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AIGUILLE, s. f. (Hist. nat.) poisson de mer. Il y adeux sortes de poisson de mer que l’on appelle aiguille, parce que leurs mâchoires sont si fort allongées,qu’elles ressemblent en quelque façon à de longuesaiguilles ; la premiere espece dont il est question danscet article, retient simplement le nom d’aiguille ; l’autre est appellée aiguille d’Aristote. Voyez Aiguille d’Aristote.

L’aiguille est nommée en latin acus ou aculeatus ; enNormandie on lui donne le nom d’arphye. Ce poissonn’est pas gluant comme la plûpart des autres poissons ;il est long & lisse, les deux mâchoires sont fort menues & fort allongées ; celle du dessous avance plusque celle du dessus, elle est molle à son extrémité ;toutes les deux sont garnies de petites dents poséesfort près les unes des autres. La tête est de couleurverte & de figure triangulaire ; les yeux sont grands,ronds & jaunes, il se trouve deux trous devant lesyeux. Ce poisson a quatre ouïes doubles de chaquecôté, deux nageoires près des ouïes, deux autrespetites sous le ventre, & deux autres plus grandesprès de la queue, l’une en dessous & l’autre audessus ; ces deux nageoires sont garnies d’aiguillonsjusqu’à la queue, qui est courte & terminée pardeux petites nageoires qui la rendent fourchue. L’aiguille a le ventre plat, son corps paroît quarré, àcause d’une suite d’écaille qui va depuis la tête jusqu’à la queue ; le reste est lisse & sans écailles. L’épine du dos est verte, le dos bleu, & le ventre blanc.Toutes les parties intérieures sont allongées commela figure de ce poisson. En été son ventre est remplid’œufs. Sa chair est dure, seche, & indigeste. Rondelet. Voyez Poisson. (I)

Aiguille d’Aristote, s. f. (Hist. nat.) poisson demer. Il y a deux sortes de poissons de mer, appellésaiguille, dont l’une retient simplement le nom d’aiguille. Voyez Aiguille. L’autre, dont il est iciquestion est appellée aiguille d’Aristote, parce quec’est l’espece dont l’auteur a fait mention en plusieurs endroits de ses ouvrages. On lui donne en Languedoc le nom de trompette. Il y a plusieurs de cespoissons qui sont de la longueur d’une coudée : maisils ne sont tous pas plus gros que le doigt. L’extrémité de la tête de ce poisson est en forme de tuyau,ce qui lui a fait donner le nom de trompette ; soncorps a six faces depuis la tête jusqu’à l’anus, & dansle reste il n’y a que quatre faces ; il n’est pas couvert d’écailles, mais d’une sorte d’écorce dure &gravée ; l’anus est placé presque au milieu du corps.On voit derriere l’anus une fente longue, dans laquelle on trouve des œufs, & quelquefois des petitsnouvellement éclos, de différentes grandeurs. Cepoisson a deux petites nageoires auprès des ouïes,& une autre fort petite sur le dos, qui n’est bienapparente que lorsque le poisson s’agite dans l’eau ;La queue est terminée par une seule nageoire fortmenue. L’aiguille d’Aristote a un conduit long quicommunique de la bouche à l’estomac, qui est petit& allongé. Le foie est grand, les boyaux sont étroits& droits ; ce poisson n’a pour ainsi dire point de chair.Rondelet. Voyez Poisson.

Aiguille de Berger, scandix, (Hist. nat.) oupecten Veneris, genre de plante, plus connu sous lenom de peigne de Venus. Voyez Peigne de Venus.(I)

Aiguille aimantée, est une lame d’acier longue & mince, mobile sur un pivot par son centre degravité, & qui a reçu d’une pierre d’aimant la propriété de diriger ses deux bouts vers les poles dumonde. Voyez Aimant.

Les meilleures aiguilles ont environ six pouces delongueur, deux lignes & demie de largeur vers le milieu, & deux lignes vers les extrémités ; l’épaisseur doit être d’environ un sixieme de ligne.

On donne ordinairement aux aiguilles aimantées lafigure d’une fleche, & on fait ensorte que ce soit lapointe qui se tourne du côté du nord. V. Pl. de physique, fig. 47.Mais il est plus avantageux que ces extrémités se terminent en une pointe qui ne soit pointtrop aigue, comme on voit dans la fig. 48. & il serafacile de désigner par les lettres N & S, qu’on gravera sur ces extrémités, les pointes qui doivent sediriger au nord & au sud. La chappe C doit être delaiton, soudée sur le milieu de l’aiguille, & creuséed’une forme conique, dont l’axe soit bien perpendiculaire à l’aiguille, & passe par son centre de gravité.Le style F qui doit servir de pivot, doit être d’acier bien trempé, exactement droit, délié & fixé perpendiculairement sur la base B. Enfin la pointe de cestyle doit être extrèmement polie & terminée en unepointe un peu mousse.

Comme il est difficile de bien placer la chappe dansle centre de gravité, on tâchera de la mettre danscette situation le plus exactement qu’il sera possible,& l’ayant mise ensuite sur son pivot, si on remarquequ’elle ne soit pas en équilibre, on en ôtera un peu ducôté qui paroîtra le plus pesant.

Quoique la plûpart des lames d’acier qu’on emploie à cet usage, aient naturellement la propriétéde se diriger vers les poles du monde, & qu’on puisseaider cette propriété naturelle en les trempant dansl’eau froide après les avoir fait rougir, & les faisantrecuire peu à peu, il n’est cependant pas douteuxqu’on ne doit compter que sur les aiguilles qui auront été aimantées par un bon aimant.

La meilleure maniere d’aimanter une aiguille, estde la fixer sur une table, & de poser sur son milieude chaque côté de la chappe, le pole boréal d’unbon aimant, & le pole austral d’un autre, de maniere cependant que le pole boréal de l’aimant soitposé sur la partie de l’aiguille qui doit se tourner ausud, & le pole austral de l’autre aimant sur la partiequi doit se tourner vers le nord. Ensuite on coulerachacun de ces poles en appuyant fortement du milieu vers la pointe, & on réiterera cette opérationquinze ou vingt fois, en observant d’éloigner un peules pierres avant que de les approcher de la chappe ;alors l’aiguille sera aimantée, & la partie qui auraété touchée par le pole austral de la pierre, se dirigera constamment vers le nord, & avec vivacité.

L’excellence de l’aimant avec lequel on touchel’aiguille, & la grande vertu magnétique qu’elle reçoit dans toutes les circonstances que nous venonsde rapporter, sont qu’elle obéit plus facilement auximpressions magnétiques, & que les obstacles dufrottement & de la résistance de l’air deviennent comme nuls : mais elle ne prend pas une meilleure direction que si elle eut été moins bien aimantée. En effet on observe que la direction des aiguilles qui n’ontjamais touché à l’aimant, ou qui ont été trempéesaprès avoir été rougies, celles de toutes les especesd’aiguilles aimantées sur différentes pierres, de figures & de qualités différentes, & dans quelque partiedu monde que ce soit ; on observe, dis-je, que la direction de toutes ces aiguilles se fait uniformémentsuivant le même méridien magnétique particulier àchaque lieu. Voyez fig. 35. n°. 2.

Il est arrivé quelquefois que le tonnerre tombé auprès d’une aiguille aimantée, en a changé la direction,& même qu’il lui en a donné une directementcontraire : mais ces accidens sont assez rares, & nedoivent point être comptés parmi ceux qui agissentsur l’aiguille aimantée, & qui en changent constamment la direction.

On seroit bien plus porté à croire que les minesde fer, dans le voisinage desquelles se trouveroit uneaiguille aimantée, pourroient altérer sa vertu directive :on s’est assûré du contraire en mettant uneaiguille très-mobile auprès d’un morceau d’excellente mine de fer, qui rendoit 23 livres de fer parchaque quintal, (110 livres) sans que l’aiguille enait été sensiblement dérangée. Mais il y a d’autrescauses inconnues, dépendantes sans doute des météores,qui dérangent sensiblement l’aiguille aimantée :par exemple, à la latitude de 41d 10′ du nord& à 28d 0′ de longitude du cap Henri en Virginie,le 2 Septembre 1724, l’aiguille aimantée devint d’une agitation si grande, qu’il fut impossible de se servir de la boussole pour faire la route ; & on eut beaumettre plusieurs aiguilles en différens endroits duvaisseau, & en aimanter quelques-unes de nouveau,la même agitation continua & dura pendant plus d’une heure, après quoi elle se calma, & l’aiguille sedirigea comme à l’ordinaire.

Il y a quelque apparence que le grand froid détruit,ou du moins suspend la vertu directive de l’aiguille aimantée. Le Capitaine Ellis rapporte dans sonvoyage à la Baie d’Hudson, qu’un jour que son vaisseau étoit environné de beaucoup de glace, ses aiguilles aimantées perdirent entierement leur vertudirective ; que pendant que l’une suivoit une certaine direction, l’autre en marquoit une toute différente,& que pas une ne resta long-tems dans la même direction ; qu’il tâcha de remédier à ces accidens,en touchant ses aiguilles à un aimant artificiel : maisqu’il y perdit ses peines, & qu’elles perdoient en unmoment la vertu qu’elles acquéroient par ce moyen ;& qu’il fut bien convaincu après plusieurs essais, quece dérangement des aiguilles ne pouvoit être corrigépar l’attouchement de l’aimant ; que le moyen quilui réussit le mieux pour remédier à cet accident, futde placer ses aiguilles dans un lieu chaud, où elles reprirent effectivement leur activité, & pointerent justecomme à l’ordinaire : d’où il conclut que le froid excessif causé par les montagnes de glace dont il étoitenvironné, en resserrant trop les pores des aiguilles,empêchoit les écoulemens de la matiere magnétiquede les traverser, & que la chaleur dilatant ces mêmespores, rendoit la liberté au passage de cette mêmematiere.

Lorsqu’on place une aiguille aimantée sur unebonne méridienne, ensorte que son pivot soit bienperpendiculaire & dans le plan de cette méridienne,& qu’on la laisse ensuite se diriger d’elle-même suivant son méridien magnétique, on observe qu’elle nese dirige pas exactement vers les poles du monde,mais qu’elle en décline de quelques degrés, tantôt àl’est, tantôt à l’ouest, suivant les différens lieux, &en différens tems dans le même lieu.

