vivre, les facultés del’esprit s’épanouissent et une quiétude douce etagréable s’empare de notre être ; tout sourit ici bas,on aime mieux chacun de ses hôtes ou de ses convives,on pardonne facilement les torts de ses semblables,comme on oublie volontiers ses propres fautes. Ongarde le silence et l’on ignore ses malheurs, sescontrariétés présentes et passées. »

Qui de nous, du reste, n’a ressenti ces merveilleuxeffets ? Que de fois notre intelligence, nos sens,fatigués par un trop long exercice, se sont sentiscomme pour ainsi dire réveillés sous l’influence decette boisson bienfaisante ?

Comme on peut le voir, cette action du thé serapproche beaucoup de celle du café ; elle a sur cedernier cet avantage qu’elle ne détermine ordinairementdu moins, ni céphalalgie, ni malaise.

Toutefois (et il en est du thé comme de beaucoup d’autres substances), il se manifeste quelquefoischez certaines personnes nerveuses des symptômespénibles. Une heure après l’ingestion, dit encoreM. Marvaud, succèdent aux sensations agréables destroubles du système nerveux qui donnent lieu à desbâillements, à des agacements, à une irritabilitéinsolite, à des pincements à l’épigastre, à des palpitations,à des tremblements dans les membres, à unsentiment de tristesse générale.

À ces symptômes peuvent se joindre une insomniepénible et insupportable, et une excitation forte etprolongée du système nerveux, suivies de lassitudeet de céphalalgie.

2o Nous avons dit que le thé avait encore une actionsur la circulation, la respiration et la calorification ;mais si l’action première sur le système nerveux estbien nette, on ne peut en dire autant sur la circulation.Sans entrer à fond dans l’étude de cette question,sans prendre part aux discussions des savants, onpeut admettre que la respiration est fortementinfluencée par le thé, comme, du reste, l’avaientdémontré les recherches déjà anciennes de Smith.

Les inspirations augmentent de fréquence et d’ampleur,et même si la dose de l’infusion est tropélevée, il peut se produire une oppression pénible,comme une angoisse dans la région du cœur. Ces troubles sont pour la plupart passagers : ils s’observentsurtout dans l’infusion de thé vert, plus richeen principes actifs ; rarement dans celle du thé noir ;on doit les rapporter d’après Marvaud à l’action del’huile volatile, contenue, comme nous le verronsdans la suite, dans les feuilles de thé.

À côté de cette fréquence des inspirations, il y aencore ce que Smith et Marvaud après lui, appellentle refroidissement périphérique, à la suite de l’ingestiondu thé à la température ordinaire. Ce refroidissementpurement physiologique, n’a rien que de trèsnormal : il s’explique d’une part, dit Marvaud, parl’augmentation de l’expiration pulmonaire et de latranspiration cutanée qui se produit sous l’influencede l’essence de thé, d’une autre part, par l’influencefrigorifique de la théine, dont l’action sur la chaleurorganique est tout à fait comparable à celle de lacaféine.

Enfin le thé a encore une influence sur la nutrition :sans agir, d’après nous, comme un alimentproprement dit, il doit être regardé plutôt comme uncondiment pour aider les fonctions de nutrition etactiver la digestion.

« Le thé, dit toujours M. Marvaud, excite ladigestion ; il calme ce sentiment de tension et de plénitudequi siège à la région stomacale après un repas indigeste ou copieux. Ces effets sont dus trèsprobablement à son essence aromatique, qui, enaugmentant la sécrétion des glandes digestives à lafaçon des huiles volatiles contenues dans les diversesépices employées dans l’alimentation (moutarde,cumin, poivre, girofle, cannelle…, etc.) favorise ladissolution et l’absorption des aliments. »

Pris à fortes doses, ajoute Moleschott, il peuttroubler la digestion en précipitant par son acidetannique les corps albumineux dissous.

Ainsi donc le thé étend à la fois son action stimulante,sur les fonctions cérébrales, sur la circulationet les sécrétions. Sous son influence, le pouls acquiertde la fréquence, la respiration s’accélère, la peaudevient chaude et injectée. À dose modérée, ellestimule les facultés du cerveau, rend l’intelligenceplus lucide, elle convient surtout à l’étudiant qui,penché sur ses livres, se fatigue le cerveau par untravail assidu ; elle aide alors la mémoire et réveillela pensée souvent endormie.

Est-ce à dire que le thé doive être employé à toutpropos et sans discernement ? Non, certes ! Il estutile aux personnes sédentaires, il convient dans lespays froids, brumeux et humides ; mais il ne sauraitconvenir aux personnes irritables ; son action narcotiqueaffaiblit les organes gastriques et, comme nous le disions plus haut, peut occasionner alors destremblements, des larmoiements.

Résumant ses propriétés médicinales, nous dironsavec Marvaud que le thé a trois actions bien distinctes :

1o Il agit comme excitant du système nerveux ;

2o Comme ralentissant le mouvement de dénutritionou comme agent antidéperditeur ;

3o Comme renfermant une certaine proportion deprincipes azotés assimilables ou comme aliment plastiqueet réparateur.

Nous ajouterons que, si cette boisson donne de lagaîté sans ivresse, ce n’est que quand elle estlégère, et prise à temps ; autrement elle est indigesteet peut devenir dangereuse, surtout pour les estomacsfaibles.

Nous avons traité du thé au point de vue de sabotanique, de sa culture et de ses usages ; mais ilne suffit pas, pour bien apprécier une substance, deconnaître ses propriétés physiques, il faut encoreétudier ses falsifications et la manière de les reconnaître ;cette étude fera l’objet de la seconde partiede notre travail.



DEUXIÈME PARTIE

FALSIFICATIONS DU THÉ


CHAPITRE PREMIER

ÉTUDE MICROSCOPIQUE DE LA FEUILLE DU THÉ


Comme tous les produits alimentaires dont le prixest assez élevé, les feuilles de thé, et surtout les thésverts, sont soumises à de nombreuses falsifications.

Il est d’abord des falsifications courantes et grossièresse reconnaissant, pour ainsi dire, à premièrevue. Elles consistent surtout à donner à des thés dequalité inférieure l’aspect de produits de meilleuresorte, par conséquent plus chers, ou à rendre de l’apparenceà des thés épuisés. Dans ce but, on colore les feuilles de manière à obtenir la teinte voulue :c’est le bleu de Prusse, l’indigo, le kaolin que l’onmélange ou que l’on ajoute simplement pour obtenirla teinte vert-bleue avec des reflets blanchâtres.

On retrouve facilement au microscope ces diversesfraudes. Il suffit de faire macérer dans l’eau quelquesfeuilles, puis de brosser leur surface avec unpinceau[7] ; les particules étrangères se détachent etflottent dans le liquide. Le bleu de Prusse forme depetits fragments anguleux, d’un bleu brillant et transparent ;sous l’action de la potasse concentrée, cesfragments passent au rouge brun. L’indigo est enparticules irrégulières, opaques, granuleuses, d’uneteinte bleue verdâtre, ne changeant pas de couleurlorsqu’on les traite à froid par la potasse.

Le curcuma se reconnaît à ses cellules d’un aspectparticulier : elles sont grosses et semées de grainsd’amidon d’un aspect également particulier.

Mais il est des cas (et ceux-là sont les plus fréquents)où la falsification est plus accentuée, c’estcelle qui consiste à mélanger aux feuilles de thé d’autresfeuilles présentant la même forme extérieure.

« Un premier essai indispensable pour tous les importateurs et marchands en gros de thé qui sont dépourvusde microscope, consiste à faire bouillir une pincéede thé suspect dans l’eau faiblement alcalinisée. Quandles feuilles sont bien ramollies, on les lave jusqu’à ceque l’eau de lavage soit claire et on les étend sur unelame de verre ou sur une soucoupe en porcelaine, onexamine à la loupe, la nervation et le bord du limbede la feuille[8]. » Toutes les variétés du Thea Sinensissont pourvues de ces dents aiguës que nous avonssignalées dans la première partie de notre travail ;si les feuilles sont dépourvues de ces dentelures, onest en droit d’en suspecter la valeur.

Fig. 7. — Coupe d’une feuille de Thea Sinensis.
a, épiderme ; 6, cellules en palissades ; c, partie interne ; d, épiderme inférieur.

Mais il est impossible à un expert de se prononcerd’une manière certaine sur la falsification du thé sansrecourir à l’emploi du microscope. Et pour cela, ilest de toute nécessité de se rendre compte de la coupehistologique d’une feuille de thé ; nous allons l’examineravec quelque détail.

Fig. 8. — Épiderme supérieur.

Une feuille de thé se compose des éléments suivants :

Supérieurement on trouve un épiderme épais (A,fig. 7), formé de cellules carrées pressées les unescontre les autres, sans se toucher ; il est recouvertpar une cuticule épaisse et lisse.

Viennent ensuite des cellules en palissade, quelquefoissur deux rangées. Elles sont allongées perpendiculairementà l’épiderme et pressées les unes contre les autres (B). Cette première rangée est forméede cellules trois ou quatre fois aussi longues quelarges ; la rangée inférieure, lorsqu’elle existe estformée de cellules plus petites dont la longueur dépasseà peine la largeur.

Immédiatement au-dessous se trouvent des cellulesirrégulières et rameuses, remplies, comme du resteles précédentes, de chlorophylle et contenant quelquesgouttes d’huile. Elles paraissent à peu près égalesdans tous les sens sur une coupe transversale de lafeuille et cependant les méats qui les séparent les unesdes autres sont très irréguliers. Cette zone intermédiairecomprend de nombreux cristaux d’oxalate dechaux, disséminés sans ordre, occupant le centred’une cellule presque sphérique.

Un trait bien caractéristique des feuilles de théest la présence de cellules scléreuses paraissantjouer le rôle d’agent de consolidation (D) et de soutienen maintenant les deux épidermes à leur distancerespective. On les désigne tantôt sous le nom de « phytocystesscléreux » ; tantôt, et plus communémentpeut-être, sous le nom de « stéréides ». Ces cellulesrevêtent des formes très diverses (fig. 9). Souventce sont de simples cylindres à axe rectiligneou quelque peu sinueux, s’étendant d’un épiderme àl’autre, s’abouchant aux deux extrémités avec la paroi profonde d’un épiderme. Leur cavité est étroite,leur paroi épaisse et réfringente. Assez souvent ilsn’attaquent pas tout à fait l’épiderme inférieur, maiss’arrêtent à une distance variable de celui-ci, en seterminant en cul-de-sac. De ce côté aussi (et plusrarement de l’autre), ils peuvent présenter plusieursramifications. Leur forme et leur longueur varientdans les diverses espèces du genre Thea. Des cellulesanalogues se trouvent dans les nervures (leséléments de l’épiderme ont du reste une paroi épaissequi, suivant les espèces, se rapproche plus ou moinsdes caractères de celles de ces cellules scléreuses —phytocystes ou stéréides — précédemment décrites).

Fig. 9. — Cellules scléreuses isolées.

L’épiderme inférieur diffère beaucoup de l’épidermesupérieur, il est formé de cellules plus petites, très irrégulières, il est garni de stomates et de poils quitous deux présentent un caractère bien net et bientranché (fig. 10).

Fig. 10. — Épiderme inférieur.

Les stomates sont entourés généralement par troiscellules plus petites que les autres et allongées tangentiellement.Ce caractère toutefois n’est pas absolumenttypique ; une famille voisine qui souvent luiest confondue, les Camilliacées, présente égalementcette singulière particularité.

Les poils ont, eux aussi, un caractère particulieret étrange. Écrasés entre les lamelles d’un microscopeet sous l’influence de la potasse, ils s’amincissentet se courbent à angle droit.

« Le meilleur moyen d’apprécier chacun de ces caractères, dit M. Collin, consiste à faire des sectionsde la nervure médiane sur des feuilles ramollies,et à l’endroit le plus rapproché du pétiole, defaçon toutefois à conserver de chaque côté de lanervure, une aile ou un fragment de limbe. Lessections sont plongées pendant quelque temps dansde l’eau distillée, qui a été additionnée de partieégale de liqueur Labarraque ou de solution normaled’hypochlorite de soude.

« Pour bien étudier la disposition et la forme descellules épidermiques, il est préférable de fairebouillir quelques feuilles dans de l’eau alcaliniséeet de détacher avec une aiguille des fragments del’épiderme qui se séparent alors du mésophylle avecla plus grande facilité.

« Pour bien apprécier les formes des cellules scléreuses,on détache sur les feuilles ainsi traitées unfragment de la partie inférieure de la nervure quiest toujours abondamment pourvue de ces élémentset on l’écrase entre deux lames de verre. »

Ces notions préliminaires étant acquises, nouspouvons entreprendre l’étude rapide des principalesfalsifications du Thé.




CHAPITRE II

ÉTUDE DES PRINCIPALES FALSIFICATIONS


Les feuilles qu’on ajoute par fraude au thé ont, laplupart du temps, des caractères qui permettent deles différencier facilement. En Chine (pays par excellencede la falsification), la fraude commence déjà ;on mélange communément aux feuilles de thé lesfeuilles d’une Camélliacée, le Camellia Japonica.Il faut toutefois arriver en Europe, pour se trouverau cœur même de la falsification : là on opère surune vaste échelle. Plusieurs espèces indigènes sontutilisées dans ce but coupable : ce sont les feuillesde l’aubépinier, du chêne, de l’églantier, de l’épilobium,du frêne, du fraisier, du hêtre, du gremil, dulaurier, du cerisier mahaleb, du marronnier d’Inde, de l’olivier, de l’orme, du peuplier, du pommier, duprunelier, du saule, du sureau et de la véronique.

