Gauthiers-Villars et fils (p. 40-46).

III.

Opérations sur le terrain.

Nous voilà munis des appareils nécessaires, voyonsmaintenant la manière de les utiliser.

Telle que nous l’avons décrite, notre chambre noirene possède pas de châssis. C’est donc elle que nousdevons prendre dans le cabinet noir pour lui adapterla surface sensible. Cette surface sensible, coupée à lagrandeur voulue, sera fixée sur la planchette par lesmoyens mentionnés plus haut, introduite dans lachambre et assujettie comme il a été indiqué. Puisnous placerons le couvercle, que nous fixerons à l’aidede deux pointes formant verrou et dont nous masqueronsle joint avec deux larges bracelets de caoutchoucrouge superposés. Sans sortir du laboratoire, nous relèveronsla planchette obturatrice, et nous l’arrêteronsdans cette position en ramenant sous elle l’extrémitédu loqueteau. Nous fixerons celui-ci à l’aide du fil traversant la mèche d’amadou[1]. Sous ce fil, nousplacerons la banderole de papier UV (fig. 4), destinéeà nous annoncer le déclenchement, rangée en plis alternatifs(condition essentielle d’un bon déroulement).Puis nous tendrons le caoutchouc du loqueteau agissantdans le sens du déclenchement, et enfin celui qui commandela planchette obturatrice. Nous recouvrironsl’obturateur de son couvercle, que nous fixerons auxdeux extrémités à l’aide de bracelets de caoutchouc.La chambre noire doit être construite de telle sortequ’elle n’ait rien à craindre des rayons directs du soleil.Cependant, si nous devons parcourir une certainedistance avant d’atteindre le terrain d’opération, il seraprudent de la rouler dans un morceau d’étoffe noire.

La queue du cerf-volant sera disposée sur le dos decelui-ci, en la passant alternativement dans les encochespratiquées aux deux extrémités du roseau ou des règles.

L’opérateur, déjà chargé de la chambre noire, prendral’avant du cerf-volant, tandis que son aide, portant ledévidoir recouvert de sa corde, saisira l’arrière. Ilspourront ainsi arriver sur le terrain, même par un venttrès fort, nous ne dirons pas d’une manière commode, mais sans avaries au matériel, ce qui est le point important.Une précaution qu’il est bon d’observer, c’estde ne jamais présenter le plan du cerf-volant normalementà la direction du vent.

Après avoir déposé la chambre noire, l’opérateurétendra le cerf-volant à terre et déroulera sa queue,tandis que son aide, après avoir fixé à une branche ouà un piquet l’olive qui termine la corde de manœuvre,s’éloignera en remontant le vent et laissant filer celle-ci.Lorsque 100m ou 150m de corde seront étendus à terre,l’opérateur tendra la ficelle réunissant les deux extrémitésde l’arc (plus le vent est fort et plus doit êtregrande la convexité que lui présente le cerf-volant, afind’éviter les oscillations et les secousses) ; puis il fixerala chambre noire, débarrassée de son enveloppe, sur lesupport. Il passera la lanière de caoutchouc, repliée enécheveau, à travers la boucle de la bride et, réunissantles deux côtés de cet écheveau par un nœud simple,fait à un mètre environ de l’extrémité de la corde demanœuvre, il introduira l’olive qui la termine dans laboucle de la bride. Il vérifiera si celle-ci n’a pointaccroché chambre noire ou obturateur, mettra lefeu à la mèche d’amadou et notera l’heure exacte,afin de savoir approximativement l’instant où l’obturateurfonctionnera. Puis, saisissant le cerf-volant par un côté de l’arc et par l’extrémité inférieure, il leprésentera au vent et lancera à son aide un vigoureuxappel. Celui-ci partira aussitôt à toute vitesse en remontantle vent afin d’assurer un bon départ. Dès qu’ilsentira que la corde tire, il s’arrêtera et dévidera rapidementpour permettre au cerf-volant d’atteindre toutel’élévation possible. Nous insistons sur les circonstancesdu départ, car c’est là surtout que les accidents peuventse produire bien plutôt assurément qu’à la descente.

Ici se place une observation dont nous avons pumaintes fois constater l’utilité. Si, par suite de la violenceou de l’irrégularité du vent, le cerf-volant éprouvaitdes secousses, il faut, quelques secondes avant ledéclenchement (ce qu’il est facile d’apprécier, si l’on abien mesuré la mèche et noté exactement l’heure),marcher dans le même sens que le vent avec une vitessesuffisante pour que le cerf-volant ait une tendance àdescendre. Dans ces conditions, il retrouvera la stabiliténécessaire à l’obtention d’une épreuve. Ceci n’est, bienentendu, qu’un palliatif pour des cas assez rares.