La découverte de cette déclinaison de l’aiguille aimantée,a suivi de peu de tems celle de sa direction.Il étoit naturel de chercher à approfondir les circonstances de cette vertu directive, & en la mettant sisouvent sur la ligne méridienne, on se sera bientôtapperçû qu’elle déclinoit. Thevenot assure dans sesvoyages avoir vû une lettre de Pierre Adsiger, écriteen 1269, dans laquelle il est dit que l’aiguille aimantée déclinoit de cinq degrés : & M. de Lisle le Géographepossedoit un manuscrit d’un Pilote de Dieppenommé Crignon, dédié en 1534 à Sebastien Chabot,Vénitien, dans lequel on fait mention de la déclinaison de l’aiguille aimantée ; cependant on fait honneur de cette découverte à Chabot lui-même, àGonzales de Oviedo, à Robert Normann, à Dalancé,& autres.

Il paroît au reste que cette découverte étoit très connue dans le XVI. siecle ; car Hartmann l’a observée en Allemagne de 10d 15′ en l’année 1536. Dansle commencement on attribuoit cette déclinaison del’aiguille à ce qu’elle avoit été mal aimantée, ou à ce que la vertu magnétique s’affoiblissoit : mais lesobservations réitérées ont mis cette vérité hors dedoute.

La variation de la déclinaison, c’est-à-dire, cemouvement continuel dans l’aiguille aimantée, quifait que dans une même année, dans le même mois,& même à toutes les heures du jour, elle se tournevers différens points de l’horison ; cette variation,dis-je, paroît avoir été connue de bonne-heure enFrance. Les plus anciennes observations sont cellesqui ont été faites en 1550 à Paris ; l’aiguille déclinoit alors de 8d vers l’est, en 1580 de 11d 30′ versl’est, en 1610 de 8d 0′ vers l’est, jusqu’à ce qu’en1625 Gellibrand a fait en Angleterre des observations très-exactes sur cette variation.

Nous joignons ici la table des différens degrés dedéclinaison de l’aiguille aimantée, faites à Paris, surtout à l’Observatoire Royal.

Table des différens Degrés de Déclinaison de l’Aiguille aimantée, observés à Paris.
155080   17161220   
1580113017171245
16108017181230
16403017191230
16640401720130
166600   1721130
16701301722130
16801401723130
16812301724130
168335017251315
168441017261345
16854101727140
16864301728140
169255017291410
169362017301425
169564817311445
16967817321515
169874017331545
169981017341545
170081217351540
170182517351540
17028481736150
17039617371445
170492017381530
170593517391520
170694817401545
1707101017411540
1708101517421540
1709101517431510
1710105017451515
1711105017461615
1712111517471630
1713111217481615
1714113017491630
1715111017501715

Pour observer commodément la déclinaison del’aiguille aimantée, il faut tracer d’abord une ligneméridienne bien exacte sur un plan horisontal, dansun endroit qui soit éloigné de murs, ou des autresendroits où il pourroit y avoir du fer ; ensuite onplacera sur cette ligne la boîte graduée d’une aiguille bien suspendue sur son axe, ensorte que lepoint O de la graduation soit tourné & posé bienexactement sur la méridienne du côté du nord. Onaura soin que la boîte soit bien horisontale sur leplan, & que rien n’empêche la liberté des vibrations de l’aiguille ; alors l’extrémité B de l’aiguillemarquera sa déclinaison, qui sera exprimée par l’arccompris depuis O jusqu’à l’endroit vis-à-vis duquell’aiguille est arrêtée. Voyez fig. 37. n° 2.

Les observations qu’on a faites sur la déclinaisonde l’aiguille aimantée, ont mis à portée de découvrirson inclinaison, c’est-à-dire, cette propriété qu’elle ade s’incliner vers un des poles du monde plûtôt quevers un autre. En effet si on construit une aiguille quisoit parfaitement en équilibre sur son pivot avant qued’être aimantée, c’est-à-dire, que son plan soit bienparallele à l’horison, dès qu’elle aura été aimantée,elle cessera d’être en équilibre, & s’inclinera dansnotre hémisphere vers le pole boréal & vers le poleaustral dans l’hémisphere méridional de notre globe.

Cette inclinaison est d’autant plus considérable,que l’aiguille est plus proche des poles du monde,& d’autant moindre, qu’elle est proche de l’équateur,ensorte que sous la ligne l’aiguille est parfaitementhorisontale. Cette inclinaison au reste varie dans tousles lieux de la terre comme la déclinaison ; elle varieaussi dans tous les tems de l’année & dans les différentes heures du jour ; & il paroît que les variationsde cette inclinaison sont plus considérables que celles de la déclinaison, & pour ainsi dire indépendantes l’une de l’autre. On peut voir dans la fig. 35. n°. 3.de quelle maniere on dispose l’aiguille pour observer son inclinaison. Mais on n’a pas été long-tems às’appercevoir qu’une grande partie de cette variation dépendoit du frottement de l’axe sur lequel l’aiguille devoit tourner pour se mettre en équilibre ;car en examinant la quantité des degrés d’inclinaison d’une aiguille mise en mouvement & revenue àson point de repos, on la trouvoit tout-à-fait variable,quoique l’expérience fût faite dans les mêmescirconstances, dans la même heure, & avec la même aiguille : d’ailleurs on a fait différentes aiguillesavec tout le soin imaginable ; on les a faites de mêmelongueur & épaisseur, du même acier ; on les a frottéestoutes également & de la même maniere sur un bonaimant ; ç’a été par hasard quand deux se sont accordées à donner la même inclinaison ; ces inégalitésont été quelquefois à 10 ou 12 degrés : ensorte qu’ila fallu absolument chercher une méthode de construire des aiguilles d’inclinaison exemptes de ces inégalités.Ce problème a été un de ceux que l’Académiedes Sciences a jugé digne d’être proposé aux plushabiles Physiciens de l’Europe ; & voici les regles queprescrit M. Dan. Bernoulli qu’elle a couronné.

1°. On doit faire ensorte que l’axe des aiguilles soitbien perpendiculaire à leur longueur, & qu’il passeexactement par leur centre de gravité.

2°. Que les tourillons de cet axe soient exactement ronds & polis, & du plus petit diametre que lepermettra la pesanteur de l’aiguille.

3°. Que cet axe roule sur deux tablettes qui soientdans un même plan bien horisontal, très-dur & très poli.Mais comme l’inflexion de l’aiguille, & la difficulté de placer cet axe exactement dans le centre degravité, peut causer des erreurs sensibles dans l’inclinaison de l’aiguille aimantée, voici la construction d’une nouvelle aiguille.

On en choisira une d’une bonne longueur, à laquelle on ajustera un axe perpendiculaire, & dansle centre de gravité le mieux qu’il sera possible ; onaura un petit poids mobile, comme de 10 grains,pour une aiguille qui en pese 6000, & on approcherace petit poids auprès des tourillons jusqu’à environla 20e partie de la longueur d’une des moitiés ; ensuite on mettra l’aiguille en équilibre horisontalement avec toute l’attention possible ; & lorsqu’ellesera en cette situation, on marquera le lieu du petitpoids : alors on l’éloignera des tourillons vers l’extrémité de l’aiguille jusqu’à ce qu’elle ait pris uneinclinaison de 5 degrés. On marquera encore surl’aiguille le lieu du petit poids, & on le reculera jusqu’àce que l’inclinaison soit de 10 degrés, & ainside suite en marquant le lieu du petit poids de cinq en cinq degrés. Après ces préparations on aimanteral’aiguille, en observant que le côté auquel est attaché le petit poids, devienne le pole boréal pour lespays où la pointe méridionale de l’aiguille s’éleve,& qu’il soit au contraire le côté méridional pour lespays où la pointe méridionale s’éleve au-dessus del’horison.

La maniere de se servir de cette boussole d’inclinaison consiste à mettre d’abord le petit poids à laplace qu’on présumera convenir à peu près à la véritable inclinaison de l’aiguille ; après quoi on l’avancera ou reculera jusqu’à ce que l’inclinaison marquée par l’aiguille s’accorde avec celle que marquele petit poids, & de cette maniere l’inclinaison del’aiguille sera la véritable inclinaison.

L’action de l’aimant, du fer & des autres corpsmagnétiques mis dans le voisinage d’une aiguille aimantée,est capable de déranger beaucoup sa direction : il faut bien se souvenir que l’aiguille aimantéeest un véritable aimant qui attire ou est attiré par lefer & les corps magnétiques, suivant cette loi uniforme & constante, que les poles de différens nomss’attirent mutuellement, & ceux de même nom serepoussent : c’est pourquoi si on présente une aiguilleaimantée à une pierre d’aimant, son extrémité boréalesera attirée par le pole du sud de l’aimant, & la pointeaustrale par le pole du nord ; au contraire le pole dunord repoussera la pointe boréale, & le pole du sudrepoussera pareillement la pointe australe. La mêmechose arrivera avec une barre de fer aimantée, ousimplement avec une barre de fer tenue verticalement,dont l’extrémité supérieure est toûjours unpole austral, & l’extrémité inférieure un pole boréal.Mais ce dernier cas souffre quelques exceptions,parce que les poles d’une barre de fer verticale ne sont pas les mêmes par toute la terre, & qu’ilsvarient beaucoup en cette sorte.

Dans tous les lieux qui sont sous le cercle polaireboréal & le 10e degré de latitude nord, le pole boréalde l’aiguille aimantée sera toûjours attiré par la partie supérieure de la barre, & la pointe du sud par lapartie inférieure ; & on aura beau renverser la barre,la pointe boréale de l’aiguille sera toûjours attiréepar le bout supérieur quel qu’il soit, pourvû que labarre soit tenue bien verticalement. A la latitude de9d 42′ N. la pointe australe de l’aiguille étoit fortement attirée par l’extrémité inférieure de la barre :mais la pointe boréale n’étoit pas si fortement attiréepar la partie supérieure qu’auparavant.

A 4d 33′ de latitude N. & 5d 18′ de longitudedu cap Lésard, la pointe boréale commençoit à s’éloigner de la partie supérieure de la barre, & la pointeaustrale étoit encore plus vivement attirée par le basde la barre.