Nous n’étudierons pas en détail ces diverses feuilles,nous nous arrêterons plus spécialement surcelles qui présentent le plus d’intérêt : nous nousaiderons en cela de la thèse remarquable de M. Brunotte,De la détermination histologique des falsifications du thé,Nancy, 1883, et de l’excellentouvrage de M. Macé, sur les Substances alimentaires[9].

Fig. 11. — Coupe transversale de la feuille du Camellia japonica.

Feuilles de Camellia Japonica. — La feuille duCamellia japonica est très voisine de la feuille de thé : elle diffère toutefois quelque peu par ses caractèresextérieurs ; elle est plus épaisse, plus coriaceque la feuille du Thea Sinensis. La coupe histologique(fig. 11) est presque la même, on y trouve ladouble rangée de cellules en palissade : les cellulesde la partie moyenne sont cependant plus régulières,plus arrondies ; les cellules sont plus courtes, touten conservant la même forme ; de plus, elles netraversent jamais toute l’étendue du parenchymelacuneux.

On peut dire que ce n’est pas là une falsificationbien préjudiciable, les feuilles du Camellia jouissantdes mêmes propriétés, et ne formant même d’aprèscertains savants qu’une même famille botanique.

Feuilles de Chloranthus. — Les feuilles d’unepiperacée, le Chloranthus inconspicuus sont assezsouvent mêlées aux feuilles de thé. Elles s’en distinguentfacilement par leur saveur âcre et piquante,et, sans qu’il soit nécessaire d’en donner une coupe,par l’absence de cellules scléreuses.

Feuilles d’aubépinier. — Les feuilles de l’aubépinier(Cratœgus oxyacantha) se distinguent par laforme des deux épidermes ; l’inférieur surtout portantà la base des poils courts et larges. De plus, leparenchyme lacuneux est formé de cellules rameuses.

Feuilles de chêne. — Les feuilles du chêne ( Quercus robur) ont une forme extérieure trop connue pour qu’il nous soit permis d’y insister dans cecourt exposé.

Fig. 12. — Coupe transversale du limbe d’une feuille d’Églantier.
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Feuilles d’églantier (Rosa canina). — Les foliolessont à limbe dentées en scie ; la nervure
médiane porte des nervures latérales sous un anglede 45 degrés, lesquelles se rejoignent vers lesbords de la feuille en courbes douces. Le réseau està mailles très serrées, formées par l’anastomose despetites nervures (Collin).

Au microscope la feuille de l’églantier (fig. 12)diffère de la feuille du thé par son épiderme supérieurformé de cellules carrées très développées,entourées d’une cuticule épaisse. Les cellules enpalissade sont, elles aussi, très allongées ; elles sontirrégulières ; le parenchyme lacuneux par contre estpeu développé et est formé de trois genres de cellules :les premières sont rondes ou légèrement ovalaires ;les secondes renferment des cellules à cristaux disposéesen macles ; les troisièmes contiennent descristaux à enveloppes de lettres.

Il y a absence complète de cellules scléreuses, —comme du reste dans toutes les feuilles qui vont suivre,— et de plus les poils à angle droit font complètementdéfaut.

Feuilles d’Épilobium (Epilobium hirsutum). —Cette falsification, rare en France, est au contrairetrès commune dans les thés de provenancerusse : la fraude est du reste facile à déceler.

La feuille diffère par sa forme extérieure ; elleest très allongée et fort étroite, à limbe entier ou àpeine denté. La nervure médiane, donne presque àangle droit, des nervures latérales se rejoignant àquelque distance du limbe, pour constituer de largeslacets bien apparents (Collin).

Quant à la coupe (fig. 13), elle diffère aussi profondément. Les deux épidermes supérieurs et inférieurssont formés de cellules carrées très épaisses, ellessont caractérisées par des poils unicellulaires dedeux sortes : les uns sont courts et arrondis, lesautres sont, au contraire, très allongés et terminésen pointe.

Fig. 13. — Coupe transversale du limbe foliaire d’Epilobium hirsutum.

Les cellules en palissade sont moins nettes : ellessont plus larges et très irrégulières. Les cellules duparenchyme lacuneux sont, les unes larges, lesautres allongées ou presque rondes : en un mot sansforme bien distincte ; elles ont généralement uncontour sinueux. Quelques-unes toutefois sont caractérisées par leur grande dimension et par laprésence de cristaux à raphides.

Feuilles de frêne (Fraxinus excelsior). —« Les folioles de la feuille composée sont ovales,oblongues, lancéolées, terminées en pointe, ellessont à dents aiguës, un peu sinueuses. De la nervuremédiane se détachent des nervures secondaires, obliquesse subdivisant en deux rameaux, s’anastomosanten arc avec celles des nervures voisines, prèsdes bords du limbe. La face supérieure est glabre etluisante, tandis que la face inférieure porte quelquespoils le long de la nervure médiane[10]. »

Fig. 14. — Coupe transversale du limbe de la feuille de Frêne.

La coupe n’a rien de bien remarquable, l’épidermeest formé de cellules carrées à peu près égales (fig. 14).

Il est parsemé de glandes pluricellulaires, trèsrares du reste : lorsqu’elles existent, elles sont entouréespar un pédicule court et unicellulaire.

Les cellules en palissade sont sur deux rangées ;elles sont très nettement marquées, et très allongées ;les supérieures étant peu développées.

Le parenchyme lacuneux par contre est très réduit,il est formé de cellules arrondies, avec denombreux méats. Les cellules de l’épiderme inférieuront la forme carrée et elles sont munies de crêtessaillantes vers l’extérieur ; de face elles paraissentstriées. Elles portent quelques poils longs pluricellulaireset sont entourées d’une cuticule épaisse etrésistante.

Fig. 15. — Coupe transversale du limbe de la feuille de Hêtre.

Feuilles de hêtre (Fagus silvatica). — Les feuillesde hêtre sont arrondies, coriaces, luisantes, fortement plissées aux nervures. Sur une coupetransversale (fig. 15), on trouve un épiderme forméde cellules carrées presque égales entre elles et entouréesd’une cuticule épaisse. Puis immédiatementau-dessous une seule rangée de cellules en palissade :celles-ci sont allongées, assez régulières. Leparenchyme qui fait suite est formé d’éléments carrés,laissant entre eux de nombreux méats intercellulaires,sans caractère bien distinctif. L’épidermeinférieur se confond presque avec l’épiderme supérieur.

Feuilles de grémil (Lithospermum officinale). —Les feuilles du grémil, quelquefois mêlées à cellesdu thé, ont une coupe peu intéressante, mais qu’ilconvient toutefois d’examiner rapidement (fig. 16).

L’épiderme supérieur est formé de cellules carrées,très épaisses : il est garni de poils, qui, renflés à labase, vont ensuite en diminuant de plus en plus,pour se terminer en une petite pointe.

Les cellules en palissade sont petites, assez régulièreset disposées sur un seul rang. Le parenchymequi fait suite est bien développé et est formé decellules se rapprochant beaucoup par leur forme etleur disposition de celles du hêtre.

Fig. 16. — Coupe transversale du limbe de la feuille de Grémil.

L’épiderme inférieur est formé de cellules trèspetites, relativement à celles de l’épiderme supérieur ; il est, comme celui-ci, garni de poils : mais ces dernierssont plus minces et beaucoup plus longs : ilsse terminent également en une pointe plus acérée.

Fig. 17. — Coupe transversale du limbe de la feuille de Laurus nobilis.

Feuilles de Laurus nobilis. — Extérieurement lafeuille, dit E. Collin, est coriace, lancéolée, légèrementpétiolée, à limbe privé de dents. La nervuremédiane donne naissance à des nervures latérales quise rejoignent à quelque distance des bords de la feuilleen anses simples ou doubles.

Les feuilles du Laurus nobilis offrent au microscopedes caractères permettant de les différencierfacilement. L’épiderme supérieur (fig. 17) est formé,de grosses cellules recouvertes d’une cuticule épaisse,caractérisée par une absence complète de poils.

Le parenchyme qui fait suite est formé de cellulesovalaires, allongées se retrouvant même jusque dansle parenchyme lacuneux : ces cellules ont commecaractère particulier la présence de glandes unicellulaires,volumineuses, remplies d’huile essentielle.L’épiderme inférieur n’a rien de particulier : ilest, comme le précédent, dépourvu de poils etentouré d’une cuticule épaisse et assez résistante.

Feuilles de Prunus Mahaleb. — Les feuilles duPrunus Mahaleb ont un épiderme formé de grossescellules (fig. 18), adossées à une double rangée decellules en palissade, les premières allongées etassez volumineuses, les autres plus petites : toutesdeux à peu près égales dans le sens transversal.

Le parenchyme lacuneux est formé de cellules déprimées sans forme bien distincte et caractériséespar la présence d’autres cellules rondes, contenantchacune des cristaux à oxalate. L’épiderme inférieurest formé de cellules trois fois moindres, que cellesde l’épiderme supérieur ; ces cellules sont, elles aussi,remarquables par la présence de longs poils pluricellulaires,terminés par une petite pointe mousse.

Fig. 18. — Coupe transversale du limbe de la feuille de Prunus Mahaleb.

Feuilles de marronnier dinde. — Les feuilles dumarronnier d’Inde (fig. 19) se rapprochent quelquepeu des précédentes, elles s’en distinguent toutefoispar la présence dans l’épiderme de cellules énormes,recouvertes d’une cuticule nettement striée.

Les cellules en palissade sont sur une seule rangée ; le parenchyme lacuneux contient de grossescellules rondes d’apparence glanduleuse. L’épidermeinférieur, formé de petites cellules carrées, est caractérisé,lui aussi, par la présence de poils unicellulaires,mais ceux-ci sont plus longs, plus acéréset leur surface est comme garnie de petits tubercules.

Fig. 19. — Coupe transversale du limbe d’une feuille de Marronnier d’Inde.

Feuilles d’olivier (Olea Enropæa). — Lesfeuilles de l’olivier sont rarement mélangées,croyons-nous, aux feuilles de thé : mais, leur coupe étant très intéressante, il nous semble utile d’endire au moins quelques mots.

Fig. 20. — Coupe transversale du limbe de la feuille d’Olivier.
Fig. 21. — Épiderme avec des poils en rosette.

Comme le montre la figure 20, l’épiderme supérieur,au lieu d’être formé de gros éléments, est constitué par de petites cellules, régulièrement carrées,entourées d’une cuticule épaisse.

Il est très remarquable en ce qu’il est garni depoils en rosette, fortement applatis et tout à faitcaractéristiques (fig. 21).

Les cellules en palissade, petites, très régulières,sont sur trois rangs ; le tissu lacuneux est formé decellules rondes ou fortement déprimées, laissantentre elles de nombreux méats, mais (autre caractèreabsolument typique), il est parsemé de cellules rameuses,à paroi épaisse, disséminées sans ordre, etse retrouvant même, en assez grand nombre, dans lesrangées de cellules en palissade : il y a absence complètede cellules à cristaux. L’épiderme inférieur estidentique à l’épiderme supérieur, et se compose desmêmes éléments. Ces deux caractères (présence depoils en rosette, présence de cellules rameuses) sontbien tranchés et rendent difficile le mélange desfeuilles d’olivier, avec celles des feuilles de thé.

Les feuilles de l’orme, du peuplier, du pommelier,sont rarement mélangées, dans un but de falsification ;nous croyons inutile d’en donner ici une coupe microscopique.

Toutefois, si cette fraude se commettait, on pourraitfacilement la déceler, pour les feuilles de l’orme,par ses poils, les uns glanduleux, courts et pluricellulaires, les autres unicellulaires courts et pointus ;pour les feuilles du peuplier par son limbe en formede cœur et par l’absence de poils dans l’épiderme ; lesfeuilles de pommier, par l’absence d’éléments scléreuxet la présence de poils à paroi mince et à cavité trèslarge ; les feuilles du prunier enfin par la présencede poils dont quelques-uns seulement sont pluricellulaireset par la disposition toute spéciale des nervures.

Feuilles de saule (Salix capræa). — Ces diversesfeuilles, disons-nous, sont rarement mêlées auxfeuilles de thé ; il n’en est pas de même des feuilles desaule (fig. 22). Ces dernières au contraire sont l’objetd’une fraude constante, non seulement en Chine,mais encore en Europe ; on se sert surtout des feuillesdu saule Marceau (Salix capræa). Aussi entrerons-nousdans quelques détails soit sur leur formeextérieure, soit sur leur coupe thisologique.

Au point de vue de leur forme, les feuilles duSalix capræa sont beaucoup plus longues que lesfeuilles du Thea Sinensis ; elles sont très aiguës ausommet ; les bords en sont crénelées, les nervuresbeaucoup plus nombreuses, disposées d’une touteautre manière, vont en s’anastomosant en tout sens.

En voici du reste la description très exacte qu’endonne M. Collin. Feuilles sept ou huit fois plus longues que larges, ovales, crénelées, dentées, rugueuseset luisantes en dessus, souvent tomenteusesen dessous. Leurs nervures latérales se perdent dansle limbe sans se rejoindre en anses. Les petites nervuresforment un réseau à mailles assez serrées.

