Esquisse d'une loi réglant la police sanitaire en France

ÉCOLES NATIONALES VÉTÉRINAIRES

inspecteur-général :

M. H. BOULEY O. ❄, membre de l’Institut, de l’Académie de Médecine, etc.

ÉCOLE DE TOULOUSE

directeur

M. LAVOCAT ❄membre de l’Académie des Sciences de Toulouse, etc.

professeurs :

MM.LAVOCAT ❄,Tératologie.
Anatomie des régions chirurgicales.
LAFOSSE ❄,Pathologie médicale et maladies paraistaires.
Police sanitaire, Jurisprudence.
Clinique médico-chirurgicale.
LARROQUE,Physique.
Chimie.
Pharmacie et Matière médicale.
Toxicologie et Médecine légale.
GOURDON,Botanique.
Hygiène générale et Agriculture.
Hygiène appliquée ou Zootechnie.
Extérieur des animaux domestiques.
SERRES,Pathologie et Thérapeutique générales.
Pathologie chirurgicale et Manuel opératoire.
Exercices pratiques de Chirurg. et de Maréchal.
Clinique chirurgicale.
ARLOING,Anatomie générale et Histologie.
Anatomie descriptive et Zoologie.
Physiologie.

CHEFS DE SERVICE :

MM.MAURI,Clinique médico-chirurgicale, Pathologie et Histologie pathologique spéciale.
BIDAUD,Physique, Chimie et Pharmacie.
LAULANIÉ,Anatomie, Histologie norm., Physiol. et Zoologie.
LAUGERON,Clinique chirurgicale, Pathologie et Histologie pathologique générales. Zootechnie. Extérieur.



JURY D’EXAMEN

MM.BOULEY O. ❄,Inspecteur-général.
LAVOCAT ❄,Directeur.
LAFOSSE ❄,Professeurs.
LARROQUE,
GOURDON,
SERRES,
ARLOING,
MAURI,Chefs de Service.
BIDAUD,
LAULANIÉ,
LAUGERON,

PROGRAMME D’EXAMEN

Instruction ministérielle du 12 octobre 1866.

THÉORIEÉpreuves
écrites
Dissertation sur une question de Pathologie spéciale dans ses rapports avec la Jurisprudence et la Police sanitaire, en la forme soit d’un procès-verbal, soit d’un rapport judiciaire, ou à l’autorité administrative ;
Dissertation sur une question complexe d’Anatomie, de Physiologie et d’Histologie.
Épreuves
orales
Pathologie médicale spéciale ;
Pathologie générale ;
Pathologie chirurgicale ;
Maréchalerie, Chirurgie ;
Thérapeutique, Posologie, Toxicologie, Médecine légale ;
Police sanitaire et Jurisprudence ;
Agriculture, Hygiène, Zootechnie.
PRATIQUEÉpreuves
pratiques
Opérations chirurgicales et Ferrure ;
Examen clinique d’un animal malade ;
Examen extérieur de l’animal en vente ;
Analyses chimiques ;
Pharmacie pratique ;
Examen pratique de Botanique médicale et fourragère.



À mes Parents



À mon Frère



À Monsieur PONROUCH, vétérinaire



À Monsieur JALOUX



À mes Professeurs



Meis et Amicis


J. M.



AVANT-PROPOS.




« De même que la littérature, la législation
doit être l’expression de la société. »
(de Bonald).


Bien que l’importance de la Police sanitaire soit manifeste, ainsi que l’a démontré le savant Directeur de l’École d’Alfort, il n’existe pas en France de loi spéciale sur la police sanitaire des animaux domestiques ; quelques articles du Code Pénal, quelques décrets et quelques arrêts qui ont précédé ou suivi la promulgation de ce code composent la partie de notre législation qui a trait à toutes les maladies contagieuses.

Frappé de l’insuffisance de cette législation, le Gouvernement a enfin résolu de suivre à cet égard l’exemple que lui avaient déjà donné la plupart des États européens et a désigné, à cet effet, le 4 avril 1875, une commission chargée de réviser la législation sanitaire qui nous régit et de lui faire subir les importantes réformes si instamment demandées par tous les membres du corps médical auquel j’ai l’honneur d’appartenir.

C’est pour ces motifs que j’ai choisi ce sujet de thèse, me proposant de signaler les nombreuses réformes que me semble nécessiter notre législation sanitaire.

Atteindrai-je le but que je me propose ? Je n’ose l’espérer ; car les quelques opinions personnelles que j’essaierai d’émettre manqueront évidemment de cette sanction pratique qui est, on peut le dire, l’apanage exclusif d’une longue et sage expérience. Néanmoins, comme je me suis occupé, d’une manière spéciale, de cette partie de l’enseignement vétérinaire, il m’est permis de croire que mon travail ne sera, peut-être, pas tout à fait infructueux et que je pourrai signaler certaines mesures qui auraient pu échapper à la sagacité des membres éminents de la Commission instituée par le Gouvernement.

Je dois dire, en terminant ces quelques lignes préliminaires, que je me suis basé surtout sur les savantes leçons de notre professeur M. Lafosse, dont je conserverai toujours un excellent souvenir. J’ai consulté aussi la Pathologie du même auteur, la Police sanitaire de M. Reynal, l’excellent mémoire de Bernard sur le Typhus contagieux ainsi que la plupart des législations étrangères. Telles sont les sources principales auxquelles j’ai puisé les éléments de mon opuscule. Cuique suum.

Enfin, je ne quitterai pas la plume sans adresser mes remercîments à M. Mauri pour tous les conseils qu’il a bien voulu me donner.

J. M.

PRÉLIMINAIRES




définition. — La Police sanitaire peut être définie : l’ensemble des moyens sanctionnés par la loi et fournis par la pathologie, dans le but d’arrêter les progrès des maladies contagieuses et de les faire disparaître.

Cette branche de la Médecine Vétérinaire peut être scindée en deux parties principales : l’une médicale, comprenant l’étiologie et les moyens de propagation des maladies contagieuses et l’autre, exclusivement administrative, ne s’occupant que des mesures à prescrire afin de les combattre.

C’est de cette dernière partie que nous allons nous occuper d’une manière exclusive et autant que nous le permettra notre peu d’expérience.

utilité d’une législation sanitaire. — La législation relative aux maladies contagieuses, dont les véritables bases (nécessité d’isolement) furent posées par Fracastor en 1514, ne remonte en France qu’aux premières années du XVIIIe siècle. Jusqu’alors, bien que notre pays eût été, à plusieurs reprises, visité par diverses épizooties qui avaient occasionné de très-grands ravages, l’État était resté spectateur passif de la lutte terrible que s’étaient livrée, pour ainsi dire, les particuliers et le fléau. Ce ne fut qu’en 1713-14 que le Gouvernement sortit de son inaction et intervint pour la première fois, afin d’arrêter la marche du typhus contagieux du gros bétail qui ravageait les frontières de l’est et du sud-est de la France, portant, partout sur son passage, la ruine et la désolation.

Longtemps méconnue, l’utilité d’une législation sanitaire, c’est-à-dire la nécessité de l’intervention du Gouvernement au sujet des maladies contagieuses, est aujourd’hui reconnue par les hommes compétents et par tous les propriétaires intelligents, pour qui l’intérêt général doit nécessairement primer l’intérêt particulier. Aussi n’insisterons-nous pas beaucoup sur ce point.

La loi, comme on le sait, a pour but de réglementer la liberté individuelle de manière à ce qu’elle ne porte pas préjudice à autrui ; elle se propose, en outre, de contribuer au bien-être public, tout en respectant, autant que possible, l’intérêt particulier.

Partant de là, les animaux atteints ou suspects de maladie contagieuse doivent attirer l’attention du Gouvernement, car ils constituent un véritable danger pour les animaux et parfois même pour les personnes qui les environnent et ils augmentent les pertes éprouvées par la fortune publique, en favorisant l’extension de la maladie contagieuse qui a fait son apparition.

Dans ce cas, le droit de propriété doit s’effacer, ce nous semble, devant l’intérêt général et l’État doit pouvoir disposer, dans de certaines limites, des animaux affectés qui constituent un véritable danger public.

Connaissant la facilité avec laquelle ces maladies se propagent d’un animal à un autre, il suffit de rappeler certaines pratiques superstitieuses (bénédiction du bétail en cas d’épizootie, etc.), dont le résultat immédiat est de rassembler les animaux malades ou sains, pour qu’on sente le besoin d’une loi qui permette au Gouvernement de s’y opposer et de protéger les citoyens, même contre eux-mêmes.

Un fait que nous devons à l’obligeance de M. Mauri vient appuyer ce que nous avançons. La Péripneumonie contagieuse sévissait dans une partie de l’Ariège ; le Préfet de ce département délégua cet habile praticien, afin de rechercher les mesures à prescrire. Quel fut l’étonnement du délégué lorsqu’en arrivant dans une des communes infectées, il trouva, rassemblés dans une même prairie, tous les animaux, sains ou malades, de cette commune et même de deux communes voisines, afin de les faire bénir par le curé du village.

La propriété contagieuse de la Péripneumonie étant incontestable, on comprend sans peine les dangers de cette pratique qui devait avoir pour résultat certain la propagation de la maladie.

L’État doit pouvoir s’opposer légalement à de telles actions si nuisibles pour l’intérêt public.

D’ailleurs, l’étude comparative des pertes occasionnées par la même maladie contagieuse, suivant qu’il y a eu ou non intervention du Gouvernement, vient démontrer, d’une manière pratique, la nécessité d’une législation sanitaire.

En 1865, le typhus contagieux fit son apparition en Angleterre ; méconnue dans sa nature, la cattle-plague (typhus) ne donna lieu à aucune mesure administrative et les animaux affectés de cette redoutable maladie n’attirèrent nullement l’attention du gouvernement anglais. Dans de telles conditions, la cattle-plague s’étendit avec une rapidité si prodigieuse qu’à la fin de l’année, presque toute la Grande-Bretagne était envahie par le fléau des steppes.

Au commencement de 1866, le nombre des animaux atteints du typhus était devenu si considérable et les pertes qu’avait occasionnées l’épizootie étaient si grandes que le Gouvernement sortit de son inaction et édicta diverses mesures qui, combinées avec les efforts des propriétaires, amenèrent la disparition du typhus, avant la fin de cette même année.

À cette même époque, la Hollande fut aussi visitée par la peste bovine ; et, le gouvernement hollandais ayant suivi les mêmes errements que celui d’Angleterre, la peste bovine prit dans ce pays des proportions aussi grandes et aussi désastreuses que dans la Grande-Bretagne.

Des statistiques faites dans ces deux pays, il résulte que, durant ces épizooties, la Grande-Bretagne perdit 233,629 têtes de bétail et la Hollande 115,000 animaux de l’espèce bovine.

La marche différente que le Typhus a suivi en Angleterre durant les années 1865 et 1866 rend évidente, croyons-nous, l’utilité d’une législation sanitaire.

Pour rendre plus fructueuse l’étude comparative que nous avons entreprise, nous aurions voulu citer les mortalités que le Typhus occasionne de nos jours dans ces deux pays, où existe aujourd’hui une législation sanitaire ; mais, les documents nous ayant fait complétement défaut, nous avons dû nous borner aux deux années 1865 et 1866.

Toutefois, nous croyons pouvoir avancer que, grâce aux mesures édictées par la plupart des États, on ne voit jamais de nos jours le Typhus acquérir cette grande extension qu’il prit en Angleterre (1865) et en Hollande (1866), alors que les gouvernements respectifs de ces deux pays ne croyaient devoir nullement intervenir au sujet des animaux infectés.

En résumé, nous voyons que la législation sanitaire, dont l’objet essentiel est de veiller à la conservation des animaux domestiques, intéresse à la fois l’agriculture, le commerce et l’industrie, c’est-à-dire les trois principales branches de la fortune publique qui ont permis à la France de supporter les nombreux désastres qui sont venus l’accabler dans les dernières années et qui lui permettront, nous en avons la douce espérance, de reprendre bientôt le rang qu’elle doit occuper en Europe.

Et si quelqu’un hésitait encore à reconnaître l’utilité d’une législation sanitaire, nous n’aurions qu’à faire appel à ses sentiments humanitaires, en lui rappelant les dangers que les maladies contagieuses font courir à l’homme lui-même, dont elles compromettent parfois l’existence.

Exposé aux atteintes des virus par son contact journalier avec les animaux malades, l’homme peut contracter, (toujours par contagion), une de ces redoutables maladies et succomber ainsi au milieu des plus vives et des plus atroces douleurs. Quand on connaît les moyens quelquefois faciles d’arrêter ces maladies à leur période d’incubation et qu’on a vu, ne fût-ce qu’une seule fois, l’agonie pénible et douloureuse d’un homme enragé, on ne peut s’empêcher de reconnaître hautement la nécessité d’une loi unique, claire et précise, indiquant les moyens fournis par la science qui suffiraient à eux seuls pour prévenir ces irréparables malheurs.

Pour appuyer ce que nous venons d’avancer, nous croyons ne pouvoir mieux faire que d’emprunter quelques lignes à M. Tardieu : « Ce n’est pas, a dit, avec juste raison, ce savant hygiéniste, par la perte considérable, par la ruine qu’elles entraînent, que les épizooties nécessitent l’intervention du Gouvernement, c’est encore par l’influence pernicieuse que peuvent exercer sur la santé publique le contact ou l’usage alimentaire ou industriel des animaux malades, de leur viande et de leurs produits. » D’ailleurs, soutenir le contraire de ce que nous avons avancé, ce serait comme le fait remarquer M. Lafosse, méconnaître le rôle de la science et de l’État dont la mission est de signaler les dangers que font courir les maladies contagieuses et d’indiquer les moyens de les éviter, tout en sauvegardant, autant que possible, les intérêts publics et privés.

nécessité de réviser la législation sanitaire. — La législation sanitaire qui nous régit actuellement est-elle suffisante pour protéger tous les intérêts et est-elle, en outre, conforme à l’équité ?

Nous croyons pouvoir donner une réponse négative.

Toutefois, comme en France la législation sanitaire se compose de toutes les lois ou arrêtés qui ont été promulguées à cet égard depuis 1714 jusqu’à nos jours, il nous paraît utile, avant de faire la critique de cette législation, d’examiner si les divers arrêts ou arrêtés antérieurs à 1789 sont ou non en vigueur.

La plupart des auteurs vétérinaires ont cru pouvoir résoudre cette question d’une manière négative. Mais cette opinion, émise et soutenue par Delafond dans son traité de Police Sanitaire, est infirmée par le texte même de cette législation et notamment par l’arrêté du Directoire exécutif du 27 messidor an V qui donne au contraire une force nouvelle aux mesures anciennes édictées par les arrêts du Conseil d’État du roi. Car, en le transmettant aux autorités de la République, le ministre de l’Intérieur Benezech a le soin de déclarer que cet arrêté n’abroge pas les lois et règlements antérieurs, mais qu’il ne fait que concilier ces lois avec l’ordre constitutionnel. Or, cet arrêté est encore en vigueur, puisque sa légalité a pour base la loi du 28 septembre-octobre 1791 et qu’il est maintenu formellement en vigueur par l’art. 1er de l’ordonnance royale du 27 janvier 1815, très-explicite à ce sujet. Il nous semble donc parfaitement établi que le système combattu par Delafond, mais consacré par un arrêt de la Cour de Cassation, rendu le 18 novembre 1808, est celui qui doit être adopté par tous les hommes compétents.