A 0d 52′ de latitude méridionale, & 11d 52′ àl’occident du cap Lésard, la pointe boréale de l’aiguille n’étoit plus attirée par le haut de la barre, nonplus que par sa partie inférieure ; la pointe australese tournoit toûjours vers la partie inférieure, maismoins fortement.

A la latitude de 5d 17′ méridionale, & 15d 9′ delongitude du cap Lésard, la pointe méridionale setournoit vers l’extrémité inférieure de la barre d’environ deux points ; & lorsqu’on éloignoit la barre,l’aiguille reprenoit sa direction naturelle après quelques oscillations : mais le même pole de l’aiguille nese tournoit point du tout vers le bord supérieur de labarre, & la pointe septentrionale n’étoit attirée nipar le bord supérieur, ni par l’inférieur ; seulementen mettant la barre dans une situation horisontale &dans le plan du méridien, le pole boréal de l’aiguillese dirigeoit vers l’extrémité tournée au sud, & lapointe australe vers le bout de la barre tourné ducôté du nord, ensorte que l’aiguille s’écartoit de sadirection naturelle de 5 ou 6 points de la boussole, &non davantage : mais en remettant la barre dans sasituation perpendiculaire, & mettant son milieu vis-à-vis de l’aiguille, elle suivoit sa direction naturellecomme si la barre n’y eût point été.

A la latitude de 8d 17′ N. & à 17d 35′ ouest ducap Lésard, la pointe boréale de l’aiguille ne se tournoit plus vers la partie supérieure de la barre, aucontraire elle la fuyoit : mais le pole austral se détournoit un peu vers le bord inférieur, & changeoitsa position naturelle d’environ deux points : mais enmettant la barre dans une situation inclinée, de maniere que le bout supérieur fût tourné vers la pointeaustrale de l’aiguille, & le bout inférieur vers sapointe boréale, celle-ci étoit attirée par le bout inférieur : mais lorsqu’on mettoit le bout supérieur versle nord, & le bout inférieur vers le sud, la pointeboréale fuyoit celui-ci ; & si on tenoit la barre tout-à-fait horisontalement, il arrivoit la même chose quedans les observations précédentes.

A 15d 0′ de latitude sud, & 20d 0′ de longitudeoccidentale du cap Lésard, le pole austral de l’aiguille a commencé à regarder le bout supérieur dela barre, & la pointe boréale s’est tournée vers lebout inférieur d’environ un point de la boussole :mais en tenant la barre horisontalement, le pole boréal s’est tourné vers le bout de la barre qui regardoit le sud, & vice versâ.

A 20d 20′ de latitude sud, & 19d 20′ de longitude occidentale du cap Lésard, la pointe australe del’aiguille s’est tournée vers le haut bout de la barre,& la pointe boréale vers le bout inférieur, & assezvivement ; ensorte que l’aiguille s’est dérangée de sadirection naturelle d’environ quatre points.

Enfin à 29d 25′ de latitude méridionale, & 13d 10′ de longitude occidentale du méridien du cap Lésard, les mêmes choses sont arrivées plus vivement,& cette direction a continué d’être réguliere jusqu’àune plus grande latitude méridionale.

Il paroît donc que la vertu polaire d’une barre defer que l’on tient verticalement, n’est pas constantepar toute la terre comme celle de l’aimant ou d’uncorps aimanté ; qu’elle s’affoiblit considérablemententre les deux tropiques, & devient presque nullesous la ligne ; & que les poles sont changés réciproquement d’un hémisphere à l’autre. Cet article nousa été fourni par M. le Monnier, Medecin, de l’Académie Royàle des Sciences. Voyez Aimant.

AIGUILLE, dans l’Artillerie, est un outil à Mineurqui sert à travailler dans le roc pour y pratiquer depetits logemens de poudre propres à faire sauter desroches, accommoder des chemins, &c. V. Mine. (Q)

Aiguille, s. f. c’est en Horlogerie la piece quimarque les heures ou les minutes &c. sur le cadrande toutes sortes d’horloges. Voyez la fig. I. Pl. I. de l’Horlogerie. Pour que des aiguilles soient bien faites,il faut qu’elles soient légeres, sans cependant êtretrop foibles, & que celles qui sont fort longues, ouqui tournent fort vîte soient bien de pesanteur, defaçon qu’un bout ne l’emporte pas sur l’autre ; sanscela, dans différentes situations elles accélereroientou retarderoient le mouvement de l’horloge. On doitencore tâcher que leur couleur soit telle qu’elle ne seconfonde point avec celle du cadran, afin qu’on lesdistingue facilement & de loin. Ces aiguilles se fondent d’abord, si elles sont d’or ou d’argent ; & s’achevent ensuite à la lime, au foret, &c.… Quantà la maniere de les fondre, elle n’a rien de particulier.(T)

Aiguille, (Marine.) on donne ce nom à unegrosse piece de bois en arc-boutant avec laquelle lesCharpentiers appuient les mâts d’un vaisseau qu’onmet sur le côté pour lui donner carene. Les Ordonnances du Roi veulent que lorsqu’on carene un vaisseau, le maitre de l’équipage ait soin que les aiguillessoient bien présentées & bien saisies ; les ponts bienétançonnés aux endroits où ils portent ; les caliornesbien étropées & bien garnies ; & que les pontonssoient aussi garnis de caliornes, franc-funnis, barres& cabestans.

On donne encore le nom d’aiguilles à diverses pieces de bois posées à plomb, qui-servent à fermer lespertuis des rivieres pour arrêter l’eau. On les leve,lorsqu’on veut faire passer des bateaux.

On appelle aussi aiguilles des petits bateaux pêcheurs des rivieres de Garonne & Dordogne. (Z)

Aiguille (en Archit.) c’est une pyramide de charpente établie sur la tour d’un clocher ou le combled’une église pour lui servir de couronnement. Uneaiguille est composée d’une plate-forme qui lui sertd’empattement. Cette plate-forme qui porte sur lamaçonnerie de la tour est traversée par plusieurs entraits qui se croisent au centre du clocher. Sur lepoint de réunion de ces entraits est élevé verticalement un poinçon que l’on appelle proprement aiguille.Il est soûtenu en cette situation par plusieurs arbalêtriers emmortoisés dans le poinçon & les entraits, &entouré de chevrons dont toutes les extrémités supérieures se réunissent près de son sommet. Les chevrons sont emmortoisés par en bas dans la plate-forme,& soûtenus dans différens points de leur longueur parde petits entraits qui s’assemblent avec les chevrons& le poinçon autour duquel ils sont placés. On lattesur les chevrons, & on couvre le tout de plomb oud’ardoise.

Les aiguilles que l’on pratique sur les combles deséglises sont construites de la même façon, à cette différence près, qu’elles n’ont point pour empattementune maçonerie, mais le haut de la cage du clocherqui est de charpente, lequel leur sert de plate-forme.

Aiguille, Voyez Obélisque.

Aiguille ou Poinçon, (Charpent.) piece de boisdebout dans un cintre, entretenue par deux arbalêtriers qui sont quelquefois courbes, pour porter lesdosses d’un pont.

Aiguille, s. f. petit instrument d’acier trempé,délié, poli, & ordinairement pointu par un bout, &percé d’une ouverture longitudinale par l’autrebout. Je dis ordinairement, & non pas, toûjours percé & pointu ; parce qu’entre les instrumens quiportent le nom d’aiguille, & à qui on a donné cenom, à cause de l’usage qu’on en fait, il y en aqui sont pointus & non percés, d’autres qui sontpercés & non pointus, & d’autres encore qui nesont ni pointus ni percés. De toutes les manieresd’attacher l’un à l’autre deux corps flexibles,celle qui se pratique avec l’aiguille est une desplus étendues. Aussi distingue-t-on un grand nombre d’aiguilles différentes. On a les aiguilles à coudre ou de tailleur, les aiguilles de chirurgie, d’artillerie,de bonnetier ou faiseur de bas au métier,d’horloger, de cirier, de drapier, de guainier, deperruquier, de coëffeuse, de faiseuse de coëffe àperruque, de piqueur d’étuis, tabatieres & autressemblables ouvrages, de sellier, d’ouvrier en soie,de brodeur, de tapissier, de chandelier, d’embaleur,à matelas, à empointer, à tricoter, à enfiler,à presser, à brocher, à relier, à nater, à boussole ou aimantée, &c. sans compter les machinesqu’on appelle du nom d’aiguille, par le rapportde leur forme avec celle de l’aiguille à coudre.Voyez Aiguille, Architecture.

Aiguille de tailleur ou à coudre. Cette aiguille quisemble avoir donné son nom à toutes les autressortes, se fabrique de la maniere suivante. Ayezde l’acier d’Allemagne ou de Hongrie ; mais surtout de Hongrie, car celui d’Allemagne commence à dégénérer. Voyez l’article Acier. Faites passer cet acier soit au charbon de terre, soit aucharbon de bois, selon l’endroit où vous fabriquerez.Mettez-le chaud sous le martinet pour luiôter ses angles, l’étirer & l’arrondir. Lorsqu’il serafort étiré & qu’il ne pourra plus soûtenir le coupdu martinet, continuez de l’étirer & de l’arrondirau marteau. Ayez une filiere à différens trous ; faites passer ce fil par un des grands trous de votrefiliere, & trifilez-le. Ce premier trifilage s’appelledégrossir. Quant aux machines dont on se sert pourtrifiler. Voyez les articles épinglier & trifilerie.Après le premier trifilage ou le dégrossi, donnez unsecond trifilage par un plus petit trou de votre filiere,après avoir fait chauffer votre fil ; puis untroisieme trifilage par un troisieme trou plus petitque le second. Continuez ainsi jusqu’à ce que votrefil soit réduit par ces trifilages successifs au degréde finesse qu’exige la sorte d’aiguilles que vousvoulez fabriquer. Mais observez deux choses, c’estqu’il semble que la facilité du trifilage demande unacier ductile & doux, & que l’usage de l’aiguillesemble demander un acier fin, & par conséquenttrès-cassant. C’est à l’ouvrier à choisir entre tous lesaciers, celui où ces deux qualités sont combinéesde maniere que son fil se tire bien, & que lesaiguilles aient la pointe fine, sans être cassantes.Mais comme il y a peu d’ouvriers en général quientendent assez bien leurs intérêts, pour ne rien épargner quand il s’agit de rendre leur ouvrage excellent ; il n’y a guere d’aiguilliers qui ne disent queplus on cassera d’aiguilles, plus ils en vendront ; &qui ne les fassent de l’acier le plus fin, d’autant plusqu’ils ont répandu le préjugé que les bonnes aiguilles devoient casser. Les bonnes aiguilles cependantne doivent être ni molles ni cassantes. Graissezvotre fil de lard, à chaque trifilage, il en sera moinsrevêche & plus docile à passer par les trous de lafiliere.