Fig. 22. — Feuilles de Saule.

Mais ces caractères purement extérieurs ne pourraientsuffire, il faut surtout s’adresser à la coupetransversale de la feuille (fig. 23).

L’épiderme supérieur est formé de grosses cellules carrées, assez régulières, et recouvertes d’unecuticule épaisse.

Viennent ensuite deux assises de cellules enpalissade : la première assise est formée de partiesallongées, assez régulières ; la seconde assise trèsrégulière aussi, est formée des mêmes éléments, touten étant un peu moins allongée ; mais elle est remarquablepar la présence de « grosses cellules cristalligènesdans l’intérieur desquelles se trouvent desmacles sphériques d’oxalate de chaux[11]. »

Fig. 23. — Coupe transversale du limbe de la feuille du Salix capræa.

Le parenchyme lacuneux très peu développé (lescellules en palissade occupant à elles seules plus dela moitié du mésophylle) est formé de petites cellulesdéprimées, laissant entre elles de nombreux méats.

Enfin l’épiderme inférieur est formé de cellulescarrées, deux ou trois fois plus petites que celles del’épiderme supérieur ; comme ce dernier il est entouréd’une cuticule striée et porte des poils unicellulairesbien développés et très aigus : ceux-ci existent biendans l’épiderme supérieur, mais leur nombre en estmoins considérable.

Feuilles de sureau et de véronique. — Les feuillesde sureau et de véronique quelquefois mêlées auxfeuilles de thé sont faciles à reconnaître.

Les feuilles de sureau sont lancéolées à dents irrégulières,assez larges et assez profondes.

Fig. 24 et 25.

« De la nervure médiane partent en formant unangle de 45 degrés environ des nervures latérales,dont les nervures secondaires s’anastomosent entreelles en formant un réseau à mailles assez larges. »

Au microscope elles sont caractérisées par leurspoils courts et pointus, leurs glandes pluricellulaires et par la présence dans le parenchyme lacuneux,« de grandes cellules cristalligènes, contenant denombreux cristaux tétraédriques d’oxalate de chaux,isolés les uns des autres ».

Les feuilles de véronique sont aisées à reconnaîtreà la coupe micrographique ; ce qui les caractérise surtout,ce sont leurs poils. Ceux-ci sont de deux sortes :les uns (fig. 24) sont très longs, traversés par troiscloisons et terminés par une petite pointe aigie trèslégèrement recourbée. Les autres (fig. 25) sontcomme emboîtés dans l’épiderme ; ils sont portés parun court pédicelle unicellulaire et terminés par deuxpetites glandes sphériques et glanduleuses.

Faux thé impérial. — Il nous reste à dire quelquesmots d’un produit vendu quelquefois dans lecommerce sous le nom de thé impérial chinois. Levéritable thé impérial est une rareté ; il est trèsdifficile pour ne pas dire impossible, de s’en procurerdes feuilles dont l’authenticité soit indiscutable.Du reste cela s’explique facilement, le vrai théimpérial, étant, comme nous le disions en commençant,consommé par l’empereur de Chine, les grandsmandarins et quelques rares privilégiés.

Le thé impérial du commerce est une variété plusinférieure, qui, dans les qualités supérieures, nelaisse pas que d’être excellent, d’un goût délicat, soit, comme nous le verrons dans la suite, pour les thésnoirs, soit aussi pour les thés verts.

« Des cellules quadrilatérales, à parois épaisses etponctuées, localisées dans la partie inférieure dumésophylle, une cuticule épaisse et striée, desstomates entourés par quatre ou cinq cellules, quin’ont rien de régulier dans leur forme, ni dans leurdirection ; la forme de la nervure médiane, la structuredu système libéro-ligneux, constituent, ditM. Collin, un ensemble de caractères de premierordre qui distinguent très nettement la feuille du théimpérial (commercial) de la feuille du Thea chinensis. »


Nous venons de parcourir et d’étudier les diversesfalsifications du thé par le mélange d’autres feuillesd’une famille différente : mais il est des cas, où lafraude est moins accentuée, et par contre plussavante.

S’agit-il par exemple d’un thé déjà épuisé ? s’agit-ild’un thé fait du mélange de feuilles tout à fait inférieureset de la dernière récolte ? les ressources dumicroscope deviennent insuffisantes. Il faut recourirà l’analyse chimique, c’est-à-dire au dosage del’un des éléments essentiels du thé, la théine oucaféine.

M. le professeur Cazeneuve ayant remarqué queles méthodes indiquées pour y parvenir n’étaientpas concordantes, sur ces conseils nous avons entreprisl’étude critique de ces procédés de dosage.Après avoir fixé la meilleure méthode nous l’avonsappliquée à l’évaluation de la teneur en caféinedes diverses espèces de thé.



TROISIÈME PARTIE

ÉTUDE CRITIQUE SUR LES DIVERSES MÉTHODES DE DOSAGE DE LA CAFÉINE DANS LES THÉS


CHAPITRE PREMIER

NOTIONS CHIMIQUES SUR LE THÉ


Avant d’aborder l’étude des différents procédés dedosage, il convient de donner quelques renseignementssur la composition chimique du thé.

Produit d’un arbrisseau, le thé renferme toutd’abord du tanin en quantité considérable, quantitéplus grande encore dans les thés verts que dans lesthé noirs, et une huile essentielle à laquelle est dûson arôme spécial. Péligot, dans un mémorable travailpublié à l’Académie des sciences en 1843, mentionnele thé, comme une des substances végétales les plus riches en azote : il en contient en effet de20 à 22 pour 100.

Il paraît renfermer également une substance analogueà la caséine, substance également azotée etnutritive, et c’est pour cette raison qu’en Tartarieles habitants emploient le thé comme aliment en lemêlant à des matières grasses[12].

La proportion de produits solubles dans l’eauchaude varie très notablement, elle dépend surtoutde l’âge de la feuille ; celle-ci est plus jeune et parsuite moins ligneuse dans le thé vert que dans le thénoir.

Suivant Péligot, les thés noirs contiennent enmoyenne 10 pour 100 d’eau, les thés verts 8 pour 100.Ce savant a trouvé que 100 parties des thés dont lesnoms suivent contiennent en principes solubles dansl’eau bouillante[13].

Thés noirs
pris
À l’état secÀ l’état ordinaire
Souchoug fin45,740,3
Souong4630,7
Souong ordinaire41,837,3
Souong40,336,0
Pekoë34,631,3
Pee ordinaire38,134,5
Pee orangé48,744,5
Pee46,842,8
Pouchong42,839,0
Congo40,936,8
Bohea44,439,8
Assam45,441,7


Thés verts
pris
À l’état secÀ l’état ordinaire
Poudre à canon51,948,5
Pere à con50,246,9
Impérial43,139,6
Imial47,944,0
Hyson47,743,8
Hyon fin46,943,1
Schoulang45,942,3
Hyson junior51,547,4
Hyon Skin43,539,8
Tonkay42,238,4

Quant aux autres principes, une analyse déjàancienne de Mulder donnait au thé la compositionsuivante :

thé vertsthés noirs
Huile essentielle0,790,60
Chlorophylle2,221,85
Cire0,280,00
Résine2,223,64
Gomme8,567,28
Tanin17,80012,080
Théine0,430,46
Matière extractive22,80021,360
Substance colorante22,60019,190
Albumine3 »2,80
Cellulose17,08028,320
Matière minérale5,565,54

Cette analyse ne nous semble pas exacte ; sansparler de ces termes vieillis de matière extractive,substance minérale qui ne signifient plus rien dansla science, la proportion de théine indiquée par l’auteurest bien inférieure à ce qu’elle doit être, soit en cequi concerne les thés verts, soit en ce qui concerneles thés noirs ; il en est de même de l’albumine : parcontre, la quantité de matière colorante nous sembleun peu trop élevée et supérieure à ce qu’elle doit êtreen réalité.

D’après les auteurs modernes et les recherchesnouvelles, la moyenne des éléments principaux d’unthé, est la suivante :

Eau11,49
Substance azotée21,22
Théine1,35
Essence de thé0,67
Cire3,62
Gomme7,13
Tanin12,30

De plus, un thé de moyenne qualité doit contenir :

au minimum
Extrait aqueux30 0/0
Tanin7,50
Cendre6,40

Un thé de bonne qualité doit donner :

Extrait40 0/0
Résidu60 0/0

En incinérant 100 parties de thé, Péligot a obtenules quantités suivantes de cendres.

Souchong5,5Moyenne 5,4 pour 100
Poudre à canon5,5
Pekoé5,3

Ces cendres[14] ont une couleur un peu rougeâtredue à une petite quantité d’oxyde de fer, qui provientsans doute en partie des doses de fer employées à la torréfaction de la feuille. Elles renferment en outre,des sulfates, phosphates et chlorures alcalins et unpeu de silice. Elle ne contiennent pas la moindrequantité de cuivre, contrairement à l’opinion émisepar quelques auteurs sur la présence d’un sel decuivre auquel le thé devrait sa couleur.

L’infusion de thé est d’une couleur qui varie entrele jaune clair et le brun, selon qu’elle a été faite avecdu thé vert ou du thé noir. Concentrée et chaudeelle est limpide ; mais en se refroidissant elle setrouble et elle tient alors en suspension un précipitégris, très divisé, qui la rend comme laiteuse et quiconsiste en une combinaison de tanin et de théine,soluble dans l’eau chaude, mais insoluble dans l’eaufroide ; elle est insipide, quoique formée de deux matièrestrès sapides : l’une astringente, l’autre amère,la théine.

L’infusion, séparée par la filtration de ce composéinsoluble, donne avec le sous-acétate de plomb, unprécipité jaune brun, abondant, qui renferme, encombinaison avec l’oxyde de plomb, toute la matièrecolorante, tout le tanin et un prétendu acide bohéique[15].

L’infusion de thé vert contient moins de matièrecolorante, mais préparée avec une feuille plus jeune,moins ligneuse par conséquent, le précipité qu’elleforme avec le sous-acétate de plomb est plus considérable.

En résumé, les éléments essentiels du thé sont :la substance azotée, le tanin, la théine et une essenceparticulière.

Cette essence est jaunâtre, épaisse et douée d’uneodeur très forte, comme étourdissante ; suivantMulder, elle cause le vertige et peut agir commepoison. Combinée avec le tanin, elle agit commediurétique ; mais elle se volatilise en majeure partiepar la dessiccation des feuilles de thé.

De tous ces principes, un des plus importants, nonpas le plus abondant, c’est la caféine : elle seuledésormais fixera notre attention.




CHAPITRE II

NOTIONS CHIMIQUES SUR LA CAFÉINE


La caféine a été découverte dans le café en 1820 parRunge, puis en 1827, par Oudry, dans les feuillesde thé.

Sa formule est : C8H10Az4O8

Jobst et Mulder en 1838 montrèrent que la théinedu thé et la caféine du café sont un même corps :des travaux récents semblent démontrer qu’il n’enest pas ainsi : pour certains auteurs la caféine et lathéine seraient deux corps parfaitement distincts,mais dont les propriétés seraient très voisines, et lesrapports presque identiques. Pour nous, nous emploieronsindifféremment l’une ou l’autre de cesexpressions.

Quoi qu’il en soit, la caféine forme de fines aiguillessoyeuses, renfermant une molécule d’eau de cristallisation qu’elle ne perd qu’au-dessus de 150. Ellefond à 178 degrés et se sublime à 185 degrés, toutefoisles auteurs ne sont pas d’accord sur ces deuxpoints ; peut-être ont-ils opéré sur de la caféineimpure.

Elle est soluble dans l’eau chaude ; mais en solutionconcentrée, elle se prend par refroidissement,sous forme d’une gelée, et c’est là un procédé employépar M. le professeur Cazeneuve, pour larecueillir, dans certaines circonstances, à l’état depureté.

Elle se dissout dans les acides en formant des selspeu stables, dont quelques-uns sont déjà décomposéspar l’ébullition avec l’eau.

Par action de la chaleur, la caféine dégage de laméthylamine lorsqu’elle est unie à une base capablede fournir de l’hydrogène. Elle en dégage égalementquand on la fait bouillir avec de la potasse (Wurtz)ou qu’on la chauffe avec l’hydrate de baryle[16].

Il se formerait d’après Strecker, un nouvel alcaloïdedont le sulfate se dépose en cristaux, lorsqu’onconcentre la liqueur après l’avoir débarrassée dela baryte par l’acide sulfurique, et qu’on la laisserefroidir.

Lorsqu’on dirige un courant de cl à travers unebouillie de caféine et d’eau, les cristaux disparaissentet l’on obtient une série de corps complexes dansla composition desquels nous ne saurions entrer endétail.

« Chauffée avec de la chaux sodée, la caféinedégage de l’ammoniaque et laisse un mélange decarbonate de potasse, de carbonate de soude, et decyanure de sodium. Cette réaction est intéressante ence qu’elle distingue la caféine de la pipérine, de lamorphine, de la quinine et de la sinchonine, qui nedonnent pas de cyanure de sodium, lorsqu’on lessoumet à ce traitement. »

Traitée par un peu d’acide azotique fumant etévaporée au bain-marie, la caféine laisse un résidublanc jaunâtre, prenant une teinte plus accentuée sion élève un peu plus la température. Ce résidusoumis aux vapeurs ammoniacales se colore enrouge violacé ; il y a formation de murexide. Cetteréaction n’est pas tout à fait spéciale ; l’acide uriquel’a donnée également. Néanmoins, elle nous a parula plus claire et une des plus faciles à réaliser.