Cette opinion est d’ailleurs confirmée encore par l’art. 484 du code pénal qui maintient les lois et règlements en vigueur, relatifs aux calamités publiques, comme épizooties, contagions, etc…..

Toutefois, nous devons faire remarquer que cette vieille législation est, en quelque sorte, abrogée de fait, puisqu’à chaque épizootie, l’autorité administrative se croit obligée d’émettre un nouveau règlement, soit pour rappeler les anciennes mesures, soit pour en prescrire de nouvelles.

Revenons maintenant à la question que nous nous sommes posée, savoir : si la législation sanitaire, actuellement en vigueur, est suffisante pour protéger tous les intérêts et si elle est conforme à l’équité.

À notre avis, la législation actuelle, concernant les maladies contagieuses, est très-défectueuse sous divers points de vue que nous allons tâcher de mettre en évidence, en les indiquant successivement les uns après les autres.

Le défaut capital est, sans contredit, la dissémination des mesures sanitaires dans les anciens règlements antérieurs à 1789, dans les lois de 1790 et 1791 et dans les ordonnances ou décrets postérieurs à notre grande Révolution. Dès lors, en présence de cette diversité de règlements, on voit l’impossibilité d’exiger que chaque citoyen français se conforme au principe fondamental du droit pénal : nul n’est censé ignorer la loi et que tous les propriétaires d’animaux atteints de maladie contagieuse remplissent scrupuleusement les devoirs qui leur incombent et se rendent compte des infractions qu’ils commettent. Pour obtenir ce résultat, il leur faudrait étudier et interpréter une foule de lois souvent contradictoires et sur l’application desquelles les tribunaux eux-mêmes sont très-souvent en désaccord.

En simplifiant cette législation, on faciliterait, croyons-nous, l’application de la loi et on la mettrait ainsi à la portée de tous ceux qu’elle intéresse.

En outre, cette législation n’est plus en harmonie avec les progrès qu’a faits la science durant ce siècle, car elle confond dans la même catégorie des maladies très-différentes, comme la morve, le farcin, le charbon, la gale, la clavelée et la rage (arrêt du 16 juillet 1784) ; elle n’est plus conforme avec nos mœurs, car elle encourage le dénonciateur, en le récompensant par des primes (arrêts des 18 avril 1714 — 24 mars 1745 — 14 juillet 1746 — 16 juillet 1784) ; elle n’est plus en rapport avec l’extension et la liberté de notre commerce, car elle prescrit souvent des mesures très-onéreuses et intempestives, telles que interdiction de la circulation, de l’importation et de l’exportation des animaux domestiques, prohibition des produits animaux bruts, etc. En agissant ainsi, lorsque les épizooties ne réclament pas ces mesures énergiques, elle porte à l’agriculture, au commerce et surtout à l’industrie une atteinte beaucoup plus grave que le fléau lui-même et elle diminue inutilement la fortune publique, en ruinant parfois diverses industries nationales.

Enfin, cette législation présente des contradictions vraiment frappantes qui mettent le juge dans la plus grande perplexité. C’est ainsi que d’après l’arrêt du Parlement du 24 mars 1745, confirmé par l’arrêt du Conseil d’État du roi du 21 janvier 1771 et par l’arrêté du 27 messidor an V, le juge n’a pas le droit de diminuer les peines édictées, tandis que l’art. 463 du code pénal, très-explicite à ce sujet, lui laisse toute latitude et proclame formellement le principe des circonstances atténuantes.

Ce n’est pas d’ailleurs le seul point contradictoire que présente cette législation surannée. On n’a qu’à lire attentivement l’ensemble des lois qui la composent pour être frappé de l’incohérence et surtout des nombreuses contradictions qu’elle présente.

S’agit-il des cadavres ou des débris des animaux morts ou abattus ? La législation actuelle est vraiment remarquable par ses contradictions. Tandis que les anciens règlements sanitaires prescrivent l’enfouissement immédiat des animaux morts ou abattus pour cause de maladie contagieuse, la plupart des décrets ou des arrêtés récemment publiés à ce sujet établissent, avec juste raison, une distinction entre les diverses maladies contagieuses et permettent, dans certains cas, l’utilisation de ces mêmes débris cadavériques. Quant à la profondeur des fosses, tout est laissé, pour ainsi dire, à l’arbitraire des autorités compétentes qui peuvent à leur gré, invoquer l’arrêt du 16 avril 1714 (3 pieds), ceux de 1745 (8 à 10 pieds), de 1771 (8 pieds) et de 1784 (10 pieds) ou bien le décret de la Constituante de 1792 (4 pieds).

Les contradictions que nous venons de citer au sujet de l’enfouissement existent aussi pour les amendes infligées aux contrevenants ainsi que pour les marques à prescrire concernant les animaux malades ou suspects. C’est ainsi que pour la même cause, les amendes varient depuis 20 livres, 100, 200, 300 jusqu’à 500 et 1,000 livres, et que pour la marque, l’arrêt de 1771 prescrit le fer chaud et celui de 1784, le cachet de cire verte.

Ces quelques exemples suffisent, ce nous semble, pour prouver la véracité de l’assertion que nous avons avancée au commencement de ce paragraphe.

D’après ce qui précède, il serait à désirer, dans l’intérêt de l’agriculture, du commerce, de l’industrie et même du respect de la loi, que la législation sanitaire devienne l’objet d’une révision générale et que la France suive l’exemple que lui ont donné la plupart des États européens, parmi lesquels on peut citer l’Autriche, la Suisse, l’Allemagne, la Belgique, etc.

bases de la législation sanitaire. — Sous ce titre, nous comprendrons l’étude des principes généraux sur lesquels doit s’appuyer la législation sanitaire et celle des mesures générales qui, à notre avis, doivent être mises en exécution pour toutes les maladies contagieuses.

1o En premier lieu, on peut dire, d’une manière générale, que le législateur doit chercher à concilier, dans la limite du possible, l’intérêt public et l’intérêt particulier, tout en sacrifiant cependant ce dernier, toutes les fois que les circonstances l’exigent.

Ce principe, admis consensu omnium implique tacitement la faculté qu’on devrait accorder aux autorités de prescrire l’abattage des animaux atteints ou suspects de maladie contagieuse, si l’intérêt public l’exige.

En parlant de chaque maladie en particulier, nous indiquerons celles dont l’existence nous paraît nécessiter cette mesure in extremis.

Mais dans ce dernier cas, c’est-à-dire lorsque l’autorité, pour sauvegarder l’intérêt général, a fait abattre des animaux atteints ou suspects de maladie contagieuse, une indemnité est-elle due aux propriétaires dépossédés ?

L’importance de cette question est tellement capitale que nous allons tâcher d’élucider les divers points qui s’y rattachent.

Lorsque l’intérêt particulier est plus ou moins lésé pour cause d’utilité publique (expropriations, conscription des chevaux, etc), la loi, sage protectrice de tous les intérêts, paie la valeur de la chose cédée et indemnise même les propriétaires des préjudices que peut leur causer la dépossession forcée de leur propriété.

Nul ne saurait contester la justice de ces indemnités.

En est-il de même pour les indemnités relatives à l’abattage des animaux atteints ou suspects de maladie contagieuse ? Évidemment non. Dans les cas précédents, le Gouvernement se propose exclusivement de créer un avantage public, tandis que, lors de l’abattage des animaux malades ou suspects, le seul but qu’il ait en vue est de veiller à l’intérêt public, en faisant disparaître un danger qui le menace à chaque instant.

Néanmoins, les indemnités nous semblent parfaitement justifiées dans ce dernier cas, non-seulement pour les animaux simplement suspects mais encore pour ceux qui sont atteints d’une maladie contagieuse. Les premiers sont peut-être encore tout à fait indemnes et ne constituent pas, par conséquent, un danger pour les êtres qui les entourent ; les seconds peuvent encore échapper à la mort qui n’est pas toujours la suite fatale de la maladie dont ils sont affectés ; quoique malades, ils sont, en outre, susceptibles de rendre encore certains services.

En ordonnant leur abattage afin de faire disparaître toutes les sources de l’épizootie, le Gouvernement occasionne un véritable préjudice aux propriétaires ; il doit donc les rémunérer, autant que possible, des pertes qu’il leur fait éprouver dans un but d’utilité générale. Il est rationnel, en effet, que la cause étant commune, il y ait solidarité d’efforts et coopération mutuelle de tous les citoyens pour atteindre un but qui les intéresse tous au même degré.

D’ailleurs, ce principe de justice et d’équité semble avoir été entrevu par tous les législateurs, puisqu’on voit les arrêts du 18 décembre 1774 et du 30 janvier 1775 concéder le tiers de la valeur de tous les animaux qui étaient reconnus malades du typhus et tués sur le champ et la loi du 30 janvier 1866 allouer, pour tous les animaux abattus par suite du typhus, une indemnité équivalente aux trois quarts de leur valeur.

Dans plusieurs États de l’Europe (Belgique, Suisse, Hollande, Autriche, Allemagne), il est admis pour toutes les maladies contagieuses ; ces divers états paient aux propriétaires, suivant les circonstances, la moitié, les deux tiers et même la totalité de la valeur des animaux abattus.

Le principe des indemnités étant suffisamment démontré, examinons d’après quelles bases elles devront être réparties.

Sans indiquer les maladies qui les nécessitent, (ce qui sera traité en parlant de chacune d’elles en particulier), nous allons examiner quelle devra être la quotité de l’indemnité dans les divers cas.

À ce sujet, nous croyons utile d’établir une distinction entre les animaux suspects et les animaux malades que l’austérité fait abattre.

Les premiers, c’est-à-dire les suspects, sont encore tout à fait indemnes en apparence et ont conservé, par conséquent, toute leur valeur, du moins pour les propriétaires. Aussi nous semble-t-il que l’abattage de ces animaux, ordonné par l’autorité, peut être complétement assimilé, par exemple, à la vente d’une maison par expropriation et pour cause d’utilité publique et qu’il doit donc donner lieu à une rémunération complète de la part de l’État.

À notre avis, l’indemnité allouée pour les animaux suspects devrait donc être égale à la valeur totale des animaux.

Quant aux animaux malades, on devrait ce nous semble, les diviser en deux catégories, suivant la gravité plus ou moins grande de la maladie dont ils sont affectés.

Lorsque la maladie, comme le typhus, la morve, etc., est à peu près incurable, l’indemnité pourrait être égale à la moitié de la valeur qu’avait l’animal avant d’en être atteint ; tandis que si la maladie, comme la clavelée, la péripneumonie etc., était bénigne, l’indemnité pourrait être équivalente aux deux tiers de cette même valeur.

Enfin, et pour les mêmes motifs que nous venons de faire valoir, la destruction des objets qui se sont trouvés au contact des animaux malades ou suspects, devrait donner lieu à nue indemnité équivalente, par exemple, à la moitié de leur valeur[1].

Pour compléter ce qui est relatif aux indemnités, nous allons indiquer les bases d’après lesquelles l’évaluation devrait être faite.

M. Tabourin voudrait que cette évaluation fût faite par une commission composée d’un vétérinaire délégué et de deux propriétaires désignés par le maire.

M. Victor Galtier, vétérinaire à Arles (Bouches-du-Rhône) est du même avis.

D’après le décret du Président de la République du 30 septembre 1871, l’évaluation de l’animal abattu par suite du typhus est faite par deux experts désignés, l’un par le maire, l’autre par la partie. En cas de dissentiment entre les deux experts, le maire donne son avis.

Ce dernier moyen est trop lent dans ses effets, car il peut ne recevoir son exécution que trois mois après la réception des pièces par le Ministre ; il accorde, en outre, une trop grande prédominance à l’autorité, puisqu’en cas de dissentiment entre les deux experts, le maire est appelé à donner son avis et que dans tous les cas, le Ministre seul statue à cet égard.

D’un autre côté, l’expert nommé par la partie ne se trouve pas dans de bonnes conditions, car, soit par condescendance ou tout autre motif, il peut être porté à favoriser cette dernière.

Quant à la combinaison proposée par M. Tabourin, elle ne répondrait peut-être pas toujours au but qu’on se propose, car son rédacteur n’a pas tenu suffisamment compte, ce nous semble, de l’état de division dans lequel se trouvent la plupart de nos villes et villages, partagés généralement en deux camps souvent irréconciliables. D’ailleurs, elle donnerait également une trop grande prédominance à l’autorité administrative.

Afin d’obvier à ces inconvénients, nous proposons la manière suivante : L’estimation sera faite par le vétérinaire délégué, d’après les bases indiquées par la loi sanitaire.

Si l’autorité ou le propriétaire ne sont pas satisfaits de l’estimation, le juge de paix du canton, par simple arrêté, désignera immédiatement deux experts qui conjointement avec le premier, décideront à la majorité.

En outre, il nous semble préférable qu’au lieu d’être payées directement par l’État, dans un délai plus ou moins long, les indemnités soient payées immédiatement par la caisse communale, à laquelle elles seraient remboursées, moitié par l’État, moitié par le département.

Cette manière d’opérer satisferait, croyons-nous, les intérêts de l’État et des particuliers et elle ferait disparaître cette lenteur désespérante qui, de nos jours, rend souvent les indemnités inutiles.

Telles sont les diverses considérations qui se rattachent aux indemnités.

Il est bien entendu qu’elles ne doivent être accordées qu’aux propriétaires qui se seront conformés aux prescriptions de la loi sanitaire, notamment à la déclaration.

En agissant ainsi, les indemnités auraient pour but de diminuer les pertes éprouvées par les propriétaires et elles stimuleraient aussi les citoyens à bien exécuter les prescriptions sanitaires.

Pour atteindre ce dernier résultat, l’État devrait, en outre, récompenser par des primes, plus ou moins fortes, ceux qui, dans ces temps de ruine et de désolation, se distingueraient par leur zèle à bien exécuter la loi.

Indemnisation et primes, tels sont, suivant nous, les deux mobiles généraux sur lesquels le législateur doit s’appuyer dans l’établissement d’une loi sanitaire.

Nous pensons également que les droits de l’Administration, généralement incompétente à ce sujet, sont trop illimités et définis d’une manière trop vague par les décrets de l’Assemblée Constituante des 16-24 août 1790 et du 6 octobre 1791, qui lui accordent le droit de prendre toutes les mesures qu’elle jugera convenables afin d’arrêter la marche des maladies contagieuses. Ces décrets livrent ainsi les propriétaires d’animaux à la merci, pour ainsi dire, des fonctionnaires qui, animés sans aucun doute, des meilleurs sentiments pourraient les ruiner parfois à leur insu, en prescrivant des mesures très-rigoureuses et souvent intempestives.

Il serait donc à désirer qu’avant de prescrire des mesures générales de police sanitaire, les autorités administratives fussent obligées de consulter les hommes spéciaux qui résident dans les contrées où sévissent les épizooties et qui auraient été déjà investis de cette prérogative par l’autorité elle-même (Organisation du service sanitaire). En agissant de la sorte, les administrations prescriraient toujours des mesures appropriées aux circonstances et leur intervention ne serait plus redoutée des propriétaires et des autres citoyens.

D’ailleurs, hâtons-nous de le reconnaître, les administrations n’abusent jamais des droits illimités que leur confèrent les deux décrets précités ; elles consultent toujours les hommes spéciaux avant de prescrire les mesures qui leur semblent nécessaires pour combattre l’épizootie qui règne dans la contrée ; mais, comme le but de la loi est de ne rien laisser à l’arbitraire, nous persistons dans l’opinion que nous venons de mentionner.