Lorsque l’acier est suffisamment trifilé, on le coupepar brins à-peu-près d’égale longueur ; un ouvrierprend de ces brins autant qu’il en peut tenir les unscontre les autres étendus & paralleles, de la maingauche. Voyez cet ouvrier aiguillier Pl. I. fig. 1. a. Ilest assis devant un banc. Ce banc est armé d’un anneau fixe à son extrémité c. Il est échancré circulairement à son extrémité b. L’anneau de l’extrémité c reçoit le bout long, de la branche d’une cisaille ou force d. A l’échancrure circulaire b, estajusté un seau rond ; l’ouvrier tient l’autre branche de la cisaille de la main droite a, & coupe lesbrins de fil d’acier qui tombent dans le seau. Cesbouts de fil d’acier coupés passent entre les mainsd’un second ouvrier qui les palme. Palmer les aiguilles,c’est les prendre quatre à quatre, plus oumoins, de la main gauche, par le bout qui doitfaire la pointe, placé entre le pouce & l’intervallede la troisieme & de la seconde jointure de l’index,de les tenir divergentes, & d’en applatir sur l’enclume l’autre bout. Ce bout fera le cul de l’aiguille.Voyez fig. 4. un ouvrier qui palme : Voyez lamême manœuvre, même Planche figure 16. k est lamain de l’ouvrier palmeur : l sont les aiguilles àpalmer sur l’enclumeau. On conçoit aisément quece petit applatissement fera de la place à la pointede l’instrument qui doit percer l’aiguille : mais pourfaciliter encore cette manœuvre, on tache d’amollirla matiere. Pour cet effet, on passe toutes les aiguilles palmées par le feu, on les laisse refroidir ;& un autre ouvrier tel que celui qu’on voit fig. 2.assis devant un billot à trois piés d, prend un poinçon à percer, l’applique sur une des faces applatiesde l’aiguille, & frappe sur le poinçon ; il en fait autant à l’autre face applatie, & l’aiguille est percée.On voit cette manœuvre séparée, même Planche, figure 15. n est la main de l’ouvrier armée du marteau à percer ; m est l’autre main avec le poinçon.On apperçoit sous le poinçon l’aiguille, & l’aiguilleest posée sur l’enclumeau. On transporte les aiguilles percées sur un bloc de plomb, où un ouvrierqu’on voit fig. 3. ôte à l’aide d’un autre poinçonle petit morceau d’acier qui est resté dans l’œil del’aiguille, & qui le bouche. Cet ouvrier s’appellele troqueur ; & sa manœuvre, troquer les aiguilles. Lesaiguilles troquées passent entre les mains d’un ouvrier qui pratique à la lime cette petite rainurequ’on apperçoit des deux côtés du trou & dans sadirection ; c’est ce qu’on appelle les évider. Quand lesaiguilles sont évidées ; & que la canelle ou la rainureou la railure est faite, & le cul de l’aiguille arrondi,ce qui est encore de l’affaire de l’évideur ; on commence à former la pointe à la lime ; ce qui s’appelle pointer l’aiguille ; & de la même manœuvre,on en forme le corps, ce qui s’appelle dresser l’aiguille. Quand les aiguilles sont pointées & dressées,on les range sur un fer long, plat, étroit & courbépar le bout. Voyez ce fer en p, fig. 13. avec lapince dont on prend ce fer, quand il est chaud.Quand il est tout couvert, on fait rougir sur cefer les aiguilles, à un feu de charbon. Rouges onles faits tomber dans un bassin d’eau froide pour lestremper. C’est cette opération qu’on voit même Pl. fig. 5.c’est la plus délicate de toutes. C’est d’elleque dépend toute la qualité de l’aiguille. Trop dechaleur brûle l’aiguille ; trop peu la laisse molle.Il n’y a point de regle à donner la-dessus. C’est l’expérience qui forme l’œil de l’ouvrier, & qui luifait reconnoître à la couleur de l’aiguille quand ilest temps de la tremper. Après la trempe, se fait lerecuit. Pour recuire les aiguilles, on les met dansune poele de fer, sur un feu plus ou moins fort,selon que les aiguilles sont plus ou moins fortes.L’effet du recuit, est de les empêcher de se casser facilement.Il faut encore avoir ici grande attentionau degré de la chaleur. Trop de chaleur les rendmolles & détruit la trempe ; trop peu, les laisse inflexibles & cassantes. Il arrive aux aiguilles dansla trempe, où elles sont jettées dans l’eau fraîche,de se courber, de se tordre & de se défigurer. C’estpour les redresser & les restituer dans leur premierétat, qu’on les a fait recuire. On les redresse avecle marteau ; cette manœuvre s’appelle dresser les aiguilles de marteau. Il s’agit ensuite de les polir.Pour cet effet, on en prend douze à quinzemille qu’on range en petits tas, les uns auprès desautres, sur un morceau de treillis neuf couvert depoudre d’émeri. Quand elles sont ainsi arrangées,on répand dessus de la poudre d’émeri ; on arrosel’émeri d’huile ; on roule le treillis ; on en fait unespece de bourse oblongue, en le liant fortementpar les deux bouts, & le serrant par tout avec descordes. Voyez fig. 24. les aiguilles rangées sur letreillis, & fig. 12. le treillis roulé & mis en bourse.On prend cette bourse ou ce rouleau ; on le portesur la table à polir ; on place dessus une plancheépaisse, chargée d’un poids & suspendue par deuxcordes. Un ou deux ouvriers font aller & venircette charge sur le rouleau ou la bourse, pendantun jour & demi & même deux jours de suite. Par cemoyen, les aiguilles enduites d’émeri sont continuellement frottées les unes contre les autres selonleur longueur, & se polissent insensiblement. V. cettemanœuvre même Pl. fig. 6. L est la table ; M est laplanche ; n est le poids dont elle est chargée ; oo lescordes qui tiennent le tout suspendu ; p l’ouvrier.On peut polir de plusieurs manieres ; à deux, ouà un : à deux, le poids est suspendu par quatre cordes égales, & la table est horisontale : à un, il n’ya que deux cordes & la table est inclinée. L’ouvrier tire la charge, & la laisse ensuite aller. EnAllemagne, on fait aller ces machines ou d’autressemblables par des moulins à eau. La machinequ’on voit figure 6 s’appelle polissoire ; & son effetest le poliment. Lorsque les aiguilles sont polies,on délie les deux extrémités du rouleau, s’il n’yen avoit qu’un sous la polissoire ; car on peuttrès-bien y en mettre plusieurs. Le rouleau délié ;on jette les aiguilles dans de l’eau chaude & dusavon ; ce mêlange en détache le camboui forméd’huile, de parties d’acier & de parties d’émeridont elles sont enduites ; & cette manœuvre s’appelle lessive. Lorsque les aiguilles sont lessivées ; onprend du son humide, qu’on étale ; on répand lesaiguilles encore humides sur ce son. Elles s’en couvrent,en les remuant un peu. Quand elles en sontchargées, on les jette avec ce son dans une boëteronde qui est suspendue en l’air par une corde &qu’on agite jusqu’à ce qu’on juge que le son, & lesaiguilles sont secs & sans humidité. C’est ce qu’onentend par vanner les aiguilles. Mais il est plus commode d’avoir pour van, une machine telle qu’onla voit fig. 8. même Planche. C’est une boîte abquarrée, traversée par un axe, à une des extrémités duquel est une manivelle qui met en mouvement la boîte, avec le son & les aiguilles qu’ellecontient. Après que les aiguilles sont nettoyées parle van, où on a eu le soin de les faire passer pardeux ou trois sons différens, on les en tire, en ouvrantla porte b du van qui est tenue barrée. On les metdans des vases de bois. On les trie. On sépareles bonnes des mauvaises ; car on se doute bienqu’il y en a un bon nombre dont la pointe ou lecul s’est cassé sous la polissoire & dans le van. Cetriage, & l’action de leur mettre à toutes la pointedu même côté, s’appelle détourner les aiguilles : iln’est plus question que de les empointer, pour lesachever. C’est ce qu’un ouvrier placé comme dansla fig. 7. exécute sur une pierre d’émeri qu’il faittourner comme on voit même fig. tenant la manivelle de la roue d’une main, & roulant la pointede l’aiguille sur la pierre d’émeri qui est en mouvement.Voilà enfin le travail des aiguilles achevé.La derniere manœuvre que nous venons de décrires’appelle l’affinage.

Lorsque les aiguilles sont affinées, on les essuieavec des linges mollets, secs, & plûtôt gras & huilés qu’humides. On en fait des comptes de deux censcinquante qu’on empaquete dans de petits morceauxde papier bleu que l’on plie proprement. De ces petitspaquets on en forme de plus gros qui contiennentjusqu’à cinquante milliers d’aiguilles de différentesqualités & grosseurs ; on les distingue par numero.Celles du numero 1 sont les plus grosses ; les aiguilles vont en diminuant de grosseur jusqu’au numero22, qui marque les plus petites. Les 50 milliers sontdistribués en treize paquets, douze de 4 milliers,& un paquet de deux milliers. Le paquet de quatremilliers est distribué en quatre paquets d’un millier,& le paquet d’un millier en quatre paquets de deuxcens cinquante. Chaque paquet porte le nom & lamarque de l’ouvrier. Le paquet de deux cens cinquante est en gros papier bleu ; les autres en papierblanc ; tous sont encore couverts de gros papiersblancs en six ou sept doubles, qui font leur enveloppecommune : cette enveloppe est bien ficelée ; on larecouvre de deux vessies de cochon qu’on ficelle, &les vessies de cochon, d’une grosse toile d’emballage.Toutes ces précautions sont nécessaires, si l’on neveut pas que les aiguilles se rouillent. Le paquet telque nous venons de le former, est marqué à l’extérieur avec de l’encre, des différens numeros des aiguilles qui y sont contenues.