La synthèse effectuée ces dernières années, permetde l’envisager comme amide à fonction mixte.

En solution dans l’eau bouillante et chauffée avecde la chaux à 100 degrés pendant longtemps, elle n’est pas décomposée. Il n’y a pas, comme certainsauteurs le prétendent, formation d’AzH3.

Elle ne paraît pas non plus, comme la plupart desalcaloïdes végétaux, jouer le rôle d’une base énergique :en effet les expériences personnelles suivanteseffectuées au laboratoire, paraissent prouver les propriétésassez indifférentes de la caféine vis-à-vis desbases et des acides.


Première expérience : 33 centigrammes decaféine ont été dissous dans l’eau acidulée par l’acidesulfurique et agités plusieurs fois avec 100 centimètrescubes environ de chloroforme : ils ontcédé à ce dernier véhicule 29 centigrammes decaféine.


Deuxième expérience : 0,33 de caféine ont étédissous dans 150 centimètres cubes environ d’eaualcaline et agités également avec 100 centimètrescubes de chloroforme : ils ont cédé 0,30 de caféine.


Troisième expérience : Enfin dans une troisièmeexpérience 0,33 de caféine ont été dissous dans l’eaudistillée et agités avec une quantité égale de chloroforme.Le résidu de l’évaporation de ce dernier alaissé 0,295 de caféine.

On peut voir par ces trois expériences que lacaféine s’est comportée comme une substance à peuprès indifférente, ne donnant de combinaisons stablesni avec les acides, ni avec les bases en présence del’eau.




CHAPITRE III

APPAREILS EMPLOYÉS POUR LE DOSAGE


Le dosage de la caféine est une opération assezdélicate ; aussi les méthodes employées pour arriverà un bon résultat sont-elles nombreuses et souventtrès différentes.

Nous ne citerons que comme mémoires les procédésautrefois employés : les uns faisaient avec lethé une infusion qu’ils précipitaient par le sous-acétatede plomb, puis, par l’ammoniaque et soumettaientensuite à une évaporation lente ; les autressaturaient les acides libres du thé par du carbonatede plomb, précipitaient la liqueur par une infusionde noix de Galle ; le tanate de caféine qui se dépose,était ensuite broyé avec la chaux et épuisé finalementpar l’alcool ; d’autres enfin préféraient extraire lacaféine par sublimation. Ces procédés peuvent être bons en tant que simple mode d’extraction ; ils nepeuvent, croyons-nous, être utilisés pour un dosagerapide et d’une précision suffisante.

Le dosage de la caféine dans le thé se fait plussimplement en mélangeant les feuilles de thé avec dela chaux éteinte dans un appareil à déplacement.

C’est à M. Guillermond, pharmacien à Lyon, querevient l’honneur d’avoir donné un procédé générald’extraction des alcaloïdes des végétaux au moyende la chaux : le premier, il l’a utilisé pour le dosagesi compliqué des différents quinquinas du commerce.La chaux en effet offre d’immenses avantages : ellemet en liberté l’alcaloïde, qui, en général combinédans les plantes à un acide, forme par décompositionun sel de calcium. De plus les résines qui accompagnentl’alcaloïde, donnent avec la chaux des combinaisonsinsolubles dans les dissolvants neutres :alcool, chloroforme, éther ; la chaux purifie l’alcaloïdeen lui enlevant ces principes résineux, dont laprésence gênerait considérablement sa purificationet fausserait les résultats d’un dosage tant soit peuprécis.

L’extraction de la caféine se fait, avons-nous dit,dans un appareil à déplacement. En effet, la lévigationdu thé par l’eau bouillante, faite dans le butd’extraire toute la caféine, exige des quantités d’eau considérables et nous verrons un procédé de dosagequi présente cet inconvénient.

Pour l’extraction par l’alcool ou le chloroforme,il est de toute nécessité d’employer un appareil permettantde traiter le thé avec une petite quantité dedissolvant, et d’extraire complètement la caféine.

Fig. 26. — Appareil Cazeneuve et Caillol.

Parmi tous les appareils digesteurs employés dansce but, un seul offre véritablement des avantages.

L’appareil Payen ne permet pas une condensation complète des vapeurs ; de plus il est d’une grandefragilité.

L’appareil Kopp a les mêmes inconvénients ; enoutre si la distillation est poussée trop vivement, ils’exerce de la pression dans l’appareil, les vapeursne pouvant plus se condenser assez rapidement.

Fig. 27. — Appareil Cazeneuve et Caillol.

L’appareil de MM. Cazeneuve et Caillol (fig. 26 et 27)n’a pas ces inconvénients ; aussi l’avons-nous employéde préférence à tous les autres.

Il se compose d’un ballon inférieur (A), dans lecol duquel débouche une allonge (B), destinéeà recevoir la substance. Cette allonge est traverséedans le sens de sa longueur par un tube deverre (C).

Ce tube est retenu dans la partie rétrécie de l’allongepar un bouchon percé en son centre et creuséde gouttières pour l’écoulement du liquide qui passesur la matière. Ce tube dépasse inférieurement lapartie de l’allonge ; supérieurement il débouche dansle col d’un ballon à deux tubulures (D) ou dans uneallonge recourbée qui sert de premier condensateurà la vapeur. Celle-ci, amenée par le tube intérieur,se condense plus abondamment dans un réfrigérantde Liebig (E). Ce dernier s’adapte au reste de l’appareilà l’aide d’un tube en caoutchouc qui, facilitantd’une part son inclinaison de bas en haut, permet auliquide condenseur de refluer dans l’appareil, etd’autre part, facilitant également son ascension dehaut en bas, amène une distillation régulière à la finde l’opération.

L’éther et le sulfure de carbone se condensent, onle sait, difficilement ; l’expérience prouve que cesliquides condensés oscillant dans le tube du réfrigérant,sont repoussés par la vapeur qui arrive incessammentdu ballon inférieur pendant le cours de l’opération, et sont quelquefois même rejetés hors del’appareil, si l’on n’y prend garde.

Pour parer à cet inconvénient, les auteurs terminentle réfrigérant de Liebig par deux flacons deWoulf F, F’. Les tubes d’émergence en partant duréfrigérant plongent jusqu’au fond de ces flacons,tenus dans l’eau ou dans la glace. Le dernier flaconde Woulf porte un tube de sûreté en S contenant dumercure : dans ces conditions, il n’y a aucune pertedes liquides même les plus volatils.

MM. Cazeneuve et Caillol ont fait construire,pour les opérations en grand, un appareil en ferblanc qui présente en outre, autour de l’allonge àdéplacement, un manchon destiné à recevoir, par sestubulures inférieures, un courant de vapeur pourchasser, à la fin de l’opération, le liquide imprégnantla matière.

Pour faire fonctionner cet appareil, on glisse unmorceau de coton dans l’allonge à déplacement :coton que l’on tasse légèrement, sur le bouchon quimaintient le tube intérieur (le coton de verre estpréférable à tout autre). On met d’abord la matière,en ayant soin de ne pas remplir complètement l’allonge,à cause de la masse de liquide appelée àrevenir à un moment donné des flacons de Woulfsur la matière. On met dans le ballon inférieur une quantité de liquide égale à environ quatre fois lepoids de la substance à épuiser. On adapte le réfrigérantE et les flacons de Woulf F, F’ nécessairessurtout pour l’éther et le sulfure de carbone. Onchauffe au bain-marie.

Les avantages de cet appareil sont les suivants :

1o On condense complètement les liquides, même lesplus volatils ;

2o On recueille sans aucune perte les liquidesextracteurs ;

3o On épuise à chaud la substance, grâce au tubeintérieur ;

4o On lave complètement encore et mécaniquementla substance, grâce à la pression atmosphérique quiramène le liquide des flacons de Woulf dans l’allongepar simple refroidissement de l’appareil.

Le chloroforme étant facilement condensable, nousavons modifié l’appareil pour le rendre plus pratiqueet moins compliqué.

Tel que nous l’avons employé, il se compose,comme ci-dessus, d’un ballon A, d’une allonge B avectube intérieur recourbé ; seulement à la partie supérieurede cette allonge débouche un réfrigérantvertical à boules C (fig. 27) pouvant se refroidir parun courant d’eau froide.

Dans ces conditions, l’appareil est d’une extrêmesimplicité, tout en permettant la condensation complètedes vapeurs d’alcool ou de chloroforme.

Ces préliminaires étant établis, nous allons passeren revue les différentes méthodes de dosage de lacaféine. Nous ne décrirons pas toutes ces méthodes ;quatre seulement fixeront notre attention : celle dunouveau Codex, celle de Loche, celle de Paul etCownley, celle enfin, si simple et si précise, deMM. Cazeneuve et Caillol. Pour effectuer ces dosages,nous avons pris un thé type, contenant 3gr,70 à3gr,75 pour 100 de caféine, le thé Souchon ; seul, ilnous servira pour l’étude critique que nous allonsentreprendre.




CHAPITRE IV

MÉTHODES DU CODEX ET DE LOCHE


Le Codex de 1889 indique la méthode suivante ets’exprime en ces termes :

« Verser sur le thé réduit en poudre grossière deuxfois son poids d’eau bouillante ; laisser macérerquelques instants à la chaleur du bain-marie ; introduirela poudre humide dans l’appareil à déplacementet épuiser par le chloroforme. Traiter par l’eaubouillante le résidu de la distillation du chloroforme ;filtrer, ajouter une petite quantité de noir animal,filtrer et faire cristalliser. »

Nous avons opéré sur 5 grammes de thé, et nousn’avons pu obtenir un seul résultat satisfaisant.

Nous avons pu nous convaincre, par l’aspect résinoïdes de la caféine extraite d’abord par le chloroforme,que le dosage ne fournira jamais une substancepure. Cette résine insoluble englobe la caféine etne permet pas l’extraction facile et complète parl’eau.

De plus, en traitant par le noir animal, l’alcaloïdeest retenu partiellement, comme l’indique l’expériencesuivante : 0,25 de caféine pure ont été dissous dansl’eau bouillante, et filtrés à chaud sur du noir animal.Le produit de la filtration, additionné des eaux delavage du noir, a été soumis à l’évaporation, puisdesséché à l’étuve, maintenue à la température de110 degrés. Il nous a donné un résidu de 0,201 decaféine, c’est-à-dire une perte en substance d’environ20 pour 100 ; d’autres expériences nous ont conduitau même résultat.

Ce procédé ne peut donc être utilisé pour un dosageprécis ; il permet tout au plus l’extraction de la caféinedans le but unique de recueillir cette substance.

M. Loche[17] donne la méthode suivante :

« 10 grammes de thé sont traités à deux reprisespar l’eau bouillante et les feuilles soumises à des lavagesjusqu’à ce que le liquide soit incolore. On filtre l’extrait ; le produit de la filtration est mélangé à15 grammes de magnésie, puis desséché à siccité. Lerésidu sec réduit en poudre fine est épuisé par lechloroforme bouillant. La solution chloroformiqueest concentrée, évaporée, puis desséchée à une températurede 105 degrés. »

Nous avons suivi de point en point ce procédé, etnous avons obtenu, pour le thé mis en œuvre, 0,30de caféine pour 10, c’est-à-dire 3 pour 100.

Le premier reproche que nous adresserons à cettemanière d’opérer, c’est de fournir, tout d’abord, unproduit impur : le résidu final est fortement coloréen vert.

De plus, il est presque impossible d’obtenir, malgréde nombreux lavages, une solution incolore ; quinzeà vingt lavages n’ont pas suffi pour obtenir l’épuisementcomplet des feuilles.

En troisième lieu, l’opération est extrêmementlongue ; l’évaporation du liquide, puis la filtrationde l’extrait, même dans le vide, sont des opérationspeu praticables, dans un laboratoire pour un dosagerapide.

Enfin la proportion de caféine donnée par ce procédéest inexacte : ces lavages successifs, cettefiltration répétée, sont autant de causes d’erreurs,même entre des mains exercées. Il nous semble impossible de n’avoir pas des pertes considérables desubstance dans des manipulations si multiples ; cesopérations enlèvent toute précision à un dosage, quidoit être aussi rapide que possible, et donner desrésultats tout au moins concordants.




CHAPITRE V

MÉTHODE PAUL ET COWNLEY


MM. Paul et Cownley[18] indiquent la méthodesuivante : « 5 grammes de thé pulvérisé sont mouillésavec de l’eau chaude. Le tout est desséché au bain-marie.Le résidu sec est mis dans un petit appareilà déplacement et épuisé par de l’alcool fort (Alcoolà 86). La liqueur claire est évaporée pour chasserl’alcool et la solution aqueuse qui reste, mesurantenviron 50 centimètres cubes est mélangée avecquelques gouttes d’acide sulfurique dilué, qui sépareles traces de chaux et décolore facilement leliquide.

« On filtre la solution légèrement acide, et on laverse dans un séparateur : on l’agite avec du chloroforme qui lui enlève graduellement la théine qu’ellerenferme.

« Cette partie de l’opération demande un soinparticulier, car, bien que la théine soit très solubledans le chloroforme, il faut agiter la solution aqueuseacidifiée avec des quantités successives de chloroformepour lui enlever toute la théine, à moins quela quantité de théine soit très grande.