2o Basée sur ces principes généraux, la nouvelle loi sanitaire doit prescrire aux propriétaires et pour toutes les maladies réputées contagieuses la déclaration et l’isolement des animaux affectés ou suspects d’une maladie contagieuse. Ces deux mesures, avec la visite et la désinfection, nous paraissent dominer toute la police sanitaire, car, rigoureusement appliquées dans le cours de grandes épizooties, elles ont constamment donné de bons résultats. Par la déclaration, on attire l’attention de l’autorité qui peut dès lors prendre toutes les mesures nécessaires, soit pour arrêter l’épizootie, soit au moins pour la circonscrire ; on avertit ainsi les propriétaires voisins des dangers qui les menacent. Par l’isolement, on empêche le contact des animaux sains avec les animaux malades et par suite on rend la transmission de la maladie sinon impossible, du moins plus difficile.

Il nous reste maintenant à parler des pénalités à infliger aux contrevenants.

Toute loi doit être pourvue d’une sanction pénale dont le but est d’en assurer l’exécution ; les peines infligées aux délinquants doivent donc être suffisantes et proportionnées aux délits commis ; en un mot, elles doivent être, dans tous les cas, supérieures aux bénéfices qu’aurait pu réaliser le prévenu en éludant les prescriptions sanitaires. Qu’importerait, en effet, à un marchand peu scrupuleux, une amende de 16 fr. par exemple, s’il réalisait, par tête, un bénéfice de 100 fr. et au-delà par les trafics coupables auxquels il se livrerait ?

D’un autre côté, nous croyons que la loi doit établir une certaine distinction entre celui qui agit de mauvaise foi et qui fait métier d’acheter et de vendre des animaux contaminés et le propriétaire qui, par oubli ou ignorance, ne s’est pas conformé aux prescriptions de la législation sanitaire.

D’après ce qui précède, nous serions d’avis que les pénalités fussent établies dans des limites très-étendues (10 à 1000 fr., par exemple) et que le juge pût les appliquer à son gré, en tenant compte des circonstances atténuantes et surtout de la position du délinquant.

Dans tous les cas, les contraventions qui nous occupent devraient donner lieu, ce nous semble, à l’application de l’art. 1382 du code civil qui rend chacun responsable du dommage qu’il a causé. À cet effet, nous voudrions que les propriétaires des animaux infectés par ceux qui appartiennent au prévenu eussent le droit d’attaquer ce dernier en dommages-intérêts et que l’autorité administrative pût se porter comme partie civile et lui réclamer les dommages-intérêts en rapport avec les indemnités que le Trésor a été obligé de payer par son fait.

L’emprisonnement doit-il ou non être maintenu ?

Quelques auteurs répudient cette mesure à cause de son caractère diffamant ; ils prétendent qu’elle n’est pas en rapport avec les simples contraventions commises par le prévenu.

Sans doute, nous admettrions cette manière de voir, si, dans tous les cas, les amendes infligées étaient suffisantes pour réfréner la coupable avidité du délinquant. Mais comme cette dernière sanction, portée à son plus haut degré, serait tout à fait insuffisante pour les personnes à qui, si elles étaient de mauvaise foi, leur fortune permettrait de se livrer à une sorte de spéculation, nous croyons que la loi, pour être sage et prévoyante, doit maintenir l’emprisonnement, lorsqu’il y a délit ou bien récidive de la part du prévenu. L’application serait laissée ainsi au discernement du juge.

Ces considérations générales étant sommairement développées, nous allons passer à l’énumération des mesures qui devraient, suivant nous, faire partie de la loi sanitaire dont l’élaboration est faite par la Commission instituée le 4 avril 1873. Mais avant de les exposer, il nous semble utile d’indiquer succinctement le plan que nous nous proposons de suivre.

D’abord, nous nous occuperons des mesures générales de police sanitaire que l’autorité devrait prescrire pour arrêter la marche de toutes les maladies contagieuses qui nécessitent l’intervention du Gouvernement. À cet effet, nous indiquerons, sous forme d’articles, tous les devoirs qui, durant les épizooties, incombent à l’autorité, aux vétérinaires et aux citoyens eux-mêmes ; et, dans une section spéciale, nous nous occuperons des dispositions générales qui concernent toutes les maladies contagieuses.

Nous nous proposons ensuite d’indiquer, encore sous forme d’articles, tout ce qui est relatif à chaque maladie en particulier.

En suivant ce cadre, nous éviterons, autant qu’il nous sera possible, la plupart des redites dans lesquelles nous tomberons encore forcement quelquefois.

Nous aurons, en outre, le soin de justifier toutes les mesures que nous croirons nécessaires de conseiller, toutes les fois que nous le jugerons convenable.

Tel est le plan que nous nous proposons de suivre.


LOI
réglant
LA POLICE SANITAIRE
EN FRANCE


Article premier. — À l’instar de l’art. 1er de la loi du 20 mai 1838 qui fait l’énumération des vices rédhibitoires, cet article devrait indiquer les maladies contagieuses qui nécessitent l’intervention du Gouvernement.

À notre avis, ce sont les maladies suivantes :

1o La Fièvre aphteuse et le Piétin des moutons ;

2o La Rage chez tous les animaux ;

3o Le Charbon chez toute espèce de bétail ;

4o La Peste bovine ou Typhus contagieux ;

5o La Morve et le Farcin chez les solipèdes ;

6o La Péripneumonie contagieuse ;

7o La Clavelée ;

8o La Maladie vénérienne des Solipèdes ou Maladie du Coït ;

Et 9o toute autre maladie réputée contagieuse.

Cette énumération aurait pour résultat de déterminer, d’une manière précise, les circonstances dans lesquelles la loi sanitaire serait applicable ; elle tirerait ainsi le propriétaire de la perplexité où il se trouve de savoir si la maladie qui sévit dans ses écuries est ou non légalement contagieuse et, dans le cas d’infraction à la loi, elle enlèverait tout prétexte au délinquant pour résister aux ordres de l’autorité.

Tels sont, en résumé, les avantages immenses qui résulteraient de ce premier article.

Nous n’avons pas compris dans le cadre des maladies contagieuses, nécessitant l’intervention du gouvernement : 1o le Horse-pox et son dérivé le Cow-pox ou vaccine qu’on doit chercher à conserver et non à détruire, car ces affections, d’une moindre gravité, sont la source de la vaccine humaine ; 2o la Phthisie pulmonaire ou pommelière dont la contagion est encore douteuse et qui dès-lors ne nous intéresse nullement, la viande et le lait que fournissent les animaux phthisiques étant d’ailleurs tout à fait inoffensifs pour la santé publique ; et 3o la Gale dont la transmission ne s’effectue que par un contact immédiat et même assez prolongé et qui par suite ne mérite nullement d’attirer, l’attention du Gouvernement dont l’intervention serait plutôt nuisible qu’utile.

L’isolement est la seule mesure, laissée encore à l’initiative des particuliers, qu’on puisse conseiller contre cette dernière maladie.

Quant aux autres affections, comme l’Érysipèle gangréneux, le Porrigo, la Variole, etc., réputées contagieuses, nous ne les avons pas comprises dans le cadre précédent, parce que leur contagion est tout à fait problématique ou que leur gravité est peu grande.

Enfin, nous avons ajouté ces mots : et toute autre maladie réputée contagieuse, afin de comprendre dans la catégorie précédente toutes les affections dont les propriétés contagieuses pourraient être ultérieurement découvertes.

Seulement, il est à noter qu’une nouvelle maladie ne pourrait rentrer dans la catégorie des maladies contagieuses que si le Gouvernement, sur l’avis des hommes spéciaux, en faisait la déclaration formelle.

SECTION I.
Des devoirs et des droits des propriétaires.

Art. 2. — Tout propriétaire d’animaux atteints ou suspects d’une maladie contagieuse devrait être tenu d’en faire immédiatement la déclaration au maire de sa commune, lequel serait obligé de lui donner, en échange, un récépissé qui lui servirait au besoin de preuve justificative.

Il devrait, en outre, être obligé de séquestrer les animaux malades ou suspects, avant même l’intervention de l’autorité administrative.

Art. 3. — Outre les pénalités plus ou moins fortes (amende ou emprisonnement) que la loi devrait infliger pour les contraventions à l’article précédent, celles-ci devraient entraîner la perte de toutes les indemnités auxquelles le prévenu pourrait avoir droit d’après la nouvelle loi sanitaire.

Cet article devrait encore accorder une prime, plus ou moins forte, aux dix premiers citoyens de chaque département qui, en temps d’épizootie, auraient rempli les formalités prescrites par l’art. 2 ; le tout sans préjudice des indemnités auxquelles il pourrait avoir droit.

Art. 4. — (Voir l’art. 460 du Code Pénal.) Si de la communication mentionnée dans l’art. 460 du Code Pénal, il en était résulté une contagion parmi les autres animaux, ceux qui auraient contrevenu aux défenses de l’autorité administrative devraient être responsables des dommages qu’ils auraient causés (art. 1382 du Code Civil) ; le tout sans préjudice de l’exécution de l’art. 460 du Code Pénal.

Art. 5. — Si les animaux atteints ou suspects de maladie contagieuse étaient rencontrés dans des lieux autres que ceux qui leur auraient été assignés par l’autorité, le propriétaire devrait demeurer responsable des dommages qu’ils auraient causés (art. 1382 du Code Civil). Il devrait, en outre, être passible d’une amende.

Cette défense devrait concerner également les communautés qui ont droit de parcours ou d’usage sur les territoires voisins, dès qu’un animal, appartenant à cette communauté, serait atteint ou suspect de maladie contagieuse.

Art. 6. — Les abreuvoirs et les pâturages communs devraient être formellement interdits, sous peine d’amende et de tous dommages-intérêts, aux animaux atteints ou suspects de maladie contagieuse.

Art. 7. — Lors de la visite prescrite par l’autorité administrative, aucun citoyen ne devrait pouvoir, sous peine d’amende, refuser l’entrée de ses écuries et étables au vétérinaire, accompagné d’un agent municipal.

Toutefois, il serait juste, ce nous semble, que le propriétaire eût le droit de faire nommer, à ses frais, un second expert afin de contrôler les actes du premier. S’il y avait dissentiment entre les deux experts, le juge de paix du canton en nommerait un troisième qui statuerait sans appel.

Dans tous les cas, le propriétaire qui, lors de la visite, cacherait ou récélerait un animal sain ou malade devrait être passible d’amende et même d’emprisonnement.

Art. 8. — L’exposition en vente et à fortiori la vente des animaux atteints ou suspects de maladie contagieuse, sans permission spéciale de l’autorité, devrait être formellement interdite sous peine d’amende et de tous dommages-intérêts.

Les propriétaires qui feraient conduire les animaux aux foires et marchés devraient être responsables du fait de leurs conducteurs.

Dans le cas d’une vente analogue à celles dont il est parlé dans le présent article, l’acheteur devrait avoir le droit d’exercer une action en dommages-intérêts, alors même que l’action rédhibitoire serait éteinte.

Néanmoins, dans certains cas spéciaux, la vente des animaux atteints ou suspects de maladie contagieuse aux bouchers de la commune devrait pouvoir être autorisée par l’administration, mais aux conditions suivantes :

1o L’expert devrait constater auparavant et par écrit que la viande peut être impunément livrée à la consommation.

2o Le boucher serait obligé de les conduire par des lieux désignés par l’autorité et de les tuer dans les 24 heures.

3o Le boucher ne pourrait les revendre sous aucun prétexte.

Les deux parties contractantes seraient solidaires l’une de l’autre, au sujet des contraventions commises à cet égard.

Art. 9. — À moins d’une permission spéciale, délivrée par l’autorité et sur l’avis du vétérinaire délégué, concernant l’usage de la viande des animaux morts ou abattus pour cause de maladie contagieuse et l’utilisation de leurs débris cadavériques, les dits animaux devraient être enfouis (chair et os) dans des fosses creusées au moins à 1 kil. de toute habitation et ayant de 1m 50 à 2m de profondeur.

Pour les rendre apparentes on devrait les exhausser de 0m 50 au dessus du sol, et elles devraient être indiquées par un poteau ou quelques branches d’arbre.

En outre, les bâtiments dans lesquels auraient séjourné des animaux infectés ou suspects devraient être désinfectés suivant les indications fournies par le vétérinaire délégué.

Toute contravention devrait être passible d’amende et de tous dommages-intérêts,

Art. 10. — Les frais d’expertise, d’abattage, d’enfouissement, de désinfection, de transport des viandes et des animaux suspects et tous les autres frais accessoires devraient être à la charge du propriétaire.

Néanmoins, si ce dernier n’avait pas la faculté de faire le transport de l’animal ou des animaux infectés, l’autorité devrait pouvoir requérir, aux frais de la commune, un autre citoyen et même les manœuvriers nécessaires.

Art. 11. — Le traitement des animaux atteints ou suspects de maladie contagieuse, devrait être formellement interdit, à moins qu’on en ait fait au préalable la déclaration.

Art. 12. — Voir l’art. 462 du Code Pénal.

Art. 13. — Ceux qui auraient contrevenu aux règlements légalement faits par l’autorité administrative devraient être passibles d’une amende ; il devrait en être de même pour ceux qui ne se conformeraient pas aux règlements ou arrêtés de police publiés par l’autorité municipale, en vertu des articles de la section II de la nouvelle loi sanitaire.

Art. 14. — Les récidives devraient être punies d’une peine double de celle qui serait mentionnée dans les divers articles de la loi sanitaire ; elles devraient, en outre, être considérées comme de véritables délits et donner lieu, dans tous les cas, à un emprisonnement plus ou moins long.

SECTION II
Des devoirs et des droits de l’autorité.

Art. 15. — Quand une maladie contagieuse éclate dans une commune, l’autorité municipale, après avoir requis l’avis d’un vétérinaire, devrait être obligée de prendre immédiatement, sous peine d’être rendue personnellement responsable de tous les dommages résultant de sa négligence, toutes les mesures prescrites par la nouvelle loi sanitaire, sauf à en donner aussitôt connaissance à l’autorité départementale qui confirmerait ou modifierait les mesures qu’elle aurait prises.

Ce dernier avertissement devrait contenir le nombre des animaux atteints ou suspects, le nom des propriétaires ainsi que la marche et l’intensité de l’épizootie.

Art. 16. — L’apparition d’une maladie contagieuse dans une commune devrait être signalée immédiatement par l’autorité municipale au moyen d’une affiche posée aux lieux où se placent les actes de l’autorité publique. Dans cette affiche, l’autorité rappellerait à ses administrés les diverses obligations que leur imposerait la loi sanitaire.

Afin d’éclairer davantage le public, l’autorité devrait avoir recours encore aux crieurs publics et à la voie des journaux qui se publieraient dans la localité.

Art. 17. — Les déclarations faites par les propriétaires d’animaux affectés ou suspects devraient être reçues, par le maire de la commune, sur un registre spécial où elles seraient transcrites, les unes à la suite des autres, sous une seule série de numéros. Pour exercer un certain contrôle, il serait bon que chaque propriétaire reçut, en échange, un récépissé qui, comme nous l’avons déjà dit, lui servirait au besoin de preuve justificative.

Après avoir reçu la déclaration, l’autorité devrait ordonner aussitôt la visite des animaux malades ou suspects par le vétérinaire délégué à cet effet.