Ce sont les Merciers & les Aiguilliers-Alèniers qui font le négoce des aiguilles ; il est considérable : on les tire de Rouen & d’Evreux. L’Allemagne en fabrique beaucoup ; il en vient sur-tout d’Aix-la-Chapelle. On n’en fabrique plus guere à Paris ; si on y trouve encore quelques Aiguilliers, ce sont de ceux qui font de grandes aiguilles à broder, pour la tapisserie, pour les métiers à bas ; en un mot des seules sortes qui se font à peu de frais, & qui se vendent cher. Il y a des aiguilles à tapisserie qu’on vend jusqu’à six sols la piece. Il n’étoit guere possible qu’une Communauté d’ouvriers fabriquant l’aiguille à coudre, qui demande tant de préparations, & qui se donne à si bon marché, se formât & se soûtînt dans une ville capitale où les vivres sont chers, à moins qu’elle n’en eût eu le privilége exclusif : mais il me semble qu’il n’y a qu’un seul cas où les priviléges exclusifs puissent être accordés sans injustice ; c’est celui ou c’est l’inventeur d’une chose utile qui le demande. Il faut récompenser les inventeurs, afin d’exciter entre les sujets d’un état l’esprit de recherche & d’invention : mais accorder à une Compagnie le privilége exclusif de la fabrication d’un ouvrage que beaucoup de gens peuvent faire, c’est vouloir que cet ouvrage, au lieu de se perfectionner, aille toûjours en dégénérant, & soit toûjours vendu plus cher ; le fabriquant privilégié sûr de vendre, met à ce qu’il fait le moins d’étoffe & de perfection qu’il peut ; & le Marchand est contraint d’acheter sans mot dire. Dans l’impossibilité de se mieux pourvoir ailleurs, il faut qu’il se contente de ce qu’il trouve.

Les aiguilles à Tailleur se distribuent en aiguilles à boutons, à galons, & à boutonnieres, & en aiguilles à rabattre, à coudre, & à rentraire. L’aiguille dont le Tailleur se sert pour coudre, rentraire, & rabattre, est la même : mais entre les Tailleurs, les uns font ces manœuvres avec une aiguille fine, les autres avec une aiguille un peu plus grosse. Il en est de même des aiguilles à boutons, à galons, & à boutonnieres ; il ne seroit pourtant pas mal de prendre l’aiguille à boutons & à galons, un peu plus forte que l’aiguille à boutonnieres, parce qu’elle a plus de résistance à vaincre.

Les Chirurgiens se servent d’aiguilles ordinaires pour coudre les bandes, & autres pieces d’appareils. Il y en a de particulieres pour différentes opérations. On se sert d’aiguilles pour la réunion des plaies & pour la ligature des vaisseaux. Ces aiguilles sont courbes (V. les figures 6 & 7. Pl. III.) on y considere trois parties, la tête, le corps, & la pointe. La tête doit avoir moins de volume que le corps ; elle est percée d’une ouverture longuette entre deux rainures latérales plus ou moins profondes, suivant la dimension de l’aiguille. L’usage de ces rainures est de contenir une partie des fils qui traversent l’œil, afin qu’ils passent facilement dans les chairs. Les rainures & l’œil doivent se trouver du côté des tranchans. Le corps de l’aiguille commence où finissent les rainures ; il doit être rond, & commencer un triangle en approchant de la pointe. La pointe est la partie la plus large de l’aiguille : elle doit en comprendre le tiers. Elle forme un triangle dont la base est plate en-dehors ; les angles qui terminent cette surface sont tranchans, & par conséquent très-aigus. Le commencement de cette pointe est large, & diminue insensiblement jusqu’à l’extrémité qui doit être assez fine pour faire le moins de douleur qu’il est possible, mais en même tems assez solide pour ne point s’émousser en perçant le tissu de la peau. La base du triangle dont nous avons parlé forme le dos ou la convexité de l’aiguille ; la surface concave est double : ce sont deux biseaux séparés par une vive arrête. Par cette construction, le corps & la tête armée des fils passent facilement par l’ouverture que la pointe a faite ; & le Chirurgien ne risque point de se blesser, le corps de l’aiguille n’étant point tranchant ; condition que la plûpart des Couteliers négligent. La courbure mal faite donne une grande imperfection aux aiguilles ; & cette imperfection est commune. Il ne faut pas que la courbure soit particulierement affectée à la pointe ; tout le corps de l’aiguille doit contribuer à former un arc ; car l’aiguille en pénétrant à une certaine distance d’une levre de la plaie pour passer par son fond, & sortir à pareille distance de l’autre levre, doit décrire une ligne courbe dans toute son étendue ; & si toute l’aiguille ne contribue pas également à la formation de sa courbure, l’opération sera très-douloureuse, & sujette à accidens ; parce que la tête & le corps formant une ligne droite, ne pourroient traverser les chairs qu’en froissant considérablement le passage. Il y a des aiguilles de différentes grandeurs & de différens degrés de courbure, selon la profondeur des plaies ; on proportionne toûjours le volume du fil à celui des aiguilles, comme l’aiguille à la plaie. Voyez Plaie.

Les aiguilles pour la suture des tendons (Voyez fig. 8. Pl. III.) ont le corps rond ; la pointe ne coupe point sur les côtés : elles sont plates par cette extrémité où il n’y a qu’un tranchant dans la concavité, la partie convexe étant arrondie & mousse ; cette construction a été imaginée pour que l’aiguille ne fasse qu’écarter les fibres tendineuses qui sont disposées parallelement. L’œil de cette aiguille doit par la même raison répondre à son tranchant & à son dos, afin que le fil passe plus facilement, & n’écarte pas la plaie. Les habiles Chirurgiens ne se servent pas de suture pour la réunion des tendons, ce qui supprime l’usage de ces aiguilles. Voyez Plaie des tendons.

Les aiguilles pour le bec de lievre (fig. 9. Pl. III.) sont toutes droites ; leur corps est exactement cylindrique, & elles n’ont point d’œil. Leur pointe est applatie, tranchante sur les côtés, & a la forme d’une langue de vipere, afin de couper en perçant, & de faire une voie large au reste de l’aiguille. Quelques Praticiens veulent que ces aiguilles soient d’or, pour ne se point rouiller dans la plaie.

M. Petit a imaginé des épingles d’or ou d’argent à deux têtes pour l’opération du bec de lievre. (fig. 11. Pl. III.) Les aiguilles qui sont destinées à les conduire sont en forme de lardoires. (fig. 10. Pl. III.) Leur corps est cylindrique ; leur tête est fendue pour loger une extrémité des épingles : la pointe est un peu courbe, triangulaire, & tranchante sur les côtés. Voyez Bec de lièvre.

Il y a une aiguille particuliere pour la ligature de l’artere intercostale. On en doit l’invention à M. Goulard, Chirurgien de Montpellier, & de la Société Royale des Sciences de cette ville. Elle ressemble à une petite algalie ; sa tête est en plaque, son corps qui a trois pouces de longueur, est cylindrique : sa pointe qui est tranchante sur les côtés, & percée de deux trous, est à l’extrémité d’un demi-cercle capable d’embrasser une côte. Il y a une rainure sur la convexité pour loger les fils. Nous parlerons de ce moyen en parlant de la ligature de l’artere intercostale.

Les aiguilles à abattre la cataracte (fig. 12. Planche XXIII.) sont montées sur un manche d’ivoire, de bois, ou de métal, de trois pouces de long : elles sont droites, & la pointe est à langue de serpent bien tranchante. Il faut en avoir qui aient une petite rainure le long de leur corps pour conduire une lancette en cas de besoin. Ces aiguilles doivent être d’un acier bien pur & bien trempé ; leur longueur au-delà du manche est d’un pouce trois ou quatre lignes ; le manche peut leur servir d’étui. Voyez Cataracte.

L’aiguille à anevrisme (fig. 18. Pl. III.) a le corps cylindrique, sa tête est une petite palette qui sert à la tenir avec plus de sûreté ; sa courbure est grande, & forme une panse pour donner plus de jeu à l’instrument. La pointe au lieu d’être triangulaire, commeaux autres aiguilles, est un cylindre applati dontles côtés sont obtus. L’extrémité de la pointe ne pique point ; elle a un œil à quelques lignes de sa pointe.On trouve une aiguille de cette forme, mais unpeu plus matérielle, dans Ambroise Paré à l’articledu point doré pour les hernies. Je n’ai pas pû découvrirà qui l’on devoit la perfection & l’application de cetinstrument à l’opération de l’anevrisme. Saviard,Obs. 7. décrit cette aiguille dans l’appareil préparépour l’opération d’un anevrisme en 1691, & en parlecomme d’un instrument d’usage ordinaire. Voyez Anévrisme.

M. Petit a imaginé une aiguille pour l’anevrisme(Pl. XIX. fig. 3.) elle est plate, large, & un peucourbée en S. Elle a vers sa pointe qui est moussedeux ouvertures dans lesquelles on fait passer lesdeux bouts d’un ruban composé de trois ou quatrebrins de fil. Lorsque cette aiguille est passée sous l’artere ; on coupe l’anse du fil qu’elle portoit, & les deuxbouts se trouvent d’un seul coup d’aiguille placésaux endroits où il faut faire la ligature. Cette aiguilleconvient aux anevrismes faux ; on ne peut pas s’enservir aux anevrismes par dilatation, parce qu’il faudroit que la pointe de cette aiguille fût plus large quela poche, afin de porter d’un seul coup les fils au lieuoù il le faut ; & en outre il faudroit autant d’aiguillesqu’il peut y avoir de degrés différens de dilatation.