« 200 centimètres cubes de chloroforme suffisentpour 5 grammes de thé.

« On emploie le chloroforme fractionné en cinqou six doses et, par évaporation du chloroforme provenantdes dernières agitations, on s’assure qu’il nerenferme plus de théine.

« La totalité de la liqueur chloroformique estalors versée dans un séparateur bien bouché et agitéeavec une solution très diluée de soude caustique.

« On enlève ainsi une petite quantité de matièrecolorante. La solution de théine est décolorée, desorte qu’en distillant le chloroforme dans un flacontaré, la théine reste dans des conditions de puretéqui permettent de la peser directement. »

Par l’exposé de cette méthode on voit qu’elle nelaisse pas que d’être longue et assez délicate : le théSouchon type, soumis à l’analyse, a donné de lathéine dont la proportion variait de 3 à 4 pour 100. La caféine obtenue est encore quelque peu colorée envert, coloration semblant prouver que toute la chlorophyllen’a pas été enlevée par la soude caustique.

Cette méthode exige de six à huit heures et deplus les filtrations, lavages, occasionnent des pertesqui peuvent devenir considérables par la plus petitedistraction ou la moindre maladresse.

M. Paul[19] dans une note sur le thé, indique l’alcoolcomme le meilleur liquide pour épuiser la caféine.

« Étant donné, dit-il, les solubilités de la caféinedans les différents liquides, il paraissait probable quele chloroforme serait pour cette substance un meilleurdissolvant que l’alcool. Le thé sur lequel on expérimentaétait un échantillon de thé de Java, qu’unexamen préalable avait démontré contenir 3,78pour 100 de caféine. 5 grammes de thé furentmêlés avec 2 grammes de chaux pure en poudre ;le mélange fut humecté avec de l’eau, puis mis àsécher au bain-marie et enfin épuisé dans un percolateurpendant cinq heures avec du chloroforme biensec et bien bouillant ; la solution chloroformiquedistillée laissa un résidu de caféine pesant 0,065,correspondant à 13 pour 100, c’est-à-dire à plus d’un tiers de la caféine totale. La différence n’étaitpas due à une décomposition de cet alcaloïde, puisquele résidu traité par l’alcool donna le reste.

« On employa ensuite la magnésie au lieu de lachaux, et en opérant dans les mêmes conditions, lemême thé donna 0,103 de caféine ou 2,06 pour 100,c’est-à-dire un peu plus de la moitié de la caféinetotale ; comme précédemment l’alcool enleva lereste. »

Il conclut en disant qu’on ne peut substituer lechloroforme à l’alcool.

Étant donné les propriétés assez indifférentes dela caféine vis-à-vis des bases, il est singulier detrouver cette anomalie. De plus, d’après Commaille,voici quelle est la solubilité de la caféine dans lesdifférents dissolvants. (Voyez page suivante.)

On voit que le chloroforme dissout beaucoupmieux la caféine que l’alcool : pourquoi ne pasl’employer ?

M. Paul prétend que le chloroforme n’enlève pastoute la caféine ; les expériences suivantes que nousavons faites à ce sujet nous permettent de ne pointpartager cette opinion ; elles nous permettent égalementde nous rendre compte si, comme le veulentcertains chimistes, la magnésie doit être employéede préférence à la chaux. Nous avons donc repris les expériences de M. Paul, en nous plaçant, autantque cela est possible, dans des conditions identiques.

QUANTITÉ DE CAFÉINE[20]
Dissoute par 100 grammes de liquide
à 15-17ébullition
hydratéeanhydrehydratéeanhydre
Eau1,471,35049,7345,550
Alcool absolu»0,610»3,12
Éther pur»00,0438»0,36
Sulfure de C»00,0585»00,454
Essence de pétrole»00,025»»
Chloroforme»12,9700»19,020
Alcool2,512,300»»


Expérience A. — 5 grammes de thé Souchontitrant 3gr,70 à 3,75 pour 100 ont été broyés grossièrement,humectés d’eau chaude et mélangés à5 grammes de chaux éteinte. Après dessiccation aubain-marie, le tout a été tassé légèrement dansl’appareil à déplacement, et épuisé avec 100 grammesd’alcool fort : l’épuisement a duré cinq heures.

Au bout de ce temps la solution alcoolique a étéfiltrée, distillée a siccité à la chaleur du bain-marie.

Le résidu a été repris par l’eau bouillante etfiltré de nouveau.

Tout d’abord le liquide filtré est fortement coloréen vert noirâtre, et laisse déposer par refroidissementdes matières résineuses ; après une seconde filtrationla coloration verte n’a pas encore disparu.

Après évaporation du liquide filtré dans unecapsule de porcelaine tarée, le résidu contenant lacaféine a été pesé. Nous avons obtenu :0,3675 de caféine pour 5 ; c’est-à-dire 7,35 pour 100.

Ce chiffre de dosage est absolument erroné etbeaucoup trop élevé ; une forte quantité de résineest entrée en solution et augmente le poids de lacaféine dans des proportions considérables.

Dans la méthode qu’il préconise, M. Paul ne mentionnepas du tout l’emploi de l’eau pour séparer lesrésines : il nous paraît indispensable de traiter parl’eau chaude le résidu de la distillation de l’alcool sil’on veut avoir un produit d’une pureté suffisante.


Expérience B. — Dans les mêmes conditions,5 grammes du même thé ont été mélangés à5 grammes de magnésie calcinée, et épuisés par400 grammes d’alcool fort. Le résidu de la distillationa été additionné d’eau chaude, filtré etévaporé.

Dans ces conditions nouvelles, la filtration s’effectueavec une lenteur excessive et le liquide qui s’écouleest tellement chargé de chlorophylle et de résinequ’il paraît noir. Après évaporation, on trouve dansla capsule une matière verdâtre, visqueuse sansaucune trace de cristallisation ; c’est de la caféinetrès impure.

Il résulte déjà de ces deux expériences que lamagnésie ne doit pas remplacer la chaux ; il est bienévident que la présence dans la liqueur de ces principesrésineux rend tout dosage impossible ou toutau moins en fausse singulièrement les résultats.


Expérience C. — 5 grammes de thé ont étémêlés dans des conditions identiques à 5 grammes demagnésie calcinée, et épuisés pendant cinq heuresavec 100 grammes de chloroforme bouillant.

Après filtration (filtration très longue résultantde l’emploi de la magnésie), nous avons obtenu :

0,190 de caféine ou 3,80 pour 100

Ce résultat est déjà plus exact ; la caféine, bienqu’impure est moins colorée ; mais l’intervention dela magnésie nous semble peu favorable pour lesmotifs que nous avons déjà invoqués.


Expérience E. — 5 grammes de thé ont ététraités comme précédemment, mêlés à 5 grammesde chaux et épuisés par du chloroforme bouillant.Nous avons obtenu :

0,185 de substance pour 5 grammes ou 3,70 pour 100.

Mais cette fois le résultat est tout différent ; lacaféine recueillie est bien cristallisée, blanche etlégèrement ambrée.

Le résidu de l’appareil à déplacement a été traitépar 100 grammes d’alcool bouillant pendant deuxheures. Au bout de ce temps l’alcool a été distillé,le résidu repris par l’eau bouillante et évaporé àsiccité. Nous n’avons pu constater la présence de lacaféine dans ce dernier résidu soit par l’examenmacroscopique, soit par les réactions particulièresde la caféine (coloration rouge par l’acide azotiqueet l’ammoniaque).

Nous avons également remarqué qu’une ébullitionde cinq heures du mélange théo-calcaire avec du chloroforme,est trop prolongée ; trois heures d’ébullitionsuffisent largement pour épuiser complètement lasubstance. De plus, en continuant l’action du chloroformeet surtout de l’alcool, on entraîne une quantitéconsidérable de résine.

Pour ne rien laisser au hasard, et bien nous assurerque ces principes résineux ne contenaient pas d’alcaloïde, nous les avons traités par l’eau bouillante,et nous avons essayé, sur le résidu de l’évaporationde cette solution aqueuse, l’action successivede l’acide azotique et de l’ammoniaque : nousn’avons pas obtenu cette fois encore la colorationrouge indiquant la présence de la caféine.

Enfin l’emploi de l’alcool pour dissoudre la caféinea un autre inconvénient : c’est la facilité avec laquelleil dissout les résines, et cela beaucoup plus que lechloroforme dans les mêmes conditions. Si l’on vientà traiter par l’eau bouillante le résidu de l’évaporationde la solution alcoolique, ces résines, tout enétant entraînées en partie, empêchent la dissolutionde la caféine.

Commaille, en 1876, avait déjà signalé cet inconvénientet c’est pour cela qu’il conseille d’ajouter aurésidu 10 grammes de verre pilé, de faire bouilliret d’agiter fortement le ballon qui contient la matière.

Les résines s’agglutinent au verre, et la caféinepeut se dissoudre. En renouvelant plusieurs foisl’action de l’eau bouillante, et filtrant sur un filtremouillé d’avance, il obtient une solution contenantà peu près toute la caféine.

Nous devons conclure de ces raisonnements et denos quatre expériences, que le chloroforme bouillant pendant trois heures enlève bien toute la caféine,contrairement aux assertions de M. Paul.

En second lieu la chaux doit être préférée à lamagnésie comme donnant un produit plus pur, etpermettant une filtration plus prompte et plus rapide.

Malgré tout cela, la méthode de MM. Paul etCownley ne saurait être complètement rejetée ; elledonne des résultats assez précis, et fournit un produità peu près pur. Malheureusement l’opérationest longue et très délicate ; par suite son emploi pourdes dosages répétés est peu pratique.




CHAPITRE VI

MÉTHODE CAZENEUVE


Il nous reste enfin à examiner le procédé deMM. Cazeneuve et Caillol.

Pour préparer la caféine, ils versent sur le théquatre fois son poids d’eau bouillante. Dès que lesfeuilles sont ramollies, ils y ajoutent son poids dechaux éteinte. Ils mélangent le tout et font sécherau bain-marie. Ils tassent le mélange théo-calcairedans l’allonge à déplacement de l’appareil décritplus haut, et épuisent par le chloroforme.

L’épuisement par le chloroforme doit se faire pendanttrois heures. Une ébullition moins prolongée,d’une heure ou deux par exemple, n’est pas suffisante ;une partie de la caféine resterait indissoute. Chaufferau delà de trois heures est complètement inutile ; on risque d’entraîner des parties insolubles, dont laprésence pourrait gêner les différentes autres partiesde l’opération, comme nous l’avons vu plushaut.

Après trois heures d’ébullition, et après refroidissementdu chloroforme, on filtre soigneusementce dernier. Cette filtration (que n’indiquent pasMM. Cazeneuve et Caillol) est cependant absolumentnécessaire ; car des particules de chaux sont entraînéesmécaniquement et peuvent fausser complètementle dosage.

La solution chloroformique est évaporée au bain-mariedans une capsule : celle-ci doit être assezgrande pour éviter les pertes de caféine toujourspossibles par projection du liquide bouillant.

Le résidu chloroformique bien sec est alors traitépar l’eau bouillante, qui dissout bien la caféine.Cette solution est filtrée et le résidu est épuisé parde nouveaux lavages à l’eau bouillante pour enleverles quelques traces d’alcaloïde qui pourraient avoirencore été retenues.

30 à 40 centimètres cubes d’eau suffisent pourfaire cette opération.

La solution aqueuse est concentrée au bain-marie,jusqu’à siccité, dans une capsule tarée.

On porte finalement à l’étuve (chauffée à une température qui n’excède pas 120 degrés), pendant unedemi-heure environ, jusqu’à ce que deux pesées successivesdonnent un nombre constant.

En opérant de cette manière nous avons obtenu,3gr73 pour 100 de caféine.

Cette méthode avait été indiquée en 1877 parMM. Cazeneuve et Caillol[21], et elle a précédé celle deMM. Paul et Cownley.

Ce n’était pas dans l’intention des auteurs un procédéde dosage, mais une manière simple et rapidepour l’extraction de quelques alcaloïdes : nous l’avonsappliqué au dosage de la caféine, en la modifiant simplementdans quelques détails.

Elle offre sur les précédentes de nombreux avantagesdont les principaux sont les suivants :


1o La caféine obtenue est assez pure, bien cristallisée,non souillée de résine ; mais quelquefois seulementfaiblement colorée en vert par des traces dematière colorante. On peut encore diminuer cetteproportion de produits colorés en vert, en agitantla solution chloroformique filtrée obtenue précédemmentavec un peu de soude caustique et verser dansun séparateur pour recueillir le chloroforme. Mais dans la plupart des cas, cette nouvelle manipulation,ne fait qu’allonger l’opération et compliquer inutilementle dosage final.


2o Les dosages effectués sont bien concordants etpar cela seul, la méthode est sûre et non sujette àdes erreurs.


3o Le dosage peut être fait rapidement avec unpeu d’habitude et surtout d’habileté ; quatre à cinqheures, en moyenne, sont suffisantes pour effectuercette opération.


En résumé, le procédé du Codex ne peut servirde procédé de dosage : c’est une méthode purementextractive de la caféine.

Le procédé de Loche doit être complètement rejeté ;on ne peut obtenir le lavage complet des feuilles ;3 ou 4 litres sont insuffisants, et ce lavage fût-ilpossible, l’opération serait par trop longue.

