Rive du Danube : Village bulgare. — Dessin de Lancelot.


DE PARIS À BUCHAREST,

CAUSERIES GÉOGRAPHIQUES[1],


PAR M. LANCELOT.


1860. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.




XLIII

VIDDIN.


Viddin. — Les gamins turcs. — Une apostrophe italienne. — Costumes turcs. — Le peuple turc jugé par un Anglais. — Paysage bulgare. — Grand coucher des Turcs. — Visions noires et blanches.

Vis-à-vis Galafat, qu’on ne voit pas du fleuve, paraîtViddin. Le capitaine du bateau nous accorde une heurepour descendre à terre et faire une promenade. Je parsavec l’Anglais et un Italien aussi curieux de villes turqueset de minarets que moi-même, quoique un peudésillusionné déjà par la vue de Belgrade.

Viddin est commerçante, animée, et même gaie pourune ville turque ; mais, comme toutes les autres, elle estnégligée et d’un aspect branlant et disloqué. Au débarcadèreaucune trace de pavé ni de ruisseau ; un grandtas de charbon de terre recouvert d’une bâche, quelquespiles de planches, d’immenses tonneaux, dont unseul emplit un chariot, voilà tout son inventaire. Quelqueslongues et grosses pièces de bois éparpillées entous sens y servent de siéges à l’affluence très-nombreused’habitants accourus pour voir passer le bateau.Les femmes, groupées à part, me semblent aussi peudisposées à parler entre