D’un autre côté, afin de faire disparaître les inconvénients des attributions de police sanitaire données aux autorités municipales, celles-ci devraient être obligées de suivre aussitôt l’avis du vétérinaire délégué, sauf leur recours à l’autorité départementale qui nommerait immédiatement un second expert, afin de contrôler les actes du premier. Si l’organisation du service sanitaire était établie, ce dernier ne serait autre que le vétérinaire départemental.

Art. 18. — Après la constatation de l’existence d’une maladie contagieuse faite par le vétérinaire délégué, l’exécution des mesures sanitaires, notamment de l’isolement des animaux malades ou suspects, devrait être placée sous la surveillance de l’autorité, qui, à cet effet, pourrait ordonner, de temps en temps, des visites chez les propriétaires des communes infectées.

Art. 19. — Lorsqu’une maladie contagieuse apparaît dans une commune, l’autorité administrative devrait assigner immédiatement des abreuvoirs et des lieux de pâturages, s’il y avait lieu, aux animaux malades ou suspects, en ayant soin cependant de séparer, autant que possible, les animaux contaminés de ceux qui ne sont simplement que suspects.

Art. 20. — Quand une maladie contagieuse aura cessé de sévir dans une écurie ou étable, (ce qui sera annoncé par le propriétaire ou le vétérinaire délégué), l’autorité locale devrait en faire pratiquer aussitôt la désinfection, suivant les indications du vétérinaire délégué, qui devrait avoir le soin de bien déterminer les objets à désinfecter.

Art. 21. — Si une épizootie éclatait dans un département, le Préfet devrait, ce nous semble, prendre immédiatement les mesures qui seraient prescrites par la loi sanitaire ; il devrait, en outre, informer de l’apparition de l’épizootie les Préfets des départements limitrophes ainsi que le Directeur de l’agriculture auquel il rendrait compte des dispositions ordonnées à ce sujet et des progrès qu’aurait faits la maladie.

Art. 22. — Si une épizootie faisait son apparition dans un État voisin de la France, les autorités des départements limitrophes qui en seraient informées d’une manière quelconque devraient être obligées d’en donner aussitôt connaissance à l’autorité centrale qui, après s’être renseignée à cet égard, pourrait ainsi ordonner les mesures qui lui paraîtraient nécessaires.

Sans doute, ces devoirs imposés aux autorités départementales par les deux articles précédents pourraient être abolis, si le service sanitaire était organisé en France, car ils seraient alors dévolus aux vétérinaires chargés de veiller à l’état sanitaire du département.

Toutefois, il nous semble que ces derniers ne se trouveront jamais dans des conditions aussi favorables que les Préfets, pour être informés, le plus tôt possible, de l’apparition de l’épizootie.

Art. 23. — Quand une maladie contagieuse apparaît dans une localisé ou dans un département, l’autorité administrative devrait avoir le droit de nommer, sur l’avis du vétérinaire délégué, autant d’experts que les circonstances l’exigeraient. Ceux-ci devraient être choisis exclusivement parmi les vétérinaires sortis des trois écoles.

Une telle mesure, tout en sauvegardant l’intérêt des particuliers, rehausserait, en outre, la médecine des animaux domestiques, en établissant ainsi une certaine distinction entre les vétérinaires et les empiriques dont quelques-uns usurpent souvent le titre des premiers.

Elle est d’ailleurs prescrite, pour ainsi dire, par l’art. 2 de l’arrêt du 16 juillet 1734, qui exige pour les maréchaux à déléguer des certificats d’étude et de capacité délivrés par le Directeur d’une École vétérinaire. Les diplômes de vétérinaire sont, en effet, les seuls certificats qu’on délivre, de nos jours, dans les Écoles vétérinaires et la faculté qu’accordait, aux vétérinaires départementaux, le décret impérial du 13 janvier 1813, de donner des certificats de capacité, leur a été enfin retirée d’une manière absolue.

Art. 24. — Pendant le cours d’une épizootie, l’enlèvement ou l’équarrissage des animaux morts ou abattus, devrait, dans des circonstances spéciales, être faits exclusivement par des hommes spéciaux désignés à cet effet par l’autorité.

Chacun d’eux serait chargé d’une circonscription particulière et ne pourrait, sous peine d’une forte amende et même d’emprisonnement, vendre ou débiter aucune viande ou autre partie des animaux morts ou abattus.

Art. 25. — Pour assurer l’exécution des mesures sanitaires et notamment de la séquestration des animaux malades ou suspects, la gendarmerie, les gardes champêtres et au besoin les troupes de ligne devraient être mises à la disposition de l’autorité administrative, en temps d’épizootie.

Art. 26. — Pendant chaque épizootie, des procès-verbaux devraient être dressés par l’autorité administrative, à l’effet de constater le nombre, l’espèce et la valeur des animaux qui auraient été abattus ou qui seraient morts des suites de la maladie contagieuse.

Les extraits de ces procès-verbaux seraient transmis par les Préfets au Directeur général de l’agriculture qui les déposerait dans les archives de l’État.

Art. 27. — Comme les fonctionnaires publics, surtout ceux qui sont élus par le suffrage universel, pourraient, comme cela est arrivé en 1871-72 au sujet du Typhus, chercher à s’attirer la sympathie de leur administrés en éludant certaines mesures sanitaires, la loi devrait leur infliger une forte amende, soit qu’ils ne se conforment pas aux prescriptions de la loi sanitaire, soit qu’ils donnent une attestation contraire à la vérité.

Dans ce dernier cas, ils devraient être même poursuivis extraordinairement.

SECTION III.
Des devoirs et des droits des vétérinaires.

Art. 28. — Tout vétérinaire en exercice doit être obligé de prêter son ministère toutes les fois qu’il en est requis par l’autorité pour examiner les animaux malades ou suspects ; il doit, en outre, se transporter partout où il est nécessaire, en se faisant accompagner d’un agent administratif.

Art. 29. — Lors de la visite, un procès-verbal devrait être dressé par le vétérinaire, en présence du délégué qui l’a accompagné dans sa mission. Ce procès-verbal, signé aussi par le délégué, serait ensuite remis à l’autorité municipale et il devrait indiquer, si le cas semble être de nature contagieuse, les mesures à prendre pour combattre la maladie.

Art. 30. — Le traitement, sans déclaration au préalable, des animaux atteints ou suspects de maladie contagieuse, devrait être formellement interdit à tout vétérinaire ou empirique, sous peine d’amende et d’emprisonnement.

Art. 31. — Lorsqu’une maladie contagieuse fait son apparition dans une commune, le vétérinaire délégué devrait faire l’autopsie des trois premiers animaux morts ou abattus, en présence d’un agent municipal et en dresser procès-verbal. Celui-ci, dont un extrait serait envoyé à la Préfecture, devrait contenir en détail le genre et le caractère de la maladie et les précautions à prendre pour éviter la contagion.

Art. 32. — Les honoraires du vétérinaire délégué devraient être fixés d’une manière absolue. Chaque autopsie devrait équivaloir, ce nous semble, à une journée ou vacation.

SECTION IV.
Des dispositions générales.

Art. 33. — La suspicion, à moins qu’elle ne soit spécifiée par la loi sanitaire, doit être déterminée exclusivement par le vétérinaire délégué. Néanmoins, il est juste que le propriétaire des animaux déclarés suspects puisse faire nommer, à ses frais, un deuxième expert ; en cas de dissentiment, le juge de paix du canton en nommerait un troisième qui déciderait sans appel.

Dans tous les cas, excepté pour la maladie du Coït, la cohabitation, dans une même écurie, avec des animaux affectés d’une maladie contagieuse doit entraîner de droit la suspicion.

Art. 34. — Une séquestration absolue devrait exister au sujet des bâtiments, des prairies ou des fermes dans lesquels se trouvent ou se sont trouvés des animaux atteints ou suspects de maladie contagieuse.

Cette mesure cesserait d’être appliquée un ou deux jours après que la maladie aurait cessé de sévir et que la désinfection aurait été faite.

Pendant ce laps de temps, les locaux infectés seraient soumis à une aération complète et permanente.

À cet effet, il nous semble utile que ces divers bâtiments soient marqués par des signes spéciaux qui resteraient en place pendant un laps de temps à déterminer par l’autorité, sur l’avis du vétérinaire délégué.

La nature, la forme et les dimensions des signes employés à cet égard seraient déterminées par l’autorité, sur l’avis du vétérinaire délégué et portées à la connaissance du public par tous les moyens possibles de publication.

Art. 35. — Sur l’avis du vétérinaire délégué, l’autorité devrait être tenue de faire marquer les animaux malades ou suspects.

La nature et la forme des marques employées devraient être portées à la connaissance du public.

Art. 36. — Les instruments servant à marquer les animaux et les signes désignés par notre article 34 devraient se trouver dans chaque commune, aux frais de l’État ou de la commune.

Art. 37. — Le transport des animaux affectés ou suspects de maladie contagieuse devrait être défendu.

Toutefois, s’il y avait absolue nécessité l’autorité pourrait, sur l’avis du vétérinaire délégué, ordonner ce transport en faisant observer certaines mesures que nous allons indiquer dans l’article suivant.

Art. 38. — Voici, en résumé, les diverses obligations que la loi sanitaire devrait imposer aux administrations des chemins de fer, toutes les fois qu’une maladie contagieuse sévit dans une des régions desservies par une ligne quelconque.

Il faudrait 1o qu’en temps d’épizootie, aucun animal ne puisse être transporté sans un certificat, dûment légalisé, du Maire de la commune d’où il provient ;

Et 2o que les wagons et autres objets qui auraient servi à charger ou à transporter des animaux soient nettoyés et lavés, aux frais de la Compagnie, chaque fois qu’on s’en serait servi.

Ces deux mesures devraient être appliquées pendant tout le cours de l’épizootie, aussitôt que l’administration des chemins de fer en aurait été avertie par l’autorité administrative.

Si, cédant aux exigences industrielles ou alimentaires, l’autorité administrative permettait le transport des animaux affectés ou suspects de maladie contagieuse, tous les wagons qui auraient été employés à cet égard, (ce qui serait facile à vérifier en se basant sur les certificats délivrés par l’autorité locale), devraient, avant d’être rendus à leur usage, être soumis, à une désinfection minutieuse, faite d’après les indications du vétérinaire délégué.

Toutefois, il nous semble juste que, dans ce dernier cas, la désinfection soit faite aux dépens des propriétaires de ces derniers animaux.

Enfin, les compagnies des chemins de fer qui aboutissent aux frontières devraient être obligées de refuser tous les animaux qui seraient marqués comme l’indique le paragraphe 2 relatif au Typhus et qui ne seraient pas pourvus d’un certificat de santé, délivré par le vétérinaire délégué à cet effet.

Un exemplaire contenant ces diverses obligations devrait être affiché dans toutes les gares.

L’exécution de ces précautions sanitaires serait imposée aux Administrations des chemins de fer, sous la surveillance des Préfets dont les départements sont desservis par ces lignes infectées.

Comme nous l’avons déjà dit, les administrations des chemins de fer devraient être obligées de mettre ces mesures en exécution, dès qu’elles auraient été averties par l’autorité administrative.

Art. 39. — Afin de faciliter la tâche des Compagnies, le Préfet du département, dans lequel sévit une maladie contagieuse qui nécessite les mesures que nous venons de mentionner, devrait être obligé d’en avertir aussitôt la Compagnie ou les Compagnies qui desservent cette contrée ainsi que les Préfets chargés de veiller à leur exécution.

Art. 40. — Persuadé que le moindre retard apporté dans l’application de certaines mesures suffit souvent pour amener la propagation et l’extension de la maladie contagieuse qui, au début, était fort limitée, nous serions d’avis qu’on accorde aux autorités locales la faculté d’ordonner, sur l’avis du vétérinaire délégué, l’abattage des premiers animaux affectés. Toutefois, afin d’exercer un certain contrôle, on pourrait stipuler qu’elles ne pourront ordonner l’abattage que de cinq animaux, par exemple, et que si ce nombre paraissait insuffisant pour arrêter les progrès de l’épizootie, elles seront obligées d’obtenir l’autorisation de l’autorité départementale. Celle-ci serait aussi limitée dans sa puissance et ne pourrait, par exemple, ordonner l’abattage de plus de quarante animaux, sans avoir obtenu, à son tour, l’autorisation du Ministre de l’Agriculture et du Commerce.

Art. 41. — Quant aux indemnités allouées pour les animaux dont l’abattage a été ordonné par l’autorité, elles ne devraient être accordées qu’aux propriétaires qui auraient observé les prescriptions de notre article 2 et elles devraient être fixées comme suit :

1o Pour les animaux suspects, la valeur entière ;

2o Pour les animaux malades, la moitié ou les deux tiers de cette même valeur, suivant que la maladie est incurable ou non.

En parlant de chaque maladie, nous indiquerons celles qui devraient donner lieu à une indemnité équivalente à la moitié ou aux deux tiers de la valeur.

L’estimation serait faite par le vétérinaire délégué qui prendrait pour base la valeur qu’aurait eu l’animal d’après les prix courants, sans égard à l’épizootie survenue et qui tiendrait compte également de l’usage auquel il était destiné.

Si l’autorité ou le propriétaire n’étaient pas satisfaits de l’estimation, (ce dont il serait fait mention dans le procès-verbal de l’expert), ils adresseraient une requête au juge de paix du canton qui désignerait immédiatement deux experts qui, avec le premier, déciderait sans appel.

Néanmoins, si l’usage des viandes abattues était autorisé, les indemnités devraient être réduites du produit de la vente de ces viandes, après défalcation des frais payés par le propriétaire, de manière à ce que celui-ci n’ait pas une indemnité supérieure à la valeur totale des animaux. Enfin, une indemnité équivalente à la moitié de leur valeur, devrait être accordée pour tous les objets dont la destruction aurait été ordonnée par l’autorité.

Le montant de l’indemnité allouée serait offert au propriétaire et, en cas de refus, serait déposé chez le receveur communal.

Le propriétaire qui aurait refusé d’accepter le montant du prix qui lui aurait été offert, pourrait encore, pendant six mois, aller toucher ce montant chez le receveur général où le propriétaire pourrait encore le réclamer pendant un an ; mais, au bout de ce dernier laps de temps, la somme reviendrait à la commune et la prétention du propriétaire serait périmée.

Enfin, afin de rendre le paiement de l’indemnité plus prompt, nous serions d’avis que le montant fût avancé par la commune à laquelle il serait remboursé moitié par l’État, moitié par le département, sur les fonds votés chaque année, à cet effet, soit par les Conseils Généraux, soit par l’Assemblée nationale.

Si les ressources du département étaient trop minimes, l’État pourrait lui accorder un subside plus ou moins conséquent.

Art. 42. — Pour stimuler le zèle des citoyens, on devrait accorder une prime plus ou moins forte, aux deux propriétaires, par exemple, qui se seraient le plus distingués durant le cours de l’épizootie.

Cette prime serait donnée d’après un certificat de l’autorité et sur l’avis du vétérinaire délégué.

SECTION V.
Des dispositions spéciales

Après avoir indiqué les mesures qui concernent toutes les maladies contagieuses et les dispositions générales qui s’y rattachent, nous allons nous occuper de chaque maladie en particulier.

1. — De la Fièvre aphtheuse et du Piétin

Au sujet de cette maladie et de celles qui vont suivre, nous indiquerons seulement les mesures spéciales qu’elles nous paraissent nécessiter.