Le procédé de MM. Paul et Cownley est précis sil’on veut ; mais les manipulations sont longues etcompliquées.

Le procédé de MM. Cazeneuve et Caillol est simple,rapide et d’une précision suffisante.

Il faut remarquer également qu’une précisionabsolue est impossible à obtenir ; il ne faut pas compter faire des dosages exacts à plus de 0,1 à 0,2 pour100 près. Ce qu’il faut surtout avoir, ce sont desdosages comparables entre eux, d’une exécutionrapide et facile pour, si cela est utile, permettre dejuger de la valeur de plusieurs échantillons. C’est làprécisément un résultat que la méthode de M. Cazeneuvepermet d’obtenir ; plusieurs dosages peuventse faire rapidement et avec justesse, surtout si l’onemploi l’appareil extracteur déjà décrit : appareil qui,d’après nous, est le plus parfait de ceux employésjusqu’à ce jour.

Nous donnons ci-après un tableau permettant dejuger la valeur comparative de toutes ces méthodes,appliquées à un type unique, le thé Souchon,

PROCÉDÉSQUANTITÉ
de théine
pour 100
ASPECT
de la théine
DURÉE
moyenne
de l’opération
Du Codex3Résineuse verdâtre7 à 8 heures
De Loche»Très résineuse noirâtre.12 à 24 heures
De Paul et Cownley3,80Presque incolore6 heures
De Cazeneuve3,73Presque incolore5 h. à 5 1/2

Maintenant que nous sommes en possession d’uneméthode simple et rapide, nous allons l’appliquer audosage des différents échantillons ; nous donneronsen même temps, lorsque cela nous sera possible,quelques particularités physiques et culturales desdiverses variétés de thé, nous appuyant sur des documentsapportés par des acheteurs du pays même.

Pour ajouter plus de précision à ces différentsdosages nous avons refait, chaque opération terminée,la tare des capsules destinées à recueillir lasubstance, dans une balance de haute précision queM. le professeur Cazeneuve, avec son obligeancehabituelle, a bien voulu mettre à notre entière disposition.



QUATRIÈME PARTIE

DOSAGE DE LA CAFÉINE DES ÉCHANTILLONS



Les échantillons que nous possédons ne sont pastous commerciaux ; le plus grand nombre mêmen’arrive pas sur le marché français. Nous les diviserons,pour faciliter cette étude, en thés verts et enthés noirs.




CHAPITRE PREMIER

THÉS VERTS


Les diverses variétés que nous allons analysernous sont envoyées de Schang Haï ; malheureusementnous ne savons pas grand’chose sur leur provenanceexacte, ni sur la manière dont on cultive et récoltechacune d’elles en particulier. Nous y suppléerons,pour les propriétés physiques, par notre observationpersonnelle, autant que cela sera en notre pouvoir.

D’une manière générale, les thés verts se divisenten deux classes : les Pingsuey-thés et les Country-thés.

Les premiers sont tirés des environs de Ningpoo,ils sont en général très colorés et donnent une infusiond’un goût peu agréable.

Les Country thés se divisent en trois classes quel’on désigne sous les noms de :

Moyune, Tankai et Tychow

Tous ont la même apparence et le même goût,sauf toutefois pour un expert.

Ces thés viennent de la province de Kiang-See,comme les thés noirs.

Voici les échantillons que nous possédons :

Marque Pingsuey
Échantillons K.1Thé poudreà canon extra
2 canon no 1
3 canon no 2
4 on impérial
5Young Hyson


Marque Country
Échantillons L.1Thé poudreà canon no 1
2 anon no 2
3 anon no 3
4Impérial (dit)
5Toeng Mee(Young Hyson)
6Sow Mee
7
8Young Hisonno 1
9no 2
10no 3
11Hysonno 1
12no 2


Thés poudre à canon

Tous ces thés sont formés de feuilles minces etpetites : le premier d’entre eux (K 1) nous a sembléêtre d’une qualité tout à fait supérieure : il est vert,noirâtre, formé par des feuilles coupées transversalementen trois ou quatre parties, qui ont été rouléesisolément. Il est en petits grains lisses et très brillants,il a peu d’odeur.

Dans ces diverses variétés, à mesure que la qualitédiminue, les feuilles sont de plus en plus grosses,non amincies à leur extrémité ; enfin, dans les dernièressortes, elles sont enroulées lâchement surelles-mêmes, et prennent toutes les formes.

Dans les quatre variétés, l’infusion, d’un jaune foncé, laisse à la dégustation un arrière-goût acretrès marqué.

Le thé poudre à canon extra nous a donné :

Capsule plus substance39,1202 16 %
Tare38,904

Le thé poudre à canon (dit) impérial :

Capsule plus substance39,1242 20 %
Tare38,904


Thé Young-Hyson (K 5)

Ce thé, par ses caractères extérieurs, est facileà distinguer du précédent : ses feuilles ne sont pasenroulées sur elles-mêmes : elles sont petites, presquerectilignes, mélangées à quelques bûchettes, qui,dans les qualités inférieures, sont en quantité considérable.

Son infusion est jaunâtre, peu parfumée :

Il titre :

Capsule plus substance39,17752 73 %
Tare38,904


Thés poudre à canon (Country)

Ces différentes variétés semblent être d’une qualitéinférieure : elles sont formées de feuilles lisses,brillantes, enroulées les unes complètement sur elles-mêmes ;les autres plutôt allongées en fuseaux. Ilssont peu homogènes. Leur couleur est d’un vertnoirâtre, leur infusion est d’un beau jaune, mais trèsacre à la dégustation.

Le thé poudre à canon (L 1) a donné.

Capsule plus substance29,60853 735 %
Tare29,235

Le thé poudre à canon (L 4).

Capsule plus substance47,2853 %
Tare46,985


The Hyson Young Mee

Ce thé se présente en petites feuilles, longuesd’environ 1 centimètre, comme vermicellées, roulées sur elles-mêmes, brillantes, d’un vert foncé, et assezhomogènes.

Il n’a presque pas d’odeur et laisse au goût uneamertume prononcée, qui nous a semblé plus âcreque les autres.

Il paraît être d’une qualité assez inférieure ; parcontre, il est très riche en caféine.

Il titre :

Capsule plus substance29,7264 91 %
Tare29,235


Thés Sow Mee (Young Hyson) (L 6)

Les feuilles de ce thé sont très petites, plus grêlesque les variétés précédentes ; elles sont complètementenroulées sur elles-mêmes : l’odeur, quoiqu’à peinedistincte, est plus accentuée, plus forte que celle desautres espèces précédemment décrites. Son infusionest jaune pâle, d’une âcreté un peu moins prononcée.

Il titre :

Capsule plus substance39,2603 56 %
Tare38,904

La seconde variété que nous possédons (thé SowMee Young-Hyson, L 7) est à peine distincte. Cependantles feuilles sont plus grossières, les unes sontcomplètement enroulées, les autres, très petites, sontétalées, comme repliées en deux sur elles-mêmes.

L’infusion est d’un beau jaune, elle laisse à la dégustationune âcreté bien prononcée.

Il titre :

Capsule plus substance47,24652 615 %
Tare46,985


Thés Young Hyson

Nous en avons examiné deux échantillons :

Le premier (L 8) a une couleur noirâtre ; sesfeuilles sont enroulées sur elles-mêmes, mais leurgrosseur est variable : les unes sont d’une petitesseextrême, les autres plus grosses, se rapprochent unpeu du thé impérial poudre à canon : elles sont brillantes,douces au toucher, peu aromatiques. Il donneune infusion jaune foncé, peu parfumée, d’uneâcreté bien tranchée.

Il titre :

Capsule plus substance34,9103 385 %
Tare34,5715

Le second échantillon (L 10) diffère un peu duprécédent par son aspect extérieur. Ses feuilles, aulieu d’être repliées sur elles-mêmes, semblent n’avoirpas été roulées : elles sont alors étalées ; d’autresprenant une forme différente, sont enroulées enfuseaux. De plus, au lieu d’être brillantes, elles sontrudes ; on y trouve enfin d’assez nombreuses impuretés,et des bûchettes en assez grande quantité. C’esten somme, un échantillon peu homogène. Il donneune infusion jaune faible ; sa saveur est presquenulle et peu astringente.

Il titre :

Capsule plus substance30,7482 48 %
Tare30,500


Thés hyson

Ce thé se présente en grosses feuilles d’un beauvert : les deux échantillons que nous possédons ont des propriétés physiques quelque peu différentes. Lepremier (L 11) a ses feuilles complètement enrouléessur elles-mêmes, mais d’une manière très diverse :les unes sont allongées, d’autres repliées en cercle ;d’autres enfin dessinent assez bien la forme d’un S.

Le second échantillon (L 12) est plus grossier :ses feuilles sont également peu homogènes. Ellessont les unes, comme réunies en paquets ; les autresont assez bien la forme d’une boule ; une troisièmecatégorie paraît simplement avoir été lâchementroulée avec la main. C’est, en somme, une variété dethé peu homogène, assez mal préparée, d’une qualitéquelque peu inférieure.

Dans les deux échantillons, les feuilles sont verdâtres,mais elles sont plus grosses que celles desvariétés précédentes : les deux infusions se rapprochentbeaucoup l’une de l’autre ; elles ont une couleurjaune, d’une âcreté peu prononcée à la dégustation.

Le premier échantillon (L 11) titre :

Capsule plus substance34,8963 29 %
Tare34,567

Le second échantillon :

Capsule plus substance29,4682 40 %
Tare29,228




CHAPITRE II

THÉS NOIRS


Nous avons divisé les thés verts comme le fait lecommerce chinois, mais pour les thés noirs unepareille division devient assez difficile, et nous nel’avons trouvée indiquée nulle part. Pour procéderavec ordre, nous avons établi la classification ci-dessous :classification absolument arbitraire, quin’a pas la prétention d’être tant soit peu scientifique :elle sera, si l’on veut, un guide pour ne point s’égarerdans cette question si vaste des différentes variétésde thés noirs, qui, si elle voulait être traitée complètement,exigerait plusieurs volumes.

Nous diviserons donc les thés noirs comme il suit :


1o Thés de la province de Kiansé.

Thés Ningchow.
Thés Keemun.
Thés Hohow.

2o Thés du district de Hankow.

Thés Cheoug Sow Rai.
Thés Lyling.
Thés Tao-Yen Confa.
Thés Koken.
Thés Schuntan.
Thés Pingking.

3o Thés de Footchow et ses environs.

Thés Paklum.
Thés Panyon.
Thés Pakling.
Thés Soumow.
Thés Maison.
Thés Jonfrong Young.
Thés Saryum.
Thés Yung Kow.
Thés Sueykut.
Thés Chongwoo.
Thés Kenyung.

4o Thés de la province de Fokien.

Thés Souchon.
Thés Pékoë.
Thés à Arômes.


1o Thé de la province de Kiansé

Les trois qualités de thé proviennent de la provincede Kiansé : ils sont transportés par le lac Poyandà Kuikiang, où ils sont offerts à l’acheteur étranger.


Thé Ningchow (A)[22]. — C’est la variété de thénoir la plus recherchée : la production en est accaparéepar les Russes. L’échantillon que nous possédonsreprésente, paraît-il, la fameuse marque Tienkiengqui s’est vendue en Chine pendant la saison1890-1091 à raison de 60 taëls, le pécul (le péculvaut 133 1/3 livres anglaises et le taël vaut environ6 francs).

Ses feuilles sont d’un noir grisâtre ; elles sont biendesséchées et font entendre un bruit sec, lorsqu’onles brise. Elles sont, les unes, d’une petitesse extrême, les autres très grosses, mais ne dépassant guère2 centimètres de longueur. L’odeur qu’il dégage esttrès suave ; son infusion est d’un jaune à reflets rougeâtres ;elle ne laisse à la dégustation aucune âcreté,elle a au contraire une saveur douce et agréable.

Il titre :

Capsule plus substance30,8773 77 %
Tare30,500


Thé Keemum (B-X). — Ce sont encore des thésd’une qualité très estimée. Le premier échantillon esttout à fait exceptionnel ; il est récolté en petitequantité, et est consommé par les riches Chinois (sonprix est de 100 taëls le pécul). Les feuilles sont dures,coriaces, volumineuses, larges, longues souvent de2 centimètres. Il donne une infusion verdâtre, peucolorée, d’un très bon goût, quoique un peu âcre.

Il titre :

Capsule plus substance30,9033 93 %
Tare30,510

Le second échantillon est un peu moins homogène :les feuilles sont d’un noir cendré peu prononcé, trèsirrégulières avec des débris plumeux d’un jaune paille ; son odeur est très agréable, peut-être un peumoins parfumée que chez le précédent : sa saveurest très délicate, son âcreté manifeste.

Il est consommé en Angleterre et en Amérique.

Il titre :

Capsule plus substance29,6323 97 %
Tare29,235


Thé Hohow (C). — C’est une qualité moins estimée ;les feuilles sont d’un noir grisâtre, quelques-unesd’une couleur cendrée ; elles sont plus grandes,plus larges que les variétés précédentes.

Elles semblent avoir été roulées sans grand soin,et prennent des aspects variés ; les unes sont longueset fines, les autres sont repliées en forme de C ; letout est semé de bûchettes d’un jaune très pâle.