Dès qu’on verra la banderole de papier quitter lecerf-volant, on se mettra en devoir de l’abattre[2].L’opérateur qui, pendant l’ascension, se sera rapproché de son aide, appuiera alternativement chacune de sesmains sur la corde en marchant vers le cerf-volant[3].Celui-ci s’abaissera peu à peu et arrivera sans secoussesà portée de la main. L’opérateur le saisira par la bride,dont il détachera la corde de manœuvre et la lanière decaoutchouc et l’étendra sur le dos pour retirer lachambre noire, qu’il enveloppera en veillant à ce quela planchette obturatrice ne puisse revenir en arrière.

Pour repartir, on prendra les mêmes dispositionsque pour se rendre sur le terrain.


Développement. — Nous n’entrerons dans aucundétail au sujet du développement ; nous supposons noslecteurs au courant de toutes les opérations photographiques.Qu’il nous suffise de leur signaler deux Ouvrages,où ils pourront puiser tous les renseignementsnécessaires au développement des plaques peu exposées(ce qui est le cas pour nous). Ce sont la Photographie instantanée[4], de M. Londe, et le Manuel de Photographie instantanée[5] de M. Agle. Nous leurindiquerons cependant un procédé qui nous a constammentréussi et qui se trouve entre les mains de laplupart des amateurs c’est le développement au fer.Voici notre formule, qui développe lentement (conditionde succès dans le cas des instantanées) et qui nevoile pas, même au bout d’une demi-heure, si aucunelumière anormale n’a agi sur la plaque[6].

BAIN D’OXALATE DE POTASSE.
Oxalate neutre de potasse150 gr
Eau de pluie500 gr
BAIN DE FER.
Sulfate de fer pur30 gr
Eau de pluie500 gr

Nous prenons pour demi-plaque 40cc de fer, auquelnous ajoutons 40cc d’oxalate. Nous versons ensuite dans le mélange 6 à 7 gouttes d’une solution à 5 pour 100de bromure d’ammonium.

Nous ajouterons que, depuis la publication des deuxOuvrages cités plus haut et qui sont très complets, dureste, la Photographie s’est enrichie d’un produit nouveau,l’hydroquinone, qui semble se prêter merveilleusementau développement des clichés instantanés. Lacondition indispensable pour obtenir de bons résultatsest de se procurer de l’hydroquinone absolument pureet de ne lui associer, dans le révélateur, que des substanceségalement préparées avec grand soin. Ce quifait le principal mérite de ce nouvel agent, c’est qu’ilsemble faire apparaître des détails là où d’autres révélateursdemeureraient impuissants. Il agit avec unelenteur extrême, sans jamais voiler la plaque. On comprendqu’il puisse rendre de grands services dans le casqui nous occupe, et nous engageons nos lecteurs à enessayer[7].




  1. D’habitude nous donnons à cette mèche 0m,20 de longueur, (sa largeur est de 0m,005 à 0m,007) ce qui nous fournit quatre minutes entre le moment où nous l’allumons et le déclenchement.
  2. Si, par suite d’un mauvais pliage, la banderole ne se déroulait pas, il deviendrait très difficile de l’apercevoir et d’être averti du déclenchement. Il faudrait alors compter un temps double de celui nécessaire à la combustion de la mèche avant d’abattre le cerf-volant.
  3. Un moyen plus élégant et plus rapide consiste à enfiler sur la corde de manœuvre une petite poulie de fer fixée à une armature. L’opérateur saisira cette armature et marchera vers le cerf-volant.
  4. Londe (Albert), La Photographie instantanée théorique et pratique. 2e édition. In-18, avec figures dans le texte ; 1890 (Paris, Gauthier-Villars et fils).
  5. Agle, Manuel de Photographie instantanée. In-18 jésus, avec nombreuses figures dans le texte ; 1887 (Paris, Gauthier-Villars et fils).
  6. La planche qui accompagne ce travail a été développée à l’aide de cette formule. Nous dirons en outre que, pour nous rendre bien compte de sa valeur, nous avons pris une vue éclairée par le soleil, le 15 novembre, à 10 h du matin, avec un aplanat de Steinheil diaphragmé au et une pose de de seconde. Le cliché obtenu sur plaque souple Balagny a été complètement développé en 25 minutes et ne présente pas la plus légère trace de voile.
  7. Balagny (George), L’hydroquinone. Nouvelle méthode de développement. In-18 jésus ; 1889 (Paris, Gauthier-Villars et fils).