1o Lorsque la fièvre aphtheuse apparaît dans une localité, les étables et les pâturages infectés devraient être séquestrés et marqués, ainsi que nous l’avons dit dans notre article 34. Cette mesure ne serait révoquée qu’un ou deux jours après qu’on aurait constaté la disparition de la maladie et qu’on aurait pratiqué la désinfection.

Si la maladie prenait une trop grande extension, il serait bon que l’autorité pût, sur l’avis du vétérinaire délégué, étendre ces mesures aux étables et aux pâturages situés dans le voisinage immédiat des localités infectées.

2o Si la fièvre aphtheuse sévissait dans une certaine étendue, l’autorité devrait avoir le droit d’interdire les foires et marchés dans un rayon de 5 kil. des lieux infectés. Toutefois, sur l’avis du vétérinaire délégué, il nous semble préférable qu’elle se borne à exiger que tous les animaux vendus ou conduits aux foires et marchés soient visités par un vétérinaire délégué et pourvus d’un certificat de santé.

Dans tous les cas, l’interdiction devrait être absolue pour tous les animaux des locaux infectés, tant qu’y sévira l’épizootie.

3o La vente du lait et de la viande provenant des animaux affectés ou suspects pourrait être autorisée ; mais l’autorité devrait avertir ses administrés que le lait, non soumis à l’ébullition, peut donner quelquefois des aphthes.

Sans doute, en présence des conclusions du Conseil de Salubrité publique du département de la Seine, appuyées par l’autorité si considérable de M. Chevreul, on ne peut guère nier l’innocuité du lait des vaches aphtheuses. Néanmoins, nous croyons que cet avertissement de l’autorité, tout en n’entravant pas la vente de ce liquide, aurait l’avantage d’en empêcher la consommation, sans l’avoir préalablement fait bouillir : ce qui le rendrait encore beaucoup plus inoffensif.

4o L’autorité du département où sévit la fièvre aphtheuse devrait se conformer aux prescriptions de notre article 39.

5o Enfin, si cette maladie sévissait avec intensité dans un état voisin, l’importation des ruminants et des porcs ne devrait être permise que sur la présentation d’un certificat de santé délivré la veille du départ. Les animaux devraient encore être visités aux frontières.

Tout animal qui serait dépourvu de certificat ou qui présenterait des symptômes de fièvre aphteuse serait refusé.

Cette dernière mesure est du ressort de l’autorité centrale,

Y a t-il des mesures à prendre pour empêcher la propagation des épizooties aphtheuses ?

Telle est la question que se pose M. Reynal à la fin de l’article Aphthes, dans le dictionnaire de médecine et de chirurgie vétérinaires.

« La contagion, dit-il, serait-elle bien démontrée que le peu de gravité des épizooties aphtheuses ôterait à la question toute l’importance qu’elle pourrait avoir.

» Aussi est-il d’avis qu’il faut éviter de rendre obligatoires même la séquestration et l’isolement, car ces mesures amènent inutilement une grande perturbation dans les relations commerciales, dans une branche d’industrie très-productive et dans les divers intérêts qui s’y rattachent. »

Partant de ces données, M. Reynal pense qu’en pareil cas, l’autorité doit se borner à appeler l’attention de ses administrés sur les mesures hygiéniques à prendre.

Tel n’est pas notre avis.

Si, en effet, à l’époque où M. Reynal écrivait son article, la fièvre aphtheuse était toujours une maladie bénigne, il n’en est plus ainsi de nos jours où on la voit prendre parfois un caractère exceptionnel de gravité et occasionner la mort surtout des jeunes veaux.

Cette variété a été signalée en France par M. Zundel, d’après les auteurs russes et allemands. Elle n’avait été étudiée qu’à l’étranger, lorsqu’elle fit son apparition en France, il y a 2 ou 3 ans. M. Boulay l’a constatée dans l’arrondissement d’Avesnes où elle a été toute aussi préjudiciable que la peste bovine, car, elle occasionna la mortalité d’environ 1,200 bêtes. Elle a été signalée en 1872 dans l’arrondissement d’Étampes et enfin M. Vergues, un de nos amis, qui possède une métairie située près de Revel (Haute-Garonne), nous a assuré que la fièvre aphtheuse sévit, il y a 3 ans, dans ses étables où elle occasionna la mort d’une grande quantité de veaux.

En présence de cette gravité pour les veaux que la fièvre aphtheuse semble prendre depuis quelques années, l’intervention de l’autorité, telle que la conseille M. Reynal, nous semble tout à fait insuffisante ; et celle-ci doit recourir, croyons-nous, aux mesures que nous venons de conseiller. Elles n’amèneraient pas, en effet, une grande perturbation dans le commerce et l’industrie et suffiraient cependant pour amener l’extinction ou du moins la circonscription de l’épizootie, car il ne faut pas perdre de vue que cette maladie se transmet aux jeunes veaux par l’intermédiaire des vaches laitières.

6o Nous serions d’avis que toutes les mesures que nous venons de mentionner au sujet de la fièvre aphtheuse fussent appliquées pour le Piétin, appelé encore fièvre aphtheuse des moutons.

On sera, peut-être, étonné de voir que nous conseillons tant de mesures pour le piétin, maladie qui, d’après M. Reynal, paraît ne se communiquer que par contact immédiat de la matière virulente avec l’organisme animal. Sans doute, cette assertion est vraie dans la généralité des cas ; mais comme des hommes très-remarquables dans la science, tels que Gohier, Delafond, de Dombasle, etc., prétendent l’avoir vue se communiquer par cohabitation ou au moyen de la dépaissance en commun et même du parcours successif dans les mêmes chemins, il nous paraît utile de conseiller les mesures précédentes qui, tout en ne portant pas une grave atteinte au commerce et à l’agriculture, rendraient la propagation de la maladie plus difficile.


II. — De la Rage.

1o Tous les animaux atteints de cette terrible maladie devraient être immédiatement tués et enfouis ainsi que nous l’avons dit dans notre article 9. Ceux dont la morsure par un animal enragé serait dûment constatée devraient être tués aussi sur le champ, à moins qu’ils n’aient été cautérisés presqu’aussitôt après la morsure. Toutefois, comme la cautérisation, faite quelquefois par des mains inhabiles, pourrait être inefficace, nous serions d’avis que ces derniers animaux fussent néanmoins séquestrés ou muselés pendant les 3 mois consécutifs à la morsure.

Quant aux animaux suspects par suite des circonstances autres que la morsure et indiquées dans le paragraphe suivant, ils devraient être tués sur le champ ou bien séquestrés ou munis d’une muselière métallique pendant 3 mois.

Dans tous les cas, l’abattage des animaux enragés ne devrait donner lieu, ce nous semble, à aucune indemnité, car ces animaux sont aussi dangereux que les bêtes féroces dont l’homme doit chercher à se débarrasser par tous les moyens possibles. D’un autre côté, les animaux (chiens) spécialement affectés de cette maladie ont, en général, une valeur intrinsèque minime et leur perte exerce une influence insignifiante sur l’intérêt public et sur l’intérêt privé.

Nous ne sommes nullement partisan de la séquestration ou du musellement des animaux mordus par un autre animal enragé, quelle qu’en soit la durée ; car, l’incubation de la rage n’étant pas déterminée, on ne serait jamais sûr d’obtenir le but qu’on se propose.

Afin de satisfaire le goût ou le caprice de certaines personnes, on exposerait un grand nombre de ses concitoyens à un des plus terribles fléaux qui existent sur la terre : la rage.

Donc en présence d’une morsure certaine, l’hésitation serait un crime, un véritable homicide ; aussi n’hésitons-nous pas à conseiller l’abattage immédiat des animaux sciemment mordus et non cautérisés.

Sans doute, on pourrait nous dire qu’en agissant ainsi, on sacrifierait beaucoup d’animaux inoffensifs, puisque les statistiques faites aux trois écoles vétérinaires de France et à l’école de Berlin sur des chiens et chevaux mordus par des animaux enragés démontrent que le degré de la contagion varie du 1/3 au 1/8. Mais comme l’existence de plusieurs milliers d’animaux n’est rien en comparaison de la vie d’un seul homme, nous croyons que cette crainte ne doit nullement arrêter le législateur dont le but principal est de sauvegarder la vie de son semblable.

2o Voici les circonstances qui devraient, ce nous semble, entraîner la suspicion de rage et qui devraient être mentionnées dans un article spécial de la nouvelle loi sanitaire.

D’après nous, tous les animaux suivants devraient être considérés comme suspects :

1o Ceux qui auraient été mordus par des animaux enragés.

2o Ceux qui auraient mangé de la chair, bu du sang, du lait des animaux atteints de la rage ou qui auraient été souillés par le contact de ces matières ou autres humeurs, notamment de la salive.

3o Ceux qui auraient eu des rapports sexuels avec des animaux suspects, qui plus tard seraient devenus effectivement enragés.

4o Ceux qui auraient été mordus par des chiens que leur état de fureur aurait forcé d’abattre et qui, à l’autopsie, auraient présenté les lésions de la rage, indépendamment des signes de la mort violente.

5o Ceux qui auraient été mordus par des chiens trouvés morts et à l’ouverture desquels on n’a constaté que les lésions faisant suspecter la rage.

6o Les chiens affectés d’un état maladif vague, avec un air menaçant, voix modifiée, envie de mordre, refus des liquides ou des aliments, salivation abondante.

Un article, conçu dans ce sens, aurait, ce nous semble, l’utilité incontestable de faciliter la tache de l’administration et même des citoyens, en leur indiquant les animaux qui nécessitent les mesures prescrites par la loi sanitaire au sujet de la rage. En outre, il rendrait tout refus impossible de la part des citoyens, relativement aux mesures prescrites par l’autorité, sous prétexte qu’elle outrepasse ses droits et qu’elle ordonne l’abattage d’animaux qui ne sont pas suspects.

Quant aux circonstances qui devraient entraîner la suspicion, il nous suffirait, pour les justifier de dire que nous les avons empruntées textuellement à l’excellent traité de Pathologie de M. Lafosse, tome III, page 870.

Toutefois, comme on pourrait être étonné de voir que nous considérons comme matières contaminables la chair, le sang, le lait ou autres humeurs de l’organisme, bien que, d’après les expériences nombreuses faites par Renault, la salive paraisse jouir seule du triste privilège de communiquer la rage et que cette opinion soit admise par M. Reynal, nous sentons le besoin d’exposer les raisons qui nous portent à admettre une opinion contraire.

Sans doute, nous ne nions pas les résultats obtenus par l’habile expérimentateur d’Alfort (Renault) ; mais comme ils sont en contradiction formelle avec ceux qui ont été obtenus par Eckel de Vienne et notre honorable professeur M. Lafosse, qui affirment avoir transmis la rage en inoculant du sang chaud de bouc et de chien enragés, et qu’en pareille occurrence, il nous semble qu’un seul fait positif annule de centaines de faits négatifs, nous sommes persuadé d’agir avec prudence en considérant le sang comme matière contaminable.

Des raisons analogues pourraient être invoquées pour les autres substances que nous avons cru devoir considérer comme susceptibles de transmettre la rage ; mais nous croyons tout à fait inutile de citer les expériences ou observations contradictoires qui ont été faites par les hommes les plus marquants de la médecine vétérinaire, tels que Delafond, Gohier, Renault, M. Lafosse, etc.

3o La vente de la chair et du lait des animaux morts ou atteints de la rage devrait être formellement interdite, pour les raisons que nous venons d’invoquer.

4o Si une contrée était parcourue par un ou plusieurs animaux enragés, l’autorité devrait ordonner immédiatement que tous les chiens fussent enfermés ou munis de muselières métalliques, au moins pendant 40 jours.

Tout chien non muselé serait tué sur le champ.

5o Comme les chats enragés sont très-difficiles à maîtriser et très-redoutables par leur fureur, nous serions d’avis que si la rage était constatée sur trois ou quatre chats d’une localité, tous les animaux de cette espèce qui se trouveraient dans cette commune, fussent tués sur le champ.

6o Enfin, nous voudrions que chaque commune fût pourvue d’une boîte de secours, renfermant tous les instruments ou drogues nécessaires pour procéder à la cautérisation dans le plus bref délai.

Cette boîte serait déposée à la Mairie et confiée à la garde de l’Instituteur et elle contiendrait une instruction sur la meilleure manière d’en faire usage suivant les différents cas[2].

Puisque la cautérisation est la seule mesure préservatrice que possède actuellement la science, l’institution des boîtes de secours est la meilleure mesure qu’on puisse prescrire ; et lors même qu’on ne préserverait ainsi de la rage qu’un seul homme tous les siècles, on serait, croyons-nous, amplement dédommagé des sacrifices pécuniaires imposés aux communes.

Pour terminer tout ce qui est relatif à cette terrible maladie, il nous faut chercher à élucider cette question : La rage est-elle ou non incurable ?

Jusqu’à présent, si, par malheur, un individu mordu par un chien enragé ne s’est pas aperçu ou ne s’est pas inquiété de cet accident, il est perdu sans ressources et la médecine ne peut qu’assister impassible à sa terrible agonie. Elle se reconnaît impuissante à le sauver, même à le soulager.

Pour toutes les personnes de l’art médical, la rage est donc une maladie incurable, contre laquelle viennent échouer toutes les ressources de la médecine.

Et cependant, il existe dans certaines contrées, des soi-disant guérisseurs qui prétendent avoir le pouvoir d’empêcher l’éclosion de cette redoutable affection et auxquels le vulgaire accorde malheureusement une confiance illimitée.

Voyons jusqu’à quel point cette confiance est méritée et sur quoi repose la renommée dont ils jouissent.

À ce sujet, nous croyons utile d’examiner d’abord le degré de la contagion de la rage, à la suite d’une morsure en nous basant sur les expériences et les observations qui ont été faites à ce sujet, soit en médecine humaine, soit en médecine vétérinaire.

À l’École de Toulouse, M. le professeur Lafosse a constaté que sur 60 animaux suspects pour avoir été mordus par des enragés, 21 seulement (le tiers environ) sont devenus enragés, les 39 autres n’ont rien éprouvé.

À l’École d’Alfort, dans une période de dix ans (1827-1837), 244 chiens ayant été mordus par des chiens enragés ou regardés comme tels, sont entrés dans les hôpitaux de l’École, où ils ont été conservés au-delà de deux mois, sans avoir suivi aucun traitement. Sur ce nombre, 74 seulement (le tiers environ) ont été affectés ultérieurement de la rage.

À l’École de Lyon les relevés faits à cet égard et dans les mêmes conditions ont démontré que la proportion de ceux qui sont devenus enragés est de 1 sur 5 pour les chiens et de 1 sur 4 pour les chevaux.

Enfin, à l’École de Berlin, Hertwig a constaté que sur 137 chiens mordus et amenés à sa clinique, 16 seulement (le huitième environ) sont devenus enragés.

Pour l’espèce humaine, la proportion de ceux qui seraient devenus enragés à la suite d’une morsure semble être plus grande.

En 1853 et 1854, sur 99 personnes mordues par des animaux manifestement enragés, M. Ambroise Tardieu n’a constaté la rage que sur 41.

De 1855 à 1858 inclusivement, l’enquête du Comité consultatif d’hygiène publique a constaté que sur 198 individus atteints de morsures virulentes, 112 seulement auraient contracté la rage, c’est-à-dire environ 6 sur 10.