Il donne une infusion légèrement parfumée, et est,dit-on, très goûté des Américains.

Il titre :

Capsule plus substance34,84752 725 %
Tare34,575


2o Thés du district de Hankow

Thé Cheong Sow Rai (D). — C’est une qualitéassez recherchée provenant du district de Hankow.Les feuilles ont une longueur d’environ 2 centimètressur 2 millimètres de largeur ; elles sont fines, allongéesen forme de fuseaux ; quelques autres sontrepliées sur elles-mêmes ; le tout parsemé de bûchetteset de débris de tiges, revêtant toutes les formes.

Elles sont bien desséchées et crient sous le pilonqui les brise. L’infusion est rougeâtre, sans grandparfum.

Il titre :

Capsule plus substance36,82253 235 %
Tare30,499


Thé Lyling (E). — Ce thé n’offre pas de caractèresextérieurs bien tranchés ; ses feuilles nous ontsemblé moins larges que les précédentes ; elles sonttantôt allongées, tantôt, mais plus rarement, repliéessur elles-mêmes en forme de boule (ce caractère nese trouve pas dans la variété précédente). Il est parsemé également de débris de tiges et de bûchettes d’unecouleur jaune paille. Son odeur est peu aromatique ;mâchées, les feuilles laissent une sensation désagréable.

Aussi le district qui produit cette variété est-ilaujourd’hui en défaveur, la plus grande partie de sesthés ayant ce que l’on appelle une saveur goudronneuse(Tarry Flavoury).

Soumis à l’analyse il donne :

Capsule plus substance42,0063 15 %
Tare41,691


Thé Taou Yen Confa (F). — Le Confa, appeléaussi Hankow, est le plus grand des districts à thé.Les thés du Confa donnent une infusion parfumée,mais ils sont dépréciés depuis ces dernières années.

L’échantillon que nous possédons n’a pas des caractèresqui permettent de le différencier facilement.

Il est d’une couleur grise cendrée ; ses feuilles sontallongées, avec quelques bûchettes disséminées çàet là. Son odeur est aromatique ; son infusion douceet agréable.

Il titre :

Capsule plus substance34,8963 245 %
Tare34,5715


Thé Koken (G). — Les feuilles de ce thé sont d’unnoir grisâtre : elles sont en fragments très variés quiéchappent à toute description ; généralement, ellessont tortillées, quelques-unes dessinent assez bien lalettre S ; elles sont mélangées à des bûchettes d’unepetitesse extrême.

Cette variété donne une infusion très limpide, d’unesaveur agréable, bien marquée : elle est recherchéedepuis quelques années et est, en grande partie dumoins, importée en Russie.

Notre échantillon donne à l’analyse :

Capsule plus substance34,79352 220 %
Tare34,5715


Thé Schuntan (H). — C’est une qualité ordinaire.

Ce district ne fournit pas de bons thés ; à l’exceptionde quelques marques, ils sont tous de qualité trèsordinaire.

L’échantillon que nous possédons a ses feuillesmoins tordues, moins serrées que les variétés précédentes ;elles sont également moins longues, et nedépassent guère 1 centimètre. Elles sont moins bienpréparées ; les bûchettes, les brins de paille, lesrésidus de toute sorte y sont en nombre plus considérable. L’infusion est d’un rouge moins bien tranché ;d’une saveur particulière très astringente et commeterreuse.

Il titre :

Capsule plus substance29,5463 15 %
Tare29,231


Thé Pingking (I). — Qualité passable, généralementconnue sous le nom de « Thé Oopack ». Feuillesassez grossières, tantôt étalées, tantôt roulées, coriaces,sans grand parfum. Infusion jaune, tirant quelquepeu sur le rouge ; saveur assez agréable.

Il titre :

Capsule plus substance42,0583 67 %
Tare41,691


3o Thés de Footchow et ses environs

Thé Pakling (687). — Ces thés se récoltentsur les hauteurs à quelque distance de Footchow, àune altitude d’environ 2500 pieds. La préparation deces thés est originale et assez particulière :

Lorsque les feuilles sont récoltées, on les étend surdes nattes, où on les laisse un peu sécher.

Elles sont ensuite roulées avec la main dans despetites corbeilles d’un pied de diamètre environ. Cescorbeilles sont ensuite placées sur des tambours etrecouvertes de nattes ; un soleil un peu chaud fait prendreau bout d’une heure une couleur rougeâtre auxfeuilles. Ces dernières sont placées une seconde foissur des nattes et séchées au soleil. Dans cet état, ellessont envoyées sur le marché de Footchow, où l’onprocède ensuite au chauffage.

On fait à terre un feu de charbon de bois ; lorsquele charbon est rouge, on l’entoure d’une natte enbambou, sur laquelle on place des plaques de fer.Sur ces dernières on étend avec soin les feuilles dethé et lorsqu’elles commencent à se replier sur elles-mêmes,elles sont enlevées, tamisées, puis chaufféesde nouveau.

Il vaudrait mieux, dit-on, les chauffer une troisièmefois ; mais ce serait alors une perte de poidset une dépense supplémentaire ; aussi cette opérationse fait-elle rarement.

Les deux échantillons de thé Pakling que nouspossédons présentent peu de différence. Le premier(no 6) est en feuilles petites, comme tortillées surelles-mêmes, les unes allongées, les autres étalées.Sa couleur est grisâtre.

Le second échantillon est plus grossier : ses feuilles sont plus longues, moins fines, avec de nombreusesbûchettes. Son odeur est moins forte, d’un parfummoins agréable.

L’infusion est la même dans les deux cas ; elle estd’un jaune rougeâtre et d’une saveur assez faible.

Le premier de ces échantillons titre :

Capsule plus substance41,95752 670 %
Tare41,6905

Le deuxième :

Capsule plus substance30,76852 725 %
Tare30,3196


Thé Panyon. — Cette qualité se récolte dans desrégions plus élevées que celles de Pakling, et à environquatre journées de Footchow. Les procédésemployés sont les mêmes qu’à Pakling. Le thé y estchauffé et emballé sur les lieux de production.

Dans les qualités supérieures, ses feuilles sontpetites, d’un beau noir. Elles sont très pures ; onn’y rencontre ni ces bûchettes, ni ces brins de paillesignalés plus haut. Son odeur est forte et parfumée.

Dans les qualités plus inférieures, les feuilles sont plus longues, plus larges, moins pures et mélangéesde quelques rares bûchettes et de débris de paille.

Tous deux ils donnent une infusion d’un jaune trèsfoncé, dont la saveur diminue à mesure que baissela qualité du thé.

L’échantillon no 1 donne à l’analyse :

Capsule plus substance30,7782 82 %
Tare30,496

L’échantillon no 3 :

Capsule plus substance41,9372 49 %
Tare41,688


Thé Paklum. — Ce thé se récolte dans des régionsencore plus élevées que les précédentes, mais confinéesdans le district de Panyon.

Les deux échantillons que nous avons analysésdiffèrent peu l’un de l’autre.

Les feuilles du premier d’entre eux (no 5) se présententsous deux aspects : les unes d’un noir grisâtre,sont allongées ; les autres contournées sur elles-mêmesde différentes manières ; mais elles sont assezpetites.

Les autres feuilles, très rares du reste, ont une couleur jaune paille résultant vraisemblablementd’une dessiccation incomplète.

Son odeur est faible, mais très agréable.

Le second échantillon (no 6) se présente sous lemême aspect ; seulement ses feuilles semblent avoir étémoins bien choisies. Leur couleur est d’un noir cendré ;les feuilles jaunes incomplètement desséchéessont en quantité plus considérable ; les petitesbûchettes abondent également. Son odeur, par contre,nous a paru plus aromatique ; son infusion, d’unjaune foncé, a, comme l’autre, une saveur douce etagréable.

Le premier échantillon titre :

Capsule plus substance29,46852 315 %
Tare29,237

Le second :

Capsule plus substance30,7622 59 %
Tare30,503

Les thés que nous allons maintenant passer enrevue ont des caractères différents, suivant les différentsdistricts : ceux-ci ne se trouvent qu’à unejournée de marche les uns des autres. Comme ils n’ont pas une très grande importance commerciale,nous les décrirons rapidement.

Thé Soumow (8). — Ce thé a une couleur noirecendrée, il est formé de feuilles généralement allongées ;quelques-unes parfaitement planes, semblentn’avoir pas subi de manipulations, c’est-à-dire n’avoirpas été roulées. Ce thé, en général, est assez malpréparé ; il contient un grand nombre de bûchettes,pouvant atteindre souvent plusieurs centimètres delongueur. Son odeur est peu aromatique ; son infusionest rougeâtre, très parfumée, mais d’une âcretémanifeste.

L’échantillon titre :

Capsule plus substance29,5503 135 %
Tare29,2365


Thé Maison Chingloch. — Ce thé ressemblebeaucoup au précédent : il a une coloration noiremoins accentuée. Ses feuilles nous ont paru moinsimpures ; il semble que la fermentation a été pousséemoins loin. Toutefois, on y voit encore desbûchettes minces et longues. On y rencontre desfeuilles, ou pour mieux dire, des parties de feuillestrès longues, si on les compare aux variétés précédentes, les unes tortillées sur elles-mêmes, les autres,mais plus rarement, entièrement droite. L’odeurest suave, et exhale un parfum bien prononcé ; l’infusion,d’un rouge clair, laisse une sensation douceet agréable.

L’échantillon (9) titre :

Capsule plus substance41,99053 040 %
Tare41,6865


Thé Jonfrong-Young. — Ce thé, à l’aspect extérieur,n’a rien qui mérite une mention bien spéciale.Il diffère néanmoins du précédent par la grosseur deses feuilles : celles-ci sont généralement allongées ;quelques-unes sont roulées en cercle, mais c’est làune exception. On y trouve des bûchettes en assezgrande quantité : dans son ensemble, ce thé semblen’avoir pas été choisi avec un grand soin.

Son odeur est douce et aromatique ; mâché, il aune légère saveur de foin. Son infusion, du reste, estagréable et bien parfumée, elle est d’un beau jaunefoncé, paraissant noire par réflexion ; elle laisse à ladégustation une saveur quelque peu douceâtre, sansparfum bien spécial.

L’échantillon (no 10) donne :

Capsule plus substance30,8133 17 %
Tare30,496

Thé Saryen (11). — Les feuilles de ce thé ont unecouleur grisâtre : cette variété est assez impure etformée de débris de feuilles, les unes allongées, lesautres repliées sur elles-mêmes ; d’autres, plus petiteset en quantité moindre, ont une couleur jaunepaille, résultant d’une fermentation incomplète. Cethé est mélangé à des brins de paille, et à des débrisde tiges en assez grande quantité ; celles-ci sont trèsfines, souvent de 1 à 2 centimètres de longueur. Soninfusion dégage une odeur forte, sa couleur estrouge sang ; à la dégustation il se différencie detoutes les sortes précédentes, en ce qu’il laisse dansla bouche une sensation acre très prononcée.

Il titre :

Capsule plus substance42,02353 305 %
Tare41,693


Thé Yung Kow. — Ce thé est en feuilles pluslarges et plus grosses encore que le précédent.

Celles-ci sont généralement très longues ; quelquesautres sont contournées sur elles-mêmes en zig-zaget dessinent assez bien la lettre S.

Les bûchettes qui y sont parfois mêlées sont trèsfines, et en faible quantité. Il est peu aromatique, son infusion peu parfumée, sa saveur faible, maissans âcreté.

L’échantillon (12) titre :

Capsule plus substance29,5643 29 %
Tare29,235


Thé Sueykut (13-14). — Ce thé a une couleurnoire cendrée ; ses feuilles ne sont pas caractéristiques.

Elles sont, dans les qualités supérieures,tantôt aplaties sur elles-mêmes, tantôt mollementcontournées.

Dans les qualités inférieures, elles sont plus grossières,plus larges, moins régulières. Elles sontaccompagnées de nombreuses bûchettes, fines, allongéesd’un jaune très pâle. L’infusion, dans les deuxcas, a une odeur agréable, une saveur douce et bienparfumée.

Il titre en moyenne 3gr,09 de caféine pour 100.


Thé Chingwoo (15). — Ce thé est assez impur :il est formé de feuilles, les unes d’un noir sale, lesautres, d’un jaune pâle : les unes sont tantôt commetortillées sur elles et assez grosses ; les autres sontétalées et ont souvent la forme de griffes. L’odeur est faible, peu parfumée ; il est accompagné de tigesnombreuses et aussi de brins de paille.

Son infusion dégage bien une odeur quelque peuagréable, mais elle ne laisse à la dégustation qu’unparfum vague, avec une âcreté, faible il est vrai,mais persistante.

Il titre :

Capsule plus substance41,9652 70 %
Tare41,695


Thé Kenyung. — Cette variété diffère de la précédentepar ses feuilles plus larges, plus grosses,plus impures. C’est un thé mal torréfié, non homogène,contenant de nombreuses bûchettes, et desdébris de toutes sortes. Néanmoins son odeur est plusforte, sans être beaucoup plus agréable. Son infusionse ressent un peu de ces caractères : elle laisseun léger parfum à la dégustation, est faiblementamère, mais non pas âcre.

L’échantillon (16) titre.

Capsule plus substance34,8682 78 %
Tare34,590


4o Thés de la province de Fokien

Thé Souchon. — Ce thé est produit par les plushautes régions de la province de Fokien et le districtest à environ quatre journées de cette ville.