Il y a une aiguille pour l’opération de la fistule à l’anus ;(Pl. XXVI. fig. 13.) cette aiguille doit être d’un argent mou & fort pliant : elle est longue de sept pouces,épaisse d’une demi-ligne, large de deux lignes àl’endroit de sa tête, & diminuant doucement pour seterminer en pointe. Il y a une ouverture ou chas desept lignes de longueur à la tête de cet instrument ;& on pratique sur une de ses surfaces une rainure quicommence à quelques lignes de son ouverture, & finit à quelques lignes de sa pointe. L’ouverture sert encas de besoin à passer un séton, & la rainure à conduire un bistouri pour ouvrir un sinus, si on le jugeà propos.

Il faut aussi que le Chirurgien porte dans son étuiune aiguille à sétons. Je ne désigne pas par-là un mauvais instrument piquant & tranchant en forme de carrelet,pour percer la peau dans l’opération du séton,mais j’entends un stylet d’argent boutonné par une deses extrémités, & avant à l’autre un œil ou chas propre à porter une bandelette de linge effilée qu’onnomme séton, pour entretenir la communication dedeux plaies. Voyez Séton & Opération du séton.

Comme il peut se trouver des plaies qui percentla cuisse de part en part, il faut que le Chirurgien aitune aiguille fort longue ; on la fait de deux piecesqui ont chacune environ cinq pouces de longueur.Une de ces pieces peut être appellée mâle, & l’autrefemelle : celle-là a son extrémité antérieure boutonnée,& son autre extrémité est en vis. La piece femelle a un écrou dans son extrémité antérieure, &un œil ou chas à son autre bout qui sert de tête àl’instrument. (Y)

* Ce sont les Couteliers qui font ces aiguilles ; elles se forgent, s’émoulent, & se polissent comme lesautres ouvrages de ces ouvriers. Voyez l’article Coutelier.

Aiguille, instrument de blanchisseurs de cire ;c’est un morceau de fer long dont ils se servent pourdéboucher les trous de la greloüoire, lorsque la cires’y arrête.

Aiguille, terme & outil de Guainier ; cette aiguilleest de la longueur d’un pouce ; elle se met dans le porte-aiguille,& sert à l’ouvrier à faire les trous dansses ouvrages pour y poser les petits clous d’ornement.Du reste elle n’a rien de particulier dans sa forme,sinon que pointue par un bout, comme la plûpartdes autres aiguilles, elle n’est pas ouverte ou percéepar l’autre.

Il y a une petite aiguille de Gantier qui n’est proprement,ni à cul rond, ni à cul long, mais dont lapointe est en tiers point ; de maniere pourtant qu’unedes faces est plus large que les deux autres. La raisonde cette forme, c’est que cette aiguille destinée àcoudre des peaux extrèmement fines, qui doiventêtre cousues à points imperceptibles, étant faite proprement en langue, fend plûtôt ces peaux qu’elle n’yfait des trous, & permet une couture si fine qu’on leveut.

Aiguille à tête ou à cheveux ; c’est un morceaud’acier, fer, léton, argent, or, &c. poli & menu,de quatre pouces de longueur, ou environ, dont lesfemmes se servent pour arranger leurs cheveuxquand elles se coëffent. Ces aiguilles ont la tête plate& percée en longueur, & la pointe peu piquante. Iln’est pas nécessaire de rendre raison de cette forme.

Aiguille à réseau ; c’est un morceau de fer fendupar les deux extrémités, dont on se sert pour faireles réseaux sur lesquels les Perruquiers appliquent lestresses de cheveux pour monter leurs perruques. V.Réseau.

Aiguille à emballer, grosse aiguille de fer ou d’acier,longue de cinq ou six pouces, ronde par la tête,tranchante & à trois quarres par la pointe.

Aiguille à matelas, autre espece d’aiguille dedouze ou quinze pouces de longueur ; les Tapissierss’en servent pour piquer de ficelle leurs matelas, &autres ouvrages.

Aiguille à empointer ; especes de carrelets assezlongs dont les Marchands se servent pour arrêteravec du gros fil ou de la ficelle les plis des pieces d’étoffe.

Aiguille servant à faire les filets ou reseaux de ficelle, corde, cordonet, & dont on se sert pour pêcher, chasser, & fermer les baies des jeux de paulme, est pourles grands ouvrages à mailles larges, une piece debois, & pour les petits une piece de fer terminée enpointe obtuse par une de ses extrémités A (fig. 1. Planche du Paumier.) & par l’autre en fourchette surlaquelle on monte la ficelle ou le fil dont le filet doitêtre composé. Cette aiguille a une ouverture vers sapointe dont les deux tiers sont occupés par une languette cylindrique qui se termine en pointe. Cettelanguette doit être dans le même plan que l’aiguillequi est plate. On attache en D extrémité inférieurede la languette un bout de la ficelle dont on veutgarnir l’aiguille. Cette ficelle ainsi attachée est conduite dans la fourchette C, & revient par l’autrecôté de l’aiguille embrasser la languette B ; elle retourne ensuite dans la fourchette d’où elle revientencore embrasser la languette, mais du côté opposéà son premier tour, ainsi de suite jusqu’à ce que l’aiguille en soit suffisamment garnie. Voyez à l’articleFilet l’usage de cette aiguille & comment on fabrique les filets par son moyen.

Aiguille, chez les Piqueurs d’étuis, de tabatieres,&c. est une espece de petit poinçon dont on se sertpour forer les pieces qu’on veut piquer. Elle est troppetite pour être tenue entre les doigts ; c’est pour celaqu’elle est montée sur une espece de manche ou porte-aiguille.Si la matiere à piquer est dure, on supplée àl’aiguille par le foret ou le perçoir. Voyez Perçoir.

Aiguille à Sellier ; c’est une aiguille à quatrequarres, dont les Selliers se servent pour coudre leursouvrages ; on l’appelle aussi carrelet à cause de sa figure qui est quarrée : il y en a de grosses, de moyennes & de fines, suivant la délicatesse de l’ouvrageauquel on veut les employer.

Aiguille de chasse, morceau de fer (N fig. 11. Planche de Draperie.) ouvert d’un côté, d’un pié delongueur, & tarodé de l’autre de la même longueur, servant à soûtenir la chasse ou le battant des métiersde draps, à la hausser ou baisser, avancer ou reculersuivant le besoin. Les lames des chasses C sont insérées dans l’ouverture de l’aiguille & arrêtées avecdeux ou trois vis à écrou. La partie tarodée Y del’aiguille passe dans une ouverture de la traverse Bdu métier qui arrête le pié de devant & celui de derriere.Il y a dans cette traverse une ouverture de lalongueur d’un pié sur dix-huit lignes de largeur ; &sur cette traverse sont attachées deux tringles de ferdentelées xx de même longueur, & posées chacunele long de l’ouverture. Une piece de fer vv faite encoûteau & ouverte dans le milieu reçoit par son ouverture la partie tarodée de l’aiguille, est posée surles deux tringles xx appellées cramailleres, & formeavec l’aiguille une espece de croix. Au-dessus de lapiece vv est un écrou à oreilles appellé le poulet, quireçoit la partie tarodée de l’aiguille. Le poulet sert àhausser ou baisser la chasse ; & la piece de fer quiforme la croix & qui soûtient la chasse a encore laliberté d’avancer ou reculer sur les cramailleres, &d’entraîner avec elle la chasse qui avance ou reculeen même tems. On verra à l’article Draperie la nécessité d’avancer ou reculer, hausser ou baisser lachasse.

Aiguille à meche ; c’est dans la fabrique des chandelles mouléesun fil de fer long d’un pié, recourbé parun bout & en anneau par l’autre bout. On le fait entrer dans le moule par l’ouverture d’en-haut, le crochet ou bout recourbé tourné vers l’ouverture d’enbas ; on passe dans le crochet la boucle d’un nœudcoulant qui tient à la meche, & qui par cette raisons’appelle fil à meche. En tirant l’aiguille on entrainela meche qui suit le fil à meche ; on attache le fil àmeche au culot du moule ; cela fait, on prend l’autreextrémité de la meche qui est restée hors du moule& qui excede l’ouverture d’en-bas ; on la tire fermeavec les doigts afin de tenir la meche droite, tendue& au centre du moule. Voyez Moule, Chandelle moulée, Culot. Les Chandeliers ont encore uneautre aiguille qu’ils appellent aiguille à enfiler. Elleest longue d’un pié ou environ ; ils s’en servent pourmettre la chandelle par livres : ils enfilent le nombrede chandelles qui doit former ce poids, puis avec unmorceau de fil dont l’aiguille à enfiler est garnie, ilsattachent ensemble ces chandelles. On appelle pennesles morceaux de fil qui sont employés à cet usage parles Chandeliers ; ils les achetent des Tisserands. Cesont des bouts de chaînes qu’on ne peut travailler, &qui restent quand on leve les pieces entre le battant& l’ensuple de derriere.

Aiguille à presser, espece de grosse aiguille de ferlongue de quelques pouces & triangulaire par sapointe. Les ouvriers en tapisserie s’en servent pourarranger, séparer ou presser leurs soies ou leurs laines après qu’ils les ont placées entre les fils de lachaine, afin de former plus parfaitement les contoursdu dessein. Voyez fig. 5. Planche de tapisserie de haute-lisse.Il est évident que sa pointe triangulaire & sesangles rendent cette aiguille beaucoup plus propre àces usages que si elle étoit ronde.

Aiguille, (Hydraul.) est une piece de bois arrondie,assez menue, & longue de six piés, retenueen tête par la brise, & portant par le pié sur le seuild’un pertuis. Cette piece sert, en la fermant, à fairehausser l’eau. (K)

Aiguille, (Fauconnerie.) maladie des faucons,causée par de petits vers courts qui s’engendrent dansleur chair. Ces vers sont plus petits & plus dangereux que les filandres.

Aiguille ; (Chasse.) on tuoit autrefois les loupsavec des aiguilles : on en avoit deux ; elles étoientpointues par les deux bouts ; on les mettoit en croix,& on les attachoit l’une sur l’autre avec un crin decheval, qui tendoit à les séparer. On les replioit aveceffort, pour les enfoncer dans un morceau de viande.On exposoit aux loups cette viande ainsi préparée ; les loups avaloient les aiguilles & la viande goulument ; & quand la viande étoit digérée, les aiguilles reprenant leur premiere situation, en vertu del’effort du crin de cheval, revenoient en croix, piquoient les intestins, & faisoient mourir ces animaux.