De tous ces faits observés dans des conditions différentes, il résulte que les deux tiers au moins des individus mordus par des chiens de rue enragés ou supposés tels, ne contractent pas la rage.

Ces résultats que nous venons de signaler nous démontrent que les guérisseurs de la rage bénéficient nécessairement de tous les cas dans lesquels, naturellement, la maladie ne se serait pas montrée, parce que l’individu mordu y était réfractaire, ou parce que les conditions de l’inoculation ne s’étaient pas trouvées réunies.

Ils agissent, comme on dit vulgairement, au petit bonheur et les prétendues guérisons qu’ils obtiennent sont dues au hasard et non à leur savoir.

Jusqu’à aujourd’hui, on peut donc dire que la cautérisation, surtout avec le fer rouge, est la seule mesure préservatrice sur l’efficacité absolue de laquelle on puisse compter après la morsure d’un animal enragé.

Or, il arrive, dans la généralité des cas, que les personnes mordues par un chien enragé ou regard comme tel, dédaignent de recourir à cette seule mesure préservatrice, c’est-à-dire à la cautérisation de la morsure, sous prétexte qu’elles doivent aller trouver un de ces guérisseurs en qui elles ont une confiance illimitée. C’est ce qui arriva pour le sieur Cruchandeau, entrepreneur maçon, qui, au mois d’octobre dernier, fut mordu par un chien enragé et à qui je conseillai d’aller se cautériser au fer rouge, presqu’immédiatement après la morsure. Il n’en voulut rien faire et il aima mieux se rendre auprès du guérisseur de Montblanc (Hérault) dont la renommé est inattaquable dans le Narbonnais.

Dans ce cas, le tort immense et parfois irréparable que portent ces guérisseurs à leurs concitoyens ressort de lui-même et devraient, ce nous semble, les faire tomber sous le coup de l’article 1382 du code civil.

À cet effet, nous serions d’avis que le Gouvernement contraignit ces prétendus guérisseurs à faire des expériences dans l’une des trois écoles vétérinaires. Si elles donnaient un résultat positif, l’État leur accorderait le droit d’exercer et il devrait même leur donner la prime offerte à celui qui trouvera le remède de la rage ; dans le cas contraire, il leur serait expressément détendu d’exercer de nouveau. Les résultats de ces expériences devraient être affichés dans tous les départements voisins du lieu de leur résidence.

En agissant ainsi, la loi laisserait au mérite toute latitude pour se révéler ; mais elle combattrait impitoyablement tous ces hommes sans foi et sans honneur, qui, abusant de la crédulité publique, abaissent le moral des populations et deviennent même parfois homicides à leur insu.


III. — Du Charbon

1o En admettant que la vente des animaux atteints ou suspects du Charbon soit défendue d’une manière générale par un article analogue à notre article 8, nous serions d’avis que celle des animaux suspects fût autorisée, à la condition toutefois que le vendeur en informerait l’autorité municipale du lieu où la vente serait faite ainsi que l’acheteur qui serait ainsi averti des risques auxquels il s’exposerait.

La loi devrait stipuler, en outre, que toute vente, faite sans déclaration, entraînerait la résiliation avec dommages-intérêts, s’il y avait lieu.

Comme on le voit, un article ainsi conçu serait conforme à l’équité, puisqu’il favoriserait à la fois l’acheteur et le vendeur. Le premier, agissant dès lors avec connaissance de cause, se livrerait, pour ainsi dire, à une sorte de spéculation ; tandis que le second aurait le droit de se soustraire, en quelque sorte, à l’action du fléau qui le frappe, vu qu’un tel article permettrait indirectement l’émigration, mesure qui seule suffit souvent pour arrêter la marche envahissante du charbon, surtout dans les troupeaux de bêtes à laine.

2o Bien que le charbon soit une maladie contagieuse, il nous semble que l’émigration des bêtes à laine atteintes ou suspectes du sang de rate devrait être permise dans des lieux indemnes, situés à 4 kil. au moins de toute habitation, mais aux conditions suivantes :

1o On devrait éviter tout contact du troupeau infecté ou suspect avec les animaux des diverses communes que celui-ci traverserait.

2o Si dans le trajet parcouru, il venait à mourir quelques bêtes, on devrait les enfouir ainsi que nous l’avons dit dans notre article 9.

3o Le propriétaire des animaux qui émigreraient resterait dans le droit commun et demeurerait responsable des dommages qu’il aurait causés.

La justification de cette mesure résulte de ce que nous venons de dire précédemment, car, comme la précédente, elle autoriserait l’émigration, sans préjudice pour la salubrité publique. D’ailleurs, la contagion volatile du Charbon est encore fort controversée ainsi qu’il résulte de la discussion qui a eu lieu en 1847, au sein de la Société centrale de Médecine Vétérinaire, des expériences faites à Alfort par Barthélemy aîné et Renault et surtout des explications données par M. Lafosse, dans son T. de Pathologie, T. III, p901, relativement aux faits positifs de contagion volatile observés par Garrau, Roche-Lubin etc.

3o La vente du lait et de la chair des animaux charbonneux devrait être interdite.

Tous les auteurs vétérinaires sont unanimes pour repousser la consommation de la chair qui est une substance éminemment contaminable et putréfiable.

Il en est de même pour le lait ; car, outre que ce liquide a servi quelquefois de véhicule à la matière virulente du Charbon, d’après les observations de Gohier, de Desplas (Instructions vétérinaires T. II) et de Crisholm (Recueil 1822), la marche de la maladie, même sur un troupeau, est tellement rapide que cette prohibition ne constitue pas un préjudice réel pour les propriétaires des animaux charbonneux dont la sécrétion laiteuse est notablement diminuée, bien qu’elle soit une garantie pour la salubrité publique.

4o L’utilisation des débris cadavériques devrait être tolérée dans les conditions suivantes :

1o Le transport des cadavres ou la conduite des animaux au lieu d’équarrissage devrait être faite d’après les indications de l’autorité.

2o L’équarrissage serait fait par des hommes spéciaux que l’autorité nommerait et auxquels elle indiquerait les précautions à prendre pour se préserver des atteintes du virus charbonneux.

3o La peau devra être désinfectée avant d’être livrée au commerce.

4o Les cadavres pourraient être réduits en engrais ou transformés en produits chimiques ou industriels.

Toutefois, il serait bon que cette utilisation fût immédiate. Dans le cas contraire, l’enfouissement des cadavres devrait être fait ainsi que nous l’avons dit dans notre article 9.

Cette mesure aurait pour but de diminuer, autant que possible, les atteintes graves portées par le fléau soit à la fortune des particuliers, soit même à la fortune publique, tout en sauvegardant l’intérêt général des citoyens.

5o Enfin, si l’épizootie prenait une trop grande extension, nous croyons que l’autorité devrait avoir le droit de recourir, sur l’avis du vétérinaire délégué, aux mesures suivantes : marque des animaux atteints ou suspects du Charbon, enfouissement des cadavres, dénombrement des animaux dans les communes infectées et suspension ou surveillance des foires et marchés. Ces mesures devraient être appliquées ainsi que nous l’avons dit précédemment dans nos divers articles.

En outre, dans ce cas, l’autorité locale informerait immédiatement l’autorité préfectorale qui confirmerait ou modifierait ses prescriptions.

Les mesures qui précèdent suffisent, ce nous semble, dans la plupart des cas, pour arrêter la marche des maladies charbonneuses et concilient, dans la limite du possible, l’intérêt public et l’intérêt privé.


IV. — Du Typhus contagieux (Peste bovine).

Pour l’exposé de ce qui est relatif à cette redoutable maladie, nous nous inspirerons beaucoup de l’article Police sanitaire du Typhus contagieux (Pathologie, T. III, page 946) dû à l’excellente plume de M. Lafosse, tout en consultant cependant la Police sanitaire de M. Reynal et les diverses législations étrangères concernant le Typhus. Nous adopterons, en outre, le plan qu’a suivi M. Lafosse dans son Traité de Pathologie, bien qu’il doive nous entraîner à d’inévitables redites, comme le fait remarquer ce savant professeur.

À cet effet, nous diviserons le chapitre du Typhus en trois paragraphes dans lesquels nous examinerons successivement : 1o les mesures permanentes à prendre pour empêcher l’invasion du Typhus en France ; 2o Dans les cas où il sévit dans une nation voisine ; 3o Dans ceux où il envahit une partie plus ou moins étendue du territoire français.

I
Des mesures permanentes pour prévenir l’invasion du Typhus en France.


Y a-t-il des mesures permanentes à prendre pour prévenir l’invasion du Typhus en France ?

Telle est la question que nous devons d’abord résoudre.

Partant de cette donnée définitivement acquise à la science, que la Peste bovine provient toujours des steppes de la Russie méridionale et qu’elle ne peut pénétrer en France que par voie de contagion, la plupart des vétérinaires ont conseillé des mesures permanentes qui, tout en tenant compte des exigences de l’industrie et surtout de l’alimentation publique, auraient pour but d’empêcher l’entrée en France des animaux atteints de cette redoutable maladie.

Ainsi M. Lafosse conseille d’établir aux frontières des abattoirs où tous les bestiaux étrangers seraient sacrifiés, de telle sorte qu’ils ne pénétreraient en France qu’à l’état de comestibles ; M. Reynal préconise l’institution aux frontières de stations vétérinaires ayant pour but de visiter les bestiaux étrangers ; enfin l’Autriche a recours à la mise en quarantaine des bestiaux étrangers aux frontières.

Comme il est facile de le voir, ces mesures auraient toutes des inconvénients plus ou moins grands ; elles ne satisferaient point, en outre, tous les besoins du pays et elles occasionneraient des dépenses assez considérables pour le Trésor si malheureusement grevé depuis la dernière guerre. D’un autre côté, la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve la France au point de vue sanitaire, nous fait pencher vers l’opinion de M. H. Bouley.

Nous pensons, avec cet éminent professeur, que notre frontière de l’est est suffisamment protégée par la rigoureuse application des mesures sanitaires, faite par la Belgique, la Suisse et l’Allemagne, dans le but de se préserver du fléau des steppes, pour que le Gouvernement français puisse maintenir la liberté commerciale, telle qu’elle existe de nos jours.

La même sécurité règnera, croyons-nous, pour nos départements limitrophes de nos chères provinces d’Alsace et Lorraine, si brutalement arrachées de la mère-patrie, où le code sanitaire de la Prusse sera évidemment mis en vigueur et appliqué aussi scrupuleusement que dans les autres états de l’empire d’Allemagne.

D’ailleurs, ce système de liberté commerciale que nous préconisons a reçu, en quelque sorte, sa sanction pratique. Les États allemands (Bavière, Wurtemberg, Grand-Duché de Bade, Hesse Grande-Ducale) qui ont signé la convention de Mannheim, ont prouvé d’une manière pratique que la liberté de transactions pouvait être maintenue entre deux États voisins, alors même que l’un d’eux serait envahi par la Peste bovine, pourvu que chacun eût recours à des mesures énergiques et rigoureuses pour éteindre les foyers d’infection ou du moins pour en empêcher l’irradiation.

Aussi, nous nous croyons autorisé à ne conseiller la surveillance de nos frontières concernant les animaux susceptibles de contracter la Peste bovine et leurs produits bruts, que si les États voisins étaient ravagés par cette redoutable maladie. Il nous semble, en effet, que dans l’état actuel des relations commerciales entre les divers pays d’Europe, la crainte des pertes que peut causer la Peste bovine ne doit pas faire perdre de vue les intérêts généraux et surtout les exigences de notre situation financière.

II
Mesures à prendre quand la Peste bovine éclate dans un pays voisin du territoire français.

1o Dans ce cas, nous voudrions que les Préfets des départements limitrophes du pays infecté avertissent l’autorité supérieure et fussent obligés de prescrire d’urgence la surveillance des importations.

À cet effet, toutes les localités frontières où seraient situés les bureaux de douane pour les arrivages du pays infecté, devraient être aussitôt pourvues d’un vétérinaire, chargé de faire la visite des animaux ruminants et des porcs qui proviendraient de ce même pays.

Tous les animaux reconnus atteints ou même suspects du Typhus devraient être refusés. Ceux qui, au contraire, seraient reconnus sains, seraient pourvus d’un certificat de santé et pourraient dès lors circuler sur le territoire français.

Quant aux produits animaux bruts, tels que peaux fraîches, salées ou non salées, peaux sèches, suifs, etc., ils ne devraient être admis aux bureaux de douane ci-dessus mentionnés, que sur un certificat officiel constatant que ces divers produits ont été désinfectés.

2o Si la Peste bovine continuait à s’étendre dans le pays infecté et que son irruption en France fut à craindre, l’autorité centrale devrait, sur l’avis des préfets des départements limitrophes, modifier les mesures que nous venons d’énoncer.

Elle devrait ordonner, ce nous semble, que les animaux reconnus sains après la visite faite comme nous venons de le dire, fussent expédiés dans les grands centres de consommation où il pourrait être établi, pendant toute la durée de l’épizootie, un lieu spécial sur le marché des bestiaux ou un marché particulier pour l’exposition en vente des animaux provenant de l’étranger.

Dans ce cas, les animaux seraient expédiés exclusivement par chemin de fer et ainsi que nous l’avons dit dans notre article 38.

À cet effet, tous les animaux visités à la frontière et reconnus sains seraient pourvus d’une marque spéciale, déterminée par l’autorité et portée à la connaissance du public, notamment des Compagnies de chemins de fer.

3o Enfin, si les circonstances l’exigeaient, l’autorité supérieure devrait interdire l’importation des ruminants et des porcs qui proviennent du pays infecté, ainsi que celle des matières contaminables, telles que produits animaux bruts, plumes, duvets, foin, etc., qui viendraient de cette même contrée.

Les personnes elles-mêmes qui arriveraient de ce pays devraient être soumises à un bain de savon, par exemple, et leurs habits devraient être désinfectés dans des locaux particuliers situés aux frontières.

Quant aux animaux ou autres objets introduits frauduleusement, ils seraient laissés à la discrétion de l’autorité.

4o Si l’épizootie approchait de la frontière à une distance de 3 kil. environ, les Préfets des départements ainsi menacés devraient avertir immédiatement leurs administrés et leur indiquer les mesures à prendre pour prévenir l’invasion du typhus.

Ils devraient, en outre, dans un rayon de 2 kil. à partir de la frontière, suspendre les foires et les marchés, interdire la circulation du bétail, le faire dénombrer chez les propriétaires et n’en permettre la vente que pour la boucherie, avec injonction d’avertir l’autorité des mutations survenues dans les étables.

Dans ce cas, une prime équivalente au double de celle qui serait accordée dans les temps ordinaires devrait être accordée aux trois premiers citoyens qui signaleraient l’apparition de la Peste bovine dans le département.

III
Mesures à prendre quand la Peste bovine envahit une partie plus ou moins étendue du territoire français.


Pour la confection de ce paragraphe, nous avons beaucoup emprunté à l’arrêté que fit en 1871, sur la proposition de M. Reynal, le préfet de la Marne, afin de combattre le typhus contagieux et de prévenir les dangers de sa propagation par les animaux livrés à la boucherie.

1o Dès que la Peste bovine apparaît dans une commune, l’autorité locale devrait être tenue d’avertir non-seulement l’autorité préfectorale et ses administrés, mais encore les maires des communes situées dans un rayon de 40 kil. qui, à leur tour, seraient obligés d’en donner avis à leurs administrés.