Le thé Souchon est un thé éminemment commercial ;c’est de tous le plus répandu, du moins enFrance. Nous en possédons deux échantillons.

Le premier est d’un brun noirâtre formé de feuilleslarges, les unes allongées, les autres étalées, maistoutes très minces, lâchement roulées dans le sensde la longueur : son odeur et sa saveur sontfaibles.

Le second échantillon est formé de feuilles égalementtrès minces, mais elles sont beaucoup plusallongées, beaucoup plus larges et semées de débrisde toutes sortes. La couleur au lieu d’être d’un brunnoirâtre est moins bien tranchée, elle est plutôt d’unnoir grisâtre, comme poussiéreuse.

L’infusion de l’un et de l’autre est claire et dorée ;à la dégustation, elle a une saveur très forte et trèsprononcée. Sans âcreté : ce caractère peut suffire àlui seul pour distinguer le thé Souchon de presquetoutes les autres variétés.

Le premier échantillon (19) a donné à l’analyse :

Capsule plus substance34,8833 73 %
Tare34,512

Le second échantillon :

Capsule plus substance29,5192 87 %
Tare29,232


Thés Pékoë. — Comme le Souchon, voici encoreun thé commercial en France : on le prend mélangéà des thés verts, comme le thé poudre à canon. Cen’est pas une espèce unique et les variétés en sonttrès nombreuses.

Les Chinois en distinguent plusieurs catégories,qu’ils classent sous les dénominations bizarres de :Pekoë pointes roses, fleurs de premier rouge, perlefleurie, sourcils de vieillards.

En France, on emploie un thé, paraît-il, moinsestimé, à feuilles plus larges et moins longues, c’estle thé Pekoë d’Assam. Une autre variété est le théPekoë orangé : c’est un thé mélangé, composé defeuilles brisées et dont l’infusion est jaune verdâtre.

À Londres enfin, il existe une troisième variété : c’est un mélange de Pekoë et de Congo ; il est vendusous le nom de Howqua Mixture.

Ces thés sont préparés à peu près comme les thésCongou, c’est-à-dire d’une façon assez primitive.

Le procédé de fabrication change cependant aumoment où ce thé est prêt à être emballé : il est alorsmélangé avec les fleurs très parfumées de l’Olea fragrans.

On le laisse ainsi douze heures en contact ; il estensuite tamisé, puis chauffé sitôt qu’il s’est emparédu parfum de ces fleurs.

Le thé Pekoë fleurs (Flowery Pekoë) n’est pas fait,contrairement à ce qu’on dit, avec les fleurs del’arbre à thé, comme pourrait le faire supposer sonnom.

Le Flowery Pekoë est fait avec les premièrespousses de l’arbre, qui sont ramassées avec le plusgrand soin. Ces pousses sont exposées le jour à unsoleil peu ardent, et, la nuit au grand air. Si on leslaissait au gros soleil, elles deviendraient dures,écueil qu’il faut surtout éviter. Le chauffage doit êtresoigné spécialement et, dès que le thé est chaud, ildoit être de suite emballé.

L’échantillon que nous possédons est, croyons-nous,le thé Pekoë dit pointes blanches. Il diffèrebeaucoup de toutes les espèces énumérées jusqu’à présent par ses caractères physiques et la couleurde son infusion. Il est brun clair, formé de feuillesjeunes, petites, mais très allongées, et, caractèreabsolument typique, il est garni à son sommet,quelquefois dans toute sa longueur, d’un duvet blancet soyeux. Il a un parfum suave, d’une odeur derose ; son infusion, au lieu d’être rougeâtre, est d’untrès beau jaune d’or. L’odeur n’est pas le fait duthé lui-même ; pour augmenter la saveur, nous venonsde le dire, les Chinois le parfument avec des fleursodorantes. Il est formé de jeunes feuilles provenantde la première et de la seconde récolte, et est, commele Flowery-Pekoë, préparé avec le plus grand soin.Aussi, est-ce la sorte la plus chère et la plus estimée.

Soumis à l’analyse, le Pekoë pointes blanches(échantillon 17) a donné ;

Capsule plus substance30,8463 50 %
Tare30,496


Thé à arômes. — Ce thé est formé de feuillestrès petites, tantôt rectilignes, tantôt tordues surelles-mêmes, finement allongées ; les unes sont d’ungris cendré, les autres, mais très rares, semblentrecouvertes d’un très léger duvet, qui les rendsoyeuses et comme brillantes. C’est un thé très mêlé, en ce sens que ses feuilles ne sont pas homogènes :ce doit être un mélange de différentes espècesparfumées avec des plantes odorantes, comme lePekoë. Le caractère dominant de cette variété estl’odeur qui s’échappe de ses feuilles, odeur fine etdélicate rappelant la fleur d’oranger. Son infusionest d’un beau jaune clair ; mais à la dégustation, ellelaisse une saveur désagréable et une âcreté qui larapprochent beaucoup de celles des thés verts.

L’échantillon (18) que nous avons analysé donne,comme richesse en caféine :

Capsule plus substance41,9682 80 %
Tare41,688

Nous donnons, pour résumer, un tableau de larichesse en alcaloïde des différentes variétés de thés.

THÉS VERTSTHÉS NOIRS
DÉSIGNATION DES THÉSTENEUR
EN CAFÉINE
pour 100
DÉSIGNATION DES THÉSTENEUR
EN CAFÉINE
pour 100
Thépoudre à canon extra2,16ThéKeemum3,97
Thépoudre à canon impérial2,20Kee3,93
ThéHyson, no 12,40Ningchow3,77
Young Hyson, 1re qualité2,48Pinking3,67
ThéYoung Hyson, 2e qualité2,61Pekoé3,50
ThéYoung Hyson, 3e qualité02,735Saryum3,30
Thépoudre à canon impérial 2e qualité3,00Yung Kow3,29
ThéHyson, (qual inf.)3,29Sow Yun Confa03,245
Hyson3,38Cheong Sow Mee03,235
Sow-Mee3,56Soumow03,135
Sow ee poudre à canon3,73Jonfrong Young3,17
ThéHyson Mee4,91Lyling3,15
Sueykut3,09
Maison3,040
Schulow2,99
Souchon 2e qual.2,87
à Arôme2,80
Kenyung2,78
Hokow02,725
Chung Kow2,70
Pakling2,67
Panhyon2,49
Paklun2,29 à 2,59
Koken2,22

RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS


Les « thés noirs » et « thés verts » diffèrent nonseulement par leur caractère physique, mais aussipar leur richesse en caféine.

Les thés verts ont des caractères extérieurs qui,dans la plupart des cas (pour nos échantillons dumoins) suffisent à les distinguer entre eux. Ils sonttrès amers et d’une âcreté prononcée, mais se différencientpar l’aspect et la forme des feuilles.

Les thés noirs, au contraire, ont des caractèresphysiques tellement voisins, qu’il est souvent difficilede les bien différencier ; aussi, dans la descriptionbien incomplète que nous avons faite, il nous a fallunous répéter à chaque instant, tant l’aspect extérieur est voisin, tant l’odeur est rapprochée, en unmot, tant les propriétés physiques se confondent.

À propos du procédé de fermentation de ces thésnoirs, objet de discussion entre les auteurs, nousavons reconnu que ces derniers renfermaient plusd’ammoniaque que les thés verts. Ce fait corroborecette idée, que les thés noirs se préparent par fermentationplutôt que par torréfaction ; la fermentationnous paraissant plus favorable à la formation desproduits ammoniacaux, aux dépens des albuminoïdes.

Pour la recherche des falsifications si nombreusesdu thé, les caractères différentiels qui ont spécialementfixé notre attention, nous ont été fournis parCollin, dans :

1o La disposition de l’appareil stomatique ;

2o La forme et l’aspect des cellules épidermiqueset des poils secteurs ;

3o L’existence ou l’absence, la localisation descellules sclérenchymateuses ;

4o La présence ou l’absence, la forme des cristaux.


Quant à la richesse en caféine, elle est très variable ; cependant on peut dire que plus cette teneur en caféineest considérable pour les thés verts, moins cethé est estimé. En effet, le thé poudre à canon extra necontient que 2 grammes 16 pour 100 de caféine, tandisque le thé Hyson Joong Mee, qui est en somme unequalité peu recherchée, en contient 4 grammes.

Les thés noirs, au contraire, suivent une marcheopposée ; ils sont en général plus riches en caféine,et plus cette substance est abondante, plus le thé estestimé. Le thé Pekoë pointes blanches, et cettevariété si recherchée des riches Chinois, le théKeemum, contiennent, le premier 3gr,50, et le secondprès de 4 grammes pour 100 de caféine.

Mais gardons-nous bien de poser comme règleinvariable ces dernières conclusions ; elles souffrentde nombreuses exceptions et ne peuvent en aucunefaçon être érigées en loi.

Que faut-il déduire de tout cela ?

La valeur d’un thé ne dépend point de sa plus oumoins grande richesse en caféine ; elle dépend enparticulier de son parfum de sa saveur. Malheureusementces précieuses qualités sont liées à la présencede corps volatils pour lesquels la chimie est endéfaut, vu leur présence en quantité très faible, etleur altérabilité.

Si le dosage de la caféine dans un thé ne peut servir à apprécier sa valeur, du moins il permettrade reconnaître certaines espèces dont les caractèresphysiques prêtent à confusion. Et à ce titre, leschiffres que nous apportons sur la teneur en caféinedes diverses variétés commerciales, nous paraissentprésenter un réel intérêt pratique.

Ce n’est pas tout, l’infusion de thé n’a pas seulementpar elle-même des propriétés efficaces, mais lathéine qui en est son principe actif, joue un rôleimportant dans l’art de guérir. Elle prend de jour enjour une place prépondérante dans la thérapeutique.En effet, c’est d’abord après l’urée le principe organiquele plus azoté ; ensuite à fortes doses elle déterminequelques phénomènes d’excitation nerveuseet vasculaire, infiniment moins prononcés cependantque ceux qui résultent de l’ingestion du café torréfié ;à petites doses elle produit un léger assoupissementsuivi d’une faible stimulation circulatoire favorablesà l’exercice des fonctions animales[23].

Elle convient contre les douleurs de tête et lamigraine, dans la fièvre intermittente dans l’asystoliecardiaque.

Mais pour produire ces bons effets, il faut qu’elle soit d’une pureté suffisante : la méthode de dosageque nous avons indiquée est aussi une méthode excellented’extraction, surtout si l’on emploie à chaud lenoir animal pour la dernière filtration. Et à ce titre-là,l’extraction de la caféine par le procédé que nouspréconisons, paraît encore présenter un réel intérêtpratique pour le pharmacien qui trouvera dans sonapplication un moyen simple de retirer la théine desfeuilles de thé ; cet intérêt n’est pas moins considérablepour le médecin qui, en possession d’un médicamentd’une pureté absolue, est en droit d’en réclamertout le bienfait qu’il peut en attendre.

Aussi, est-ce avec confiance que nous publions nosquelques recherches, et que nous les soumettons àl’approbation de nos maîtres en science, les priant,en réclamant toute leur indulgence, de regarder notretravail, non, comme une œuvre accomplie et défiantla critique, mais bien, comme un simple essai dansle début de la carrière scientifique qui s’ouvre devantnous.


FIN
  1. Collin, Journal de Pharmacie et de Chimie, Ve série, tom XXI, 1890.
  2. René Saint-Victor
  3. Le thé ne se cultive pas seulement en Chine et au Japon, mais dans toute l’Asie, dans l’Assam, actuellement aussi dans les Himalaya et à Ceylan.
  4. Michel Levy, Traité d’hygiène publique et prisée,4e édit., t. XI.
  5. Moleschott, De l’alimentation et du régime.
  6. Marvaud, Des Aliments d’épargne, alcool et boissons aromatiques (café, thé, maté, cacao et coca). Paris, 1874, 2e édition.
  7. Macé, Les Substances alimentaires étudiées au microscope surtout au point de vue de leurs altérations et de leurs falsifications, 1891.
  8. E. Collin, Journal de Pharmacie et de Chimie, Ve série, tome XXI, 1890
  9. Macé, Les substances alimentaires étudiées au microscope surtout au point de vue de leurs altérations et de leurs falsifications, Paris, 1891.
  10. E. Collin.
  11. Macé, Les Substances alimentaires. Paris, 1891.
  12. On y a encore trouvé un acide particulier et un principe que certains auteurs appellent légumine.
  13. Baudrimont, Dictionnaire des falsifications.
  14. Baudrimont, Dictionnaire des falsifications.
  15. Hlasiwetz a démontré que ce prétendu acide n’était qu’un mélange d’acide gallique, d’acide oxalique, de tanin et de quercitrin.
  16. Dictionnaire de Wurtz.
  17. Loche, Journal de Pharmacie et de Chimie.
  18. Paul et Cownley, Pharmaceutical Journal, 1887.
  19. Paul, The Pharmaceutical Journal and Transactions,no 1083, mars 1891.
  20. Comptes rendus, t. LXXXI, p. 817.
  21. Cazeneuve et Caillol, Journal de Pharmacie et de Chimie, t. LI LII, p. 271.
  22. La lettre placée à droite de chaque nom est la désignation de l’échantillon.
  23. Littré, Dictionnaire de Médecine, de Chirurgie et de Pharmacie, 17e édition, Paris, 1893.