Aiguilles, sont aussi des fils ou lardons que lesvalets de chiens pour sanglier, doivent porter pourpanser & recoudre les chiens que les défenses du sanglier auront blessés.

AIGUILLER la soie, en terme de Manufacture, c’est se servir de poinçons d’aiguilles, & autres instrumens de cette nature, pour nettoyer la soie sur l’asple ou hors de l’asple. Cette manœuvre est expressément défendue par l’article 17 du règlement de Piémont, sous peine de dix livres d’amende ; &c c’est avec juste raison : la soie sur l’asple s’érailleroit & se détordroit par le poinçon ; hors de l’asple ce seroit encore pis, parce qu’elle est sèche. D’ailleurs, ce besoin d’aiguiller la soie marque qu’on n’a pas pris les précautions nécessaires, soit dans la séparation des cocons, soit dans leur séjour dans la bassine, pour en tirer une soie pure & nette.

Aiguille à tricoter ; ce sont des fils de fer ou de laiton, longs, menus, polis, & arrondis par les bouts, qui servent à tricoter des bas, des gants, & autres ouvrages de cette nature, soit en fil, soit en laine.

Aiguilles d’ensuple ; les aiguilles d’ensuple ne sont autre chose que des pointes d’aiguilles ordinaires qu’on casse pour l’usage qui fuit. Dans les manufactures d’ouvrages en soie, si vous appuyez votre main sur l’ensuple de devant des métiers à velours ciselés & à petits velours, vous vous sentirez piquer d’une multitude de petites pointes. Ce sont des bouts d’aiguilles cassées qui sont fichés dans l’ensuple, la partie aiguë en haut. Ils sont placés sur quatre bandes différentes, & il y en a trois rangées sur chaque bande. Ils débordent au-dessus de la surface de l’ensuple d’une ligne ou environ. Leur usage est d’arrêter les velours ciselés & les petits velours à mesure qu’on les fabrique, & de contribuer en même tems à la tension qui convient à la chaîne. Les ensuples des velours unis ont été très-long-tems garnies de bouts d’aiguilles, ainsi que les ensuples des velours ciselés, & celles des petits velours, qu’on appelle communément velours de Hollande. Mais on conçoit facilement que ces petites pointes passant à travers l’étoffe, la percent d’une infinité de trous, & que l’étoffe étant tendue & tirée, ces petits trous sont encore aggrandis par cette action ; aussi l’ouvrage regardé au jour au sortir de dessus l’ensuple, en paroît-il criblé. On conçoit encore que ce doit être un inconvénient considérable pour des fabriquans qui se piquent de mettre dans leurs ouvrages la derniere perfection. On a beaucoup cherché le moyen d’y remédier, & l’on désespérois presque de le découvrir, lorsqu’on inventa l’entacage. Il n’y a point d’embarras pour les étoffes qui peuvent être roulées fortement sur elles-mêmes sans se gâter. Mais il n’en est pas ainsi des velours : si on les rouloit fortement, dès le commencement du second tour l’envers se trouveroit appliqué & serré sur le poil, qui en seroit écrasé. Voilà ce qui a fait imaginer les aiguilles. Elles tiennent l’ouvrage également tendu dans toute sa largeur ; mais elles le piquent, & ne satisfont qu’à la moitié de ce qu’on souhaite. De quoi s’agissoit-il donc quand on cherchoit l’entacage ? de trouver une machine qui se plaçat & se déplaçât en peu de tems, & qui tînt l’ouvrage tendu également dans fa longueur & fa largeur, sans le piquer en dessous & sans le froisser en dessus. Il n’y aque la seconde partie de ce probleme qui soit résolue par l’entacage, car il faut trop de tems pour entaquer& desantaquer. C’est par cette raison principalement qu’on ne s’en sert point dans les ouvrages oùla fassure, c’est-à-dire la plus grande quantité d’étoffeque l’ouvrier puisse fabriquer sans tourner l’ensuple& sans enrouler, est très-petite ; c’est le cas des velours ciselés & des petits velours. La tire fatigueroittrop la chaîne, si la fassure étoit longue dans les velours ciselés ; d’ailleurs comme ce genre d’étoffe esttrès-fourni, les piquûres des aiguilles n’y font pasgrand dommage. Dans les petits velours la chaineest trop fine, pour que la fassure puisse être longue.Il faut donc dans ces deux sortes de velours, tourner fréquemment, & par conséquent s’en tenir auxaiguilles, quoiqu’elles doivent rendre le travail despetits velours fort délicat. L’entacage n’a donc chasséles pointes que de l’ensuple des velours unis, dontl’ouvrier ne fabriquant qu’environ deux fassures parjour, ne desantaque qu’une fois ou deux. Reste doncun beau problème à proposer aux Méchaniciens, &surtout à l’habile Académicien M. de Vaucanson, àqui ces objets sont si connus, & qui s’est déja immortalisé par tant de machines délicates. Ce problème consiste à trouver une machine appliquable àtout genre d’étoffe en général, qui ne la pique pointen dessous, qui ne la froisse point en dessus, & quisoit telle encore que l’ouvrier puisse changer souvent de fassure sans perdre beaucoup de tems. Ceuxqui chercheront cette machine, trouveront plus dedifficulté à la trouver qu’elle n’en présente d’abord.

Aiguilles à Brodeur. Les Brodeurs ont trois sortes d’aiguilles au moins ; les aiguilles à passer, lesaiguilles à soie, & les aiguilles à frisure, L’aiguilleà passer l’or & l’argent differe de l’aiguille à coudreen ce qu’elle a le trou oblong, au lieu que celle àTailleur ou à coudre l’a quarré. Comme il faut effiler l’or pour enfiler cette aiguille, & que quand l’orest effilé il ne reste plus qu’une soie plate, il étoit nécessaire que l’aiguille à passer eût l’œil oblong. L’aiguilleà soie est plus menue que l’aiguille à passer, &son œil est aussi très-oblong. L’aiguille à frisure s’enfilant d’une soie extremement fine, est encore pluspetite que l’aiguille à soie, & a l’œil encore plus oblong :son œil est une petite fente imperceptible. L’aiguilleà enlever s’enfile de ficelle ou de fil, & a lecul rond comme celle du Tailleur. Outre les nomsque nous venons de donner à ces aiguilles, celle àenlever s’appelle encore aiguille à lisiere ; & celle àfrisure, aiguille à bouillon.

Les aiguilles à faire le point sont comme les aiguilles à passer, mais extrèmement menues.

Les aiguilles à tapisserie sont grosses, fortes, & ontl’œil extrèmement large & long, sur-tout quandelles sont à tapisserie en laine.

Aiguilles de métier à bas ou de Bonnetier. Ces aiguilles sont plates par un bout, aiguës & recourbéespar l’autre. La partie recourbée & aigue trouve,quand on la presse, une petite chasse pratiquée dansle corps de l’aiguille où elle peut se cacher. Voyez Planches d’Aiguillier-Bonnetier, fig. 7. 1. est la queuede l’aiguille, 2. sa tête, 3. son bec, 4. 5. sa chasse.Voici la maniere dont on fabrique cette aiguille. Ona du fil d’acier fort élastique & fort doux : comme lefil d’acier nous vient des trifileries en paquets roulés,il s’agit d’abord de le redresser : pour cet effet,on le fait passer à plusieurs reprises entre des clousd’épingles plantés perpendiculairement & à la distance convenable sur une planche où on les voit par rangées.La fig. 1. Plan. de l’Aiguiller-Bonnetier est l’engin.La planche est percée de deux trous, 1. 2. à sesextrémités, pour pouvoir être fixée par des vis, 34.34. 34. sont les clous d’épingles fichés sur la planche.56. est le fil d’acier passé entre ces clous d’épingles.Quand le fil d’acier est redressé, on le coupepar morceaux de la longueur que doit avoir l’aiguille.On prend chacun de ces morceaux & on lesaiguise en pointe avec une lime rude ; ce qui s’appelle ébaucher. On n’a que faire de dire que cettepointe formera le bec de l’aiguille. On prend l’aiguille ébauchée ; on a une espece de gaufrier chaud ;on insere dans ce gaufrier le bec de l’aiguille : cettemanœuvre, qu’on appelle donner le recuit, détrempel’aiguille & la rend moins cassante. Quand elle estrecuite, elle se perce à l’étau. L’étau dont on se sertpour percer l’aiguille est une machine très-ingénieuse :sa queue A, en forme de pyramide, fig. 3. s’enfonce comme celle d’un tas d’Orfevre dans un billotde bois : son corps B a un rebord a, a, a, qui empêche l’étau d’enfoncer dans le billot. Ses deux mâchoires laissent entr’elles une ouverture quarrée F,dans laquelle on place une piece quarrée G. On doitremarquer à cette piece quarrée G, qui s’appellebille, une rainure 1. 2. assez profonde. C’est danscette rainure qu’est reçûe l’aiguille dont on veut fairela chasse ou qu’on veut percer. Imaginez la bille Gplacée dans le quarré F, sa rainure tournée vers l’ouverture n. Tournez la vis E ; l’extrémité de cette visappuiera sur la bille, la pressera latéralement, & l’empêchera de sortir par le côté qu’elle est entrée. Labille ne pourra pas non plus sortir par le côté duquarré F opposé à son entrée, parce qu’on l’a fait unpeu plus étroit ; en sorte que cette bille G entre enfaçon de coin dans ce quarré F. On a pratiqué l’ouverture n à la mâchoire courbe de l’étau, perpendiculairement au-dessus de la rainure 1. 2. de la billeG, & par conséquent de l’aiguille qu’il faut y supposer placée. Tournez la piece c, afin que l’aiguillequi s’insere dans la rainure par le côté opposé de labille, ne s’y insere que d’une certaine quantité déterminée,& que toutes les aiguilles soient percées àla même distance du bec. Assemblez maintenant avecle corps de l’étau la piece H, au moyen des trois vis1. 2. 3. qui fixent cette piece sur les deux mâchoires.Vous voyez dans le plan supérieur de cette piece Hune ouverture m ; que cette ouverture correspondeencore perpendiculairement à l’ouverture n & à larainure 1. 2. de la bille G : cela supposé il est évidentqu’un poinçon kl, qui passeroit juste par l’ouverturem, par l’ouverture n, rencontreroit la rainure 1. 2.de la bille G, & par conséquent l’aiguille qui y estlogée. Soit l’extrémité tranchante de ce poinçon, correspondante à la rainure & au milieu de l’aiguille ;frappez un coup de marteau sur la tête k de cepoinçon, il est évident que son extrémité 4. tranchante,ouvrira ou plûtôt s’imprimera dans l’aiguille.C’est cette empreinte qu’on appelle chasse ; & l’aiguille au sortir de cet instrument ou étau, est dite aiguille percée, quoique dans le vrai elle ne soit quecreusée, & non ouverte d’outre en outre.