2o Toute commune dans laquelle on aurait constaté un seul cas de Peste bovine devrait être mise sous séquestre.

Le maire de cette commune avertirait les propriétaires, par des affiches placées aux diverses entrées de la localité, qu’aucun animal ne peut entrer dans ladite commune, ni en sortir.

3o Les communes infectées devraient être visitées, au moins une fois par jour, par un vétérinaire délégué par l’autorité.

Nota. Si l’organisation du service sanitaire avait lieu, chaque vétérinaire cantonnai serait chargé des communes de son ressort.

4o À la première apparition du typhus, l’autorité devrait désigner un expert-vétérinaire, chargé de faire le recensement et l’estimation des bêtes à corne de la commune infectée, afin de faciliter la distribution des indemnités, s’il y a lieu.

Un tableau contenant la valeur détaillée de ces estimations devrait être affiché ; il devrait rappeler aux citoyens la faculté de révision qui leur serait accordée au sujet des estimations, si notre procédé d’évaluation était adopté.

5o Les animaux malades ou suspects et les bâtiments dans lesquels ils se sont trouvés devraient être marqués ainsi que nous l’avons dit dans nos articles 34 et 35.

6o Tout le bétail des communes situées dans le rayon de 1 kil. du foyer ou des foyers d’infection devrait être rigoureusement séquestré pendant toute la durée de l’épizootie et même 50 jours au-delà. À cet effet, il serait défendu de laisser errer les petits animaux, tels que chiens, chats, etc., et les personnes seraient priées de restreindre, autant que possible, leurs communications soit entre elles, soit avec celles qui seraient placées hors du rayon infecté.

Aucune matière contaminable (ce qui serait déterminé par le vétérinaire délégué), ne pourrait sortir des bâtiments situés dans ledit rayon, sans l’autorisation de l’administration, sur l’avis du vétérinaire délégué.

7o Au début, lorsque la Peste bovine apparaît d’une manière soudaine dans une localité et qu’il n’y a qu’un petit nombre d’animaux malades ou suspects, nous serions d’avis que l’autorité ordonnât l’abattage immédiat de tous ces animaux, en se conformant aux prescriptions que nous avons énoncées dans notre article 40. Les indemnités devraient être fixées ainsi que nous l’avons dit dans notre article 41.

Si l’abattage est ordonné dans les limites tracées par cet article, l’enfouissement des cadavres devrait être pratiqué comme nous l’avons indiqué dans notre article 9.

Dans le cas contraire, c’est-à-dire si l’abattage était fait dans des limites supérieures à celles qui sont tracées par l’article 40, nous croyons que l’usage des viandes abattues pourrait être autorisé par un arrêté du préfet.

Cet arrêté devrait déterminer :

1o Les conditions sous lesquelles devrait s’opérer le transport des viandes ou des animaux suspects, du lieu de provenance au lieu d’abattage.

2o Les précautions à prendre pour que les animaux vivants ne soient pas détournés de leur destination et soient abattus immédiatement.

8o Les fumiers, les pailles et les foins touchés ou approchés par les animaux malades ou suspects devraient être enfouis, saupoudrés de chaux vive et recouverts d’un mètre de terre. On ne devrait pouvoir les employer qu’après un délai de trois mois.

Les étables qui auraient été habitées par des animaux malades ou suspects devraient être désinfectées ainsi que nous l’avons dit dans notre article 20.

À cet effet, il serait bon que, dès l’apparition du typhus, chaque maire établit dans sa localité un dépôt de matières désinfectantes, telles que du chlorure de chaux, acide phénique, etc., qui seraient mises à la disposition des propriétaires dont les étables seraient visitées par le typhus.

Les cuirs des bêtes livrées à la boucherie devraient être plongés dans des bains désinfectants.

9o Les foires et marchés devraient être formellement interdits non-seulement dans les communes infectées, mais encore dans celles qui sont comprises dans le rayon de 1 kil. du foyer d’infection.

Toutefois, nous serions d’avis que la vente à l’étable et pour la boucherie seulement des animaux suspects fût permise, à la condition que ces animaux seraient marqués d’une manière particulière et que la vente serait faite ainsi que nous l’avons dit dans notre article 8.

10o L’introduction de bêtes bovines dans la commune infectée ne devrait être permise qu’après un délai d’un mois, à partir du jour où la peste bovine ayant entièrement disparu, l’autorité locale en aurait donné avis et levé le séquestre.

11o Si la Peste bovine envahissait un ou plusieurs cantons du même département, toutes les mesures que nous venons d’indiquer au sujet des communes infectées devraient être encore applicables.

En outre, l’autorité administrative devrait se conformer à notre article 39, relatif au transport des animaux par chemin de fer.

12o Enfin, si le typhus avait envahi un ou plusieurs départements, on devrait recourir, ce nous semble, aux mesures suivantes :

I. Le traitement des animaux malades devrait être autorisé, après en avoir fait la déclaration.

II. La mutation des animaux malades ou sains ne devrait être autorisée dans les lieux infectés que sur la permission de l’autorité, et la sortie des fourrages devrait être formellement interdite.

III. Les mesures que nous avons énoncées dans les paragraphes 4, 5, 6 et 9 relatifs aux communes infectées, devraient être mises en exécution.

IV. Les foires et marchés devraient être interdits dans tout le département.

V. L’importation des ruminants devrait être formellement interdite dans tout le département jusqu’à nouvel ordre. Toutefois, celle des animaux destinés à la boucherie devrait être permise sous les conditions que nous énoncerons dans le paragraphe suivant.

VI. Les autorités préfectorales devraient se conformer aux prescriptions de notre article 39.

VII. La viande des animaux malades ou suspects pourrait être livrée à la consommation suivant les prescriptions du paragraphe 7 relatif au typhus, et l’utilisation des débris cadavériques suivant celles du paragraphe 4 relatif au charbon.

VIII. L’autorité préfectorale devrait nommer des vétérinaires chargés de veiller à l’exécution des mesures sanitaires dans des circonscriptions déterminées.

12o Toute personne qui voudrait introduire, dans un département infecté, des animaux destinés à la boucherie, devrait être munie d’un certificat ou d’un laisser-passer délivré par l’agent commis à cet effet par le préfet de police s’ils viennent du département de la Seine.

Cette pièce devrait être présentée à toute réquisition.

Tous les animaux qui ne seraient pas pourvus de ce certificat ou de ce laisser-passer seraient arrêtés et immédiatement abattus.

14o L’importation des animaux ruminants, interdite dans le département infecté pendant toute la durée de l’épizootie, ne devrait être autorisée que 30 jours après sa disparition, par avis préfectoral.

Ce dernier avis aurait le soin de déterminer les conditions sous lesquelles cette importation serait permise.

15o Si les circonstances l’exigeaient, et dans le but d’assurer le repeuplement des contrées visitées par le typhus, l’autorité devrait interdire la vente à la boucherie de tous les veaux ou génisses âgés de 3 mois à 10 ans.

En outre, elle pourrait accorder une certaine prime, par tête, au propriétaire qui, pendant l’épizootie, introduirait des solipèdes propres à la charrue, à la condition qu’un certificat constaterait que ces animaux proviennent de pays indemnes.

Enfin, elle pourrait établir deux primes pour encourager l’élevage des ruminants ou autres animaux dans le département.

Ces primes seraient données aux deux propriétaires qui se seraient distingués par le plus grand nombre et la qualité des élèves, relativement à l’étendue et à la fertilité de leur domaine.

Une commission serait instituée à cet effet et, après avoir visité les diverses étables ou écuries du département, ferait un rapport au Préfet qui agirait dès lors en connaissance de cause.

La Peste bovine est une des plus terribles maladies du gros bétail : c’est à elle que les animaux de l’espèce bovine paient, sans contredit, le plus large tribut, ainsi qu’il résulte des statistiques faites par le Dr Faust, d’après lesquelles la France et la Belgique seules ont perdu, dans l’espace de 85 ans, environ 10 000 000 bêtes à corne, atteintes de typhus. C’est donc, la guerre excepté, le plus terrible fléau qui puisse attaquer un État.

En présence de cette gravité, on ne doit pas être étonné des mesures souvent rigoureuses que nous avons cru devoir conseiller.

Certain que le typhus provient exclusivement des steppes de la Russie méridionale et qu’il ne pénètre en France que par l’importation des animaux venant des contrées infectées, nous avons cherché, dans le deuxième paragraphe, à diminuer les chances de contagion résultant de l’introduction des animaux étrangers, tout en tenant compte des exigences de l’alimentation publique. À cet effet, nous avons soumis cette importation à certaines formalités dont le but est d’empêcher l’entrée des animaux atteints de cette redoutable maladie.

Nous avons ensuite examiné le cas où la Peste bovine sévissait avec intensité dans les contrées voisines de la France. À ce sujet, nous avons conseillé l’interdiction absolue des matières contaminables provenant des contrées infectées, pendant tout le temps qu’y sévira l’épizootie. Il nous a paru que cette interdiction sur une partie de nos frontières n’amènerait pas une grande perturbation dans notre commerce, et qu’en outre les pertes qu’elle pourrait occasionner seraient bien minimes eu égard à celles qui résulteraient de l’introduction du Typhus en France.

Enfin, dans le troisième paragraphe, nous avons fait la supposition douloureuse que des années désastreuses pour la gloire nationale, telles que celles de 1814 et 1870, pourraient malheureusement se renouveler dans un avenir plus ou moins éloigné et qu’elles pourraient amener les mêmes résultats au point de vue qui nous occupe, c’est-à-dire l’introduction de la Peste bovine dans plusieurs départements français, et nous avons indiqué les mesures qui nous ont paru nécessaires pour en amener l’extinction, suivant que le Typhus sévirait dans une étendue plus ou moins circonscrite.

Dans le premier cas, nous avons cherché à détruire radicalement les divers foyers d’infection en conseillant l’abattage immédiat des animaux malades ou suspects et la séquestration absolue des communes infectées. Ces mesures nous semblent parfaitement justifiées ; elles entraînent, en effet, une perte peu considérable et elles exercent une influence bien minime sur les principales branches de la fortune publique, eu égard aux dangers que la persistance ou l’extension du typhus font courir à la gent bovine, élément essentiel de l’alimentation publique et partie intégrante de la fortune nationale.

Dans le 2e cas, c’est-à-dire si la Peste bovine occupe une grande étendue du territoire, nous avons modifié les mesures que nous avons conseillées dans le cas précédent, parce qu’elles amèneraient, ce nous semble, un résultat contraire à celui qu’on se propose ; elles substitueraient des pertes certaines pour l’État et les particuliers à des pertes éventuelles, car l’expérience a démontré que le typhus n’entraînait pas toujours la mort des animaux qu’il atteignait. D’un autre côté, elles amèneraient une grande perturbation dans le commerce et l’industrie, en enlevant la plupart des matières premières et elles occasionneraient la ruine et la misère dans les classes pauvres, par suite de l’augmentation des denrées qui en serait la conséquence.

C’est afin d’obvier à ces inconvénients que nous avons permis le traitement des animaux malades ou suspects, soumis cependant à une rigoureuse séquestration, et que nous avons cru utile de conseiller l’usage des viandes abattues et l’utilisation des débris cadavériques provenant de ces mêmes animaux.

Puisque l’innocuité de cette viande a été démontrée, d’une manière irréfutable, pendant le blocus de Strasbourg en 1815 et surtout pendant la désastreuse campagne de 1870-1871, ces deux dernières mesures auraient pour but de diminuer les atteintes portées à la fortune publique et d’atténuer considérablement les perturbations que l’existence du typhus occasionne au commerce et à l’industrie de la nation ravagée.

Avons-nous réussi à résoudre ce problème si difficile, ayant pour but de concilier les divers intérêts des nations et des particuliers avec les mesures très-rigoureuses que nécessite l’apparition de la Peste bovine dans un État ? À nos lecteurs de répondre.


V. — De la Morve et du Farcin.

1o Sur l’avis du vétérinaire délégué, les chevaux morveux et farcineux devraient être immédiatement abattus.

Les débris cadavériques pourraient être utilisés dans les conditions que nous avons indiquées dans le paragraphe 4 relatif au charbon. Dans le cas contraire, les cadavres devraient être enfouis ainsi que nous l’avons dit dans notre article 9.

2o Les animaux suspects, c’est-à-dire ceux qui auront été en contact avec des sujets infectés, mais qui ne présenteront aucun symptôme, devraient être rigoureusement séquestrés et ne devraient être employés à un service quelconque. En outre, ils devraient être visités, au moins deux fois par semaine, par un vétérinaire délégué à cet effet. On pourrait même les marquer ainsi que nous l’avons dit dans notre article 35.

3o On devrait accorder une indemnité équivalente à la moitié ou à la totalité de la valeur des animaux abattus, suivant qu’ils sont malades ou suspects.

4o Pour prévenir la contagion à l’homme, les palefreniers, les cochers, les conducteurs de chevaux ou toute autre personne, ne devraient point coucher dans les écuries où se trouvent des animaux affectés de morve et de farcin ou même suspectés de ces maladies.

Les indemnités sont aussi justes que pour les autres maladies contagieuses ; elles sont d’ailleurs basées sur les mêmes principes.

Cependant, dans le N° du Recueil de juin 1874, M. Bouley, répondant à M. Tabourin, envisage le cas de morve au sujet des indemnités et se demande si l’indemnité est encore due, lorsque la morve, qu’elle soit spontanée ou non, se manifeste sur des chevaux qu’on exploite à outrance et qui sont nourris d’une manière insuffisante.

La réponse qu’il donne est négative : car, dit-il, dans ce cas la morve ou le farcin sont le fait de l’homme et dès lors ce dernier doit être seul responsable.

Je ferai d’abord remarquer que cette étiologie de la morve n’est pas constante, c’est-à-dire que ces causes n’agissent pas toujours dans ce sens et qu’en outre, comme le fait remarquer M. Galtier d’Arles, il ne serait guère possible, dans la pratique, d’établir si la morve est ou non le fait de l’homme.

À cet effet, ce dernier vétérinaire cite deux cas qui mettent cette impossibilité en évidence : 1o La morve fait son apparition sur des animaux soumis à de bonnes conditions hygiéniques et exposés à avoir de fréquents rapports avec d’autres chevaux qu’on ne sait point morveux ; l’abattage des animaux reconnus malades est nécessaire, y aura-t-il ou non indemnisation ?

2o Un certain nombre de chevaux soumis aux mauvaises conditions hygiéniques énumérées par M. Bouley et dans l’écurie desquels la morve n’avait jamais exercé ses ravages, sont tout à coup affectés de cette maladie ; et on finit par constater que ces animaux ont été en contact avec des animaux morveux ; la maladie s’est donc probablement introduite par cette dernière voie. Que faire dans ce cas où le propriétaire, malgré son incurie, n’aurait probablement pas vu la morve se déclarer dans son écurie, si l’autorité avait pu éliminer à temps les sujets contagifères ?

Comme on le voit, la distinction établie par M. Bouley serait impossible à faire, et d’un autre côté, l’influence de la mauvaise hygiène comme cause pathogénique de la morve ou du farcin n’est pas admise par tous les pathologistes. Aussi nous semble-t-il préférable de comprendre la morve dans le cadre des autres maladies contagieuses, au sujet des indemnités.


VI. — De la Péripneumonie contagieuse.

1o Si la Péripneumonie contagieuse sévit dans un pays voisin de la France, l’autorité devrait mettre en application les mesures que nous avons indiquées dans le paragraphe 5 relatif à la fièvre aphtheuse.

Toutefois l’importation du troupeau dans lequel il y aurait un ou plusieurs animaux malades devrait être permise, pourvu qu’on pratique la péripneumonisation des animaux indemnes. Cette dernière mesure ne donnerait lieu évidemment à aucune indemnité de la part du Gouvernement français.

2o Si cette maladie apparaît d’une manière soudaine dans une localité et qu’elle ne sévisse que dans deux ou trois étables, l’autorité communale devrait ordonner l’abattage immédiat des animaux malades, dans les limites que nous avons indiquées dans notre article 40.

Elle devrait, en outre, prescrire l’isolement des animaux suspects ainsi que la désinfection des bâtiments infectés.

3o Si, au contraire, la Péripneumonie a envahi plusieurs étables, l’autorité devrait se borner à prescrire seulement l’isolement des animaux malades et suspects ainsi que la désinfection des locaux où se trouvent ces animaux.

Toutefois, si les circonstances le permettaient, elle pourrait autoriser le cantonnement dans des territoires particuliers ou dans un quartier des pâturages communs, en ayant le soin d’indiquer les voies et chemins assignés aux animaux malades ou suspects.

Ces animaux pourraient être marqués d’une manière spéciale, suivant qu’ils sont malades ou suspects.

4o Les foires et marchés devraient être formellement interdits dans les localités infectées. Néanmoins, sur l’avis du vétérinaire délégué, la vente à l’étable devrait être permise et, dans les grandes villes, un marché spécial pourrait leur être affecté, pour que les animaux malades ou suspects pussent être vendus à la boucherie. Dans ce cas, l’autorité municipale devrait informer de l’apparition de l’épizootie tous les maires des communes situées dans un rayon de 30 kil., afin que ceux-ci pussent se conformer aux prescriptions du paragraphe 7.

5o L’enfouissement des animaux morts ou abattus devrait être fait ainsi que nous l’avons dit dans notre article 9. Toutefois, l’usage de la viande de ces animaux pourrait être autorisé. De même, l’utilisation des débris cadavériques pourrait être permise ainsi que nous l’avons indiqué dans le paragraphe 4 relatif au Charbon.

Les fumiers des étables infectées devraient être traités comme nous l’avons dit dans le paragraphe 8 relatif au typhus.

6o Si malgré les mesures précédemment énoncées, la Péripneumonie continuait à s’étendre, l’inoculation seulement des animaux des étables infectées pourrait être ordonnée aux frais du propriétaire.

Une indemnité équivalente à la moitié de la valeur déterminée comme nous l’avons indiqué dans notre article 41 serait allouée pour tout animal qui succomberait des suites de cette mesure ordonnée par l’autorité.

7o Si la Péripneumonie sévissait dans une contrée, les maires des communes voisines du foyer d’infection devraient, par des avis spéciaux, faire connaître à leurs administrés les communes infectées et leur conseiller de ne jamais introduire dans leurs étables un animal nouvellement acheté dans une région où sévit la Péripneumonie, sans lui avoir fait subir une quarantaine de 40 jours dans une étable séparée.

Comme on peut le voir, nous avons cherché à atténuer, autant que possible, les pertes qu’occasionne aux propriétaires l’apparition de la Péripneumonie dans leurs étables, en permettant l’utilisation de la viande et des débris cadavériques provenant des animaux morts ou abattus.

Nous basant, en outre, sur la mortalité relativement peu considérable (37 p. %) qu’occasionne cette maladie, nous avons laissé toute latitude à l’autorité pour s’inspirer des mesures que nécessite la gravité de l’épizootie. C’est ainsi que nous lui avons laissé le choix d’ordonner ou non l’enfouissement des animaux abattus, d’interdire ou non la vente des animaux de la localité infectée, etc.

Enfin, nous avons conseillé l’inoculation toutes les fois que l’isolement s’est montré insuffisant, car cette mesure est d’une utilité incontestable et a souvent donné de bons résultats. Et, afin de diminuer les résistances que pourraient opposer les propriétaires à l’exécution de cette mesure, nous avons conseillé une certaine indemnité pour tout animal mort des suites de la péripneumonisation ordonnée par l’autorité. D’ailleurs, cette indemnité nous semble conforme au principe général sur lequel nous nous sommes basé pour les indemnités.

Toutefois, comme l’efficacité et même la possibilité de l’inoculation de cette maladie sont niées par quelques vétérinaires, l’État devrait, ce nous semble, instituer deux commissions chargées de vérifier la véracité des diverses assertions qui ont été émises à cet égard.


VII. — De la Clavelée.

1o Si la Clavelée dite irrégulière apparaît d’une manière soudaine dans une localité, l’autorité devrait pouvoir, sur l’avis du vétérinaire délégué, ordonner l’abattage immédiat des premiers animaux affectés, dans les limites que nous avons indiquées dans notre article 40.

Elle ordonnerait ensuite la séquestration et la clavélisation des autres animaux du troupeau.

Dans ce cas, la viande pourrait être livrée à la consommation suivant les prescriptions de l’autorité et l’utilisation des débris cadavériques pourrait avoir lieu comme nous l’avons dit dans le paragraphe 4 du Charbon.

On sait que si la Clavelée est irrégulière, elle occasionne souvent la mortalité de la moitié ou du tiers des animaux atteints et qu’en outre, malgré les précautions prises, le virus claveleux est si subtil qu’on voit parfois la clavelée se propager, sans qu’on puisse savoir les voies qu’elle a suivies. Il nous semble donc qu’en ce cas, la destruction totale du foyer infectieux est un des meilleurs moyens qu’on puisse prescrire, car les dépenses qui en résulteraient pour l’État (indemnisation), ne sont rien auprès des avantages qui en seraient la conséquence.

2o Dans tous les cas, les animaux du troupeau infecté devraient être marqués et rigoureusement séquestrés dans un local particulier, ou bien cantonnés dans des pâturages désignés par l’autorité et situés à 1 kil. de toute habitation et à 200 mètres de tout chemin.

Les bâtiments où se trouvent les animaux malades ou suspects devraient être également marqués.

3o Dès que la Clavelée apparaît dans une localité, l’autorité administrative devrait se conformer aux prescriptions de notre article 39.

Les raisons que nous avons invoquées pour la fièvre aphtheuse peuvent l’être pour la maladie qui nous occupe.

4o Les foires et marchés devraient être interdits d’une manière formelle à toutes les bêtes d’un troupeau infecté.

À cet effet, l’autorité ordonnerait qu’aucun animal ne serait admis dans le champ de foire des localités situées dans le rayon. de 15 kil. de la commune infectée, sans avoir été visité par le vétérinaire délégué.

Afin de faciliter l’application de cette mesure, l’autorité des localités infectées devrait signaler l’apparition de la Clavelée aux maires des communes situées dans le rayon ci-dessus déterminé.

L’interdiction des foires et marchés amènerait, ce nous semble, une trop grande perturbation dans les relations commerciales et surtout dans l’alimentation publique et léserait trop les intérêts particuliers. Leur surveillance, telle que nous venons de l’indiquer, est suffisante pour prévenir l’irradiation de la maladie, tout en n’offrant pas les graves inconvénients que nous venons de signaler.

5o La vente des animaux atteints ou non de la clavelée et provenant de troupeaux infectés devrait être tolérée pour la boucherie seulement, à la condition qu’elle s’effectuerait à la bergerie ou au parc et suivant les prescriptions que nous avons indiquées dans notre article 8 ou autres conditions que déterminerait le vétérinaire délégué.

Toutefois, la vente des animaux ayant des lésions gangréneuses devrait être formellement interdite, même pour la boucherie. À cet effet, la viande de ces animaux vendus à la boucherie ne pourrait être livrée à la consommation, sans avoir été au préalable visitée par le vétérinaire délégué.

Bien que l’innocuité de la viande des animaux claveleux soit généralement admise, certains auteurs ont conseillé l’interdiction de la vente des animaux provenant d’un troupeau claveleux, même pour la boucherie, sous prétexte que les bouchers serviraient d’agents de propagation, en passant d’une bergerie infectée dans une bergerie saine. Sans doute, nous ne nions pas qu’il en soit parfois ainsi ; mais, comme cette interdiction porterait une grave atteinte aux intérêts des particuliers et qu’elle aurait pour résultat de substituer des pertes certaines, à des pertes, sinon illusoires, du moins éventuelles, nous croyons que la vente à la boucherie des animaux claveleux ou suspects, suivant les conditions que nous avons indiquées, à cet avantage immense de concilier autant que possible, les intérêts généraux et privés, tout en s’opposant à l’irradiation de la maladie.

6o Les mesures concernant les animaux des troupeaux infectés devraient cesser d’être applicables dès que le dernier cas morbide aurait été constaté, si tout le troupeau avait été désinfecté et soumis à une tonte générale.

Dans le cas contraire, c’est-à-dire si la désinfection seule avait été pratiquée, ces mesures ne cesseraient d’être applicables que 20 jours après la disparition du dernier cas morbide.

La laine étant une matière contaminable, il est facile de comprendre que le virus claveleux puisse se loger dans la toison des bêtes ovines et s’y conserver pendant un certain laps de temps.

7o Sur l’avis du vétérinaire délégué, l’autorité devrait avoir le droit d’ordonner la clavélisation des troupeaux infectés, aux frais du propriétaire. Ce dernier ne devrait pas avoir le droit de s’opposer à cette mesure.

L’indemnité allouée pour tout animal mort des suites de la clavélisation ordonnée par l’autorité devrait être égale à celle que nous avons fixée pour l’inoculation de la péripneumonie.

Vu que la clavélisation, exécutée sur tous les troupeaux des localités infectées, a souvent occasionné une mortalité supérieure à celle qui serait résultée de la clavelée naturelle, nous avons cru ne devoir conseiller cette opération que pour les troupeaux infectés. Il est rare, en effet, que toutes les bêtes de ces troupeaux ne soient atteintes de la clavelée ; dès lors, la clavélisation a pour résultat, tout en diminuant peut-être la mortalité, d’abréger sûrement de 2 à 3 mois la durée de la clavelée, dont les invasions par bouffées, en prolongent l’existence sur un troupeau pendant 3 à 6 mois. Conséquemment, elle permet au propriétaire de se soustraire rapidement aux mesures sanitaires, toujours gênantes et onéreuses.

Dans les autres mesures que nous avons conseillées, nous avons pris en grande considération les intérêts agricoles et surtout l’alimentation publique, en conseillant l’usage de la viande provenant des troupeaux infectés et la surveillance des foires et marchés.

Enfin, en lisant le Traité de Police sanitaire de M. Reynal, nous avons été étonné de voir que ce savant professeur trouve étrange que Delafond demande une indemnité pour les animaux morts des suites de la Clavélisation ordonnée par l’autorité, et cela d’autant plus que dans un autre passage de son excellent traité, il pose ce principe : Pour atteindre un but qui intéresse toute une nation, il doit y avoir solidarité d’efforts et coopération mutuelle de tous les citoyens. (Telle en est l’idée, sinon le texte). N’est-ce pas ici le cas d’appliquer ce beau principe si en harmonie avec les idées démocratiques de notre pays ?


VIII. — De la Maladie vénérienne des Solipèdes ou maladie du coït.

1o Cette maladie devrait nécessiter l’application des mesures que nous avons énumérées dans nos articles 2 et 38.

2o Son apparition dans une localité devrait être surtout signalée par l’autorité municipale au Préfet du département, afin que ce dernier pût l’annoncer à ses administrés.

Cet avis préfectoral, publié dans le plus bref délai, devrait indiquer les localités infectées ainsi que la marque apposée sur les animaux atteints ou suspects.

3o À partir de la publication que nous venons de mentionner, nul étalon du département ne devrait pouvoir faire le service de la monte, sans que son propriétaire fût pourvu d’un certificat de santé, ne remontant pas au-delà d’une date de 14 jours. Il en devrait être de même pour les juments ; mais en ce qui les concerne, le certificat ne devrait pas avoir plus de 4 jours de date.

4o L’autorité locale devrait être tenue de faire apposer les marques désignées par l’avis préfectoral, sur les animaux mâles ou femelles, atteints ou suspects de la Maladie du Coït.

5o Elle devrait, en outre, défendre d’une manière expresse, l’emploi de ces mêmes animaux à la reproduction, sous peine d’amende et de tous dommages intérêts (art. 1382 du Code Civil).

6o L’émigration de ces mêmes animaux devrait être également interdite pendant les 3 années consécutives à son apparition.

Toutefois, pour les mâles, les propriétaires pourraient se soustraire à cette dernière mesure en les faisant châtrer.

Nota. Toutes les mesures relatives à la maladie du Coït devraient être applicables durant les 3 années consécutives à son apparition.

Toutes les mesures qui précèdent ont pour but unique, comme on peut le voir, d’empêcher que les sujets atteints ou même suspects puissent être livrés à la reproduction, seul moyen de propagation de la maladie du Coït.

Aussi ne chercherons-nous pas à en prouver l’utilité qui ressort d’ailleurs d’elle-même.

Avons-nous atteint le but que nous nous étions proposé, c’est-à-dire avons-nous donné les véritables bases de la législation sanitaire ? en d’autres termes, la loi sanitaire dont nous avons tracé, en quelque sorte, l’esquisse est-elle conforme aux principes généraux du droit et de l’équité ? Nous osons l’espérer.

Peut-être nous reprochera-t-on le plan que nous avons adopté et nous dira-t-on que nous sommes tombé dans certaines redites que nous aurions pu éviter si nous n’avions pas indiqué, dans des sections spéciales, les devoirs des autorités, des vétérinaires et des citoyens. Mais nous croyons que ce défaut est amplement compensé par la facilité avec laquelle chacun pourrait connaître les devoirs et les droits qui lui incombent, toutes les fois qu’une maladie contagieuse sévit dans ses écuries ou étables ou même dans sa localité.

On mettrait ainsi, croyons-nous, la législation sanitaire à la portée de tous, en résumant, dans des sections particulières, les devoirs de chacun.

On pourrait nous reprocher encore de n’avoir pas suffisamment justifié certaines mesures que nous avons conseillées et pour lesquelles des dissidences existent entre les hommes les plus marquants de la Médecine Vétérinaire. Mais le cadre de notre opuscule nous a forcé de nous restreindre et de ne nous attacher qu’aux mesures principales.

Sans doute, nous sommes persuadé que la loi sanitaire, dont nous avons tracé, pour ainsi dire, les premiers linéaments, est encore susceptible de nombreuses améliorations ; mais nous serions amplement dédommagé de notre travail, si nous avions attiré de nouveau l’attention des vétérinaires sur cette lacune importante de notre législation et si notre petit opuscule devenait le point de départ d’autres publications plus complètes sur ce sujet.

Puisse notre vœu être entendu de tous les vétérinaires jaloux de l’honneur et de la prospérité de la France. !

J. MAURY.
  1. Dans tous les cas, lorsque la viande ou les débris cadavériques peuvent être utilisés, les indemnités accordées par le Gouvernement doivent être diminuées de manière à ce que réunies à la valeur retirée de ces produits, elles ne dépassent jamais la valeur totale des animaux.
  2. Cette boîte renfermerait des liens pour exercer la compression, une sonde, divers cautères pour cautériser la plaie, enfin deux flacons renfermant deux caustiques : le beurre d’antimoine et la liqueur caustique du Dr Rodet.