Cet étau est très-bon : mais il y en a un plus simple de l’invention du sieur Barat, le premier faiseurde métier à bas qu’il y ait à Paris, & qu’il y aurapeut-être jamais. Voyez Planche 8. du métier à bas, fig. 1.ABCD est un étau fixé sur un établi : E estl’extrémité du poinçon. 1. 2. 3. 4. 5. 6. fig. 2. est sapartie inférieure. K, fig. 3. est la bille à laquelle onvoit plusieurs rainures, afin qu’elle puisse servir àpercer plusieurs sortes d’aiguilles. Fig. 4. L, est uneplaque qui s’ajuste par le moyen des vis mn, dansl’endroit de la partie inférieure de l’étau chifré 5. 6.4. 7. Imaginez donc la partie inférieure 1. 2. 3. 4.fig. 2. couverte de sa supérieure, comme on voit enA B C D, fig. 1. Imaginez la bille K, fig. 3. placéedans le quarré 8. 3. 6. 4. Imaginez la plaque L, figure 4fixée en 5. & 7. fig. 2. par les vis mn. Imaginez la grande vis à écrou à oreille, fig. 5 passéedans l’ouverture S de la plaque, fig. 4 & dans le trou6. du dessous de l’étau fig. 2 l’écrou de la grande visfig. 5 se trouvera appliqué sur le milieu de la plaque qui fixera la bille dans le quarré 8. 3. 6. 4. fig. 2l’aiguille à percer fig. 6. s’inserera en G fig. 1. dansla rainure de la bille, & ne pourra s’avancer danscette rainure qu’autant que le lui permettra l’extrémité de la grande vis qui est percée d’un petit troudans lequel l’extrémité de l’aiguille est reçûe. Lepoinçon fig. 7. entrant exactement par l’ouverture1. 2. rencontrera avec son tranchant l’aiguille ; & s’ilest frappé il y formera une chasse.

On n’a qu’à choisir de ces deux machines cellequ’on voudra ; elles percent les aiguilles égalementbien : mais la derniere est la plus simple. Quand l’aiguille est percée, on l’adoucit à la lime, & on l’applatit un peu à l’endroit de la chasse : quand elle estadoucie on la polit. Pour la polir, on l’enferme avecun grand nombre d’autres dans un morceau de treillis,& l’on procede comme pour polir l’aiguille àcoudre ou à Tailleur. Voyez Aiguille à coudre ou à Tailleur. On la savonne de même ; on la seche : pourla sécher, on en prend un grand nombre qu’on metavec du son & de la mie de pain dans le moulin. Lemoulin est une boite ronde & cylindrique, traverséepar un arbre, qui est la seule piece de cette machinequi mérite d’être considérée. Voyez fig. 8. le moulin, & fig. 6. son arbre. Cet arbre est traversé de bâtonsqui servent à sasser & vanner les aiguilles, pendantque le corps du moulin tourne sur lui-même. On plieles aiguilles au sortir du moulin : on a pour cet effetun outil appellé plioir, qu’on voit fig. 5. c’est uneplaque de fer pliée en double, de maniere que lescôtes AB, CD, soient bien paralleles. On inseredans le pli la pointe d’une aiguille IKL on tournele plioir qu’on tient par la partie EFGH, qui luisert de manche : on tient l’aiguille ferme ; par cemoyen sa pointe se plie en K ; & il est évident qu’uneautre aiguille se pliera de la même quantité. On faitle bec ou le crochet, en saisissant avec une tenaillel’extrémité de l’aiguille, & en la contournant commeon voit figure 7. de maniere que l’extrémité aiguepuisse se cacher dans la chasse. Après que le bec estfait, on palme : palmer, c’est applatir dans le plandu corps du bec sur un tas l’extrémité de l’aiguillequi doit être prise dans le plomb à aiguille. VoyezPlomb à aiguille. Enfin on les jauge, & c’est laderniere façon. On voit fig. 4. la jauge. C’est uneplaque mince d’acier ou de fer, percée de trousronds, & fendue par les bords de fentes de différentes largeurs, mais qui vont toutes jusqu’au trou. Onplace la tête d’une aiguille dans un de ces trous, &on la fait ensuite sortir par une des fentes : il est évidentque si l’aiguille a plus de diametre que la fente,elle ne passera pas. On présente successivement lamême aiguille à différentes sentes, en allant de laplus étroite à la plus large, & la fente par laquelleelle sort marque son numero ou sa grosseur.

Ces numeros commencent à 22. & continuent jusqu’à26. inclusivement : ils reprennent à 28. il n’y apoint d’aiguilles du 29. il y en a du 30. du 40. pointdes numeros intermédiaires : il y en a quelquefois du25. mais rarement. Voyez à l’article Bas au métier la raison de ces numeros & de leurs sauts. Il est ordonnépar le Reglement du 30. Mars 1700. que pour lesouvrages de soie chaque plomb portera trois aiguilles ; & que pour les ouvrages de laine, de fil, decoton, de poil de castor, chaque plomb en porteradeux : quant à l’usage de ces aiguilles, Voyez aussil’article Bas au métier & les planches.

Aiguilles à Perruquier ; ce sont des aiguillestrès-fortes, aiguës par un bout, percées par l’autre,& beaucoup plus longues que les aiguilles ordinaires. Les Perruquiers s’en servent pour monterles perruques.

Les Aiguilles passe-grosses ou passe-très-grosses,n’ont rien de particulier que ce nom qu’on leur adonné parce qu’elles ne sont point comprises dans lesnumeros qui désignent les différentes grosseurs desautres aiguilles.

Les Aiguilles à ficelle sont encore plus grossesque les précédentes ; elles portent trois pouces delong : leur nom indique leur usage.

On donne aussi le nom d’aiguille à cette partie dufléau d’une balance, qui s’eleve perpendiculairement sur son milieu, & qui par son inclinaison del’un ou de l’autre côté de la fourchette, indiquel’inégalité de pesanteur des choses mises sur les plateaux,ou qui par son repos & son parallélisme auxbranches de la fourchette, indique équilibre ou égalitéde poids entre les choses pesées. La romaine adeux aiguilles qui ont la même fonction ; l’une endessus de la broche qui porte la garde forte, & l’autre au-dessus de celle qui porte la garde foible.

Aiguilles de l’éperon. C’est la partie de l’éperond’un vaisseau, qui est comprise entre la gorgere &les portes-vergues, c’est-à-dire la partie qui fait unegrande saillie en mer. Voyez Fleche, & la fig. marine, Planche IV. n°. 184. & Planche V. fig. 2.

Les aiguilles sont deux pieces de bois qu’on proportionne au relevement qu’ont les préceintes, pourles y joindre bien juste, & leur donner en mêmetems une belle rondeur, afin que l’éperon ne baissepas, & ne paroisse pas comme se détacher du bâtiment,ce qui est extrèmement laid. On place la frise entre les deux aiguilles. L’aiguille inférieure d’unvaisseau de 134 piés de long de l’étrave à l’étambord,doit avoir 22 piés de long, 17 pouces de large,& 14 pouces d’épaisseur à son arriere, c’est-à-direau bout qui joint l’avant du vaisseau. Sa courbure doit être de plus de 20 pouces pour donnerplus de grace. A 5 piés de son arriere l’aiguille doitavoir 12 pouces de large ; à 9 piés, elle doit avoir11 pouces ; & à 2 piés de son extrèmité, au bout dedevant, elle n’a que 5 pouces, c’est-à-dire en sondessus. L’aiguille supérieure est moins forte que l’inférieure,elle doit avoir un pié de large à son arriere,& 5 pouces en avant ; son épaisseur doit être de 12pouces à son arriere, & 9 en devart. (Z)

Aiguilles de tré ou de trévier. Ce sont les aiguilles dont on se sert pour coudre les voiles. Il y en ade trois sortes ; aiguilles de couture : aiguilles à œillets,c’est pour faire des boucles de certaines cordesqu’on appelle bagues, & les appliquer sur des trousqu’on appelle œillets, où l’on passe des garcettes ;aiguilles de ralingue doubles & simples, c’est-à-direpour coudre & appliquer ces cordes qu’on emploiepour servir d’ourlet aux voiles. (Z)

Aiguilles. Ce sont, dans les Manufactures ensoie, des filets de plomb de 10 à 11 pouces de longueur,du poids de deux onces, attachés aux mailles de corps pour tenir les cordes de sample & derame tendues, & la soie de la chaîne baissée. Il y ades aiguilles de demi-once, plus ou moins, dans lesmétiers à la petite tire. Quand au nombre qu’il enfaut pour chaque métier, Voyez l’article Velourscïselé, auquel nous avons rapporté la plûpart des autres étoffes. Voyez Planche VI. soierie, n°. 14. les aiguilles.

* Aiguilles, (Hist. anc.) acus discriminales & crinales.Les premieres ou les discriminales servoientaux femmes mariées à séparer en deux leurs cheveux sur le devant, & cette raie pratiquée entreleurs cheveux ainsi séparés, les distinguoit desfilles. En effet presque toutes les têtes antiques defemmes qu’on trouve dans le P. Montfaucon, ont lescheveux séparés : les autres les ont frisés sur le devant du front, à l’exception de quelques-unes : maisil n’y a rien d’étonnant en cela, les modes varioientchez les Romains ainsi que parmi nous, & les coëffures ont rechangé à Rome jusqu’à quatre fois envingt ans. Les aiguilles crinales servoient seulement àtenir les boucles des cheveux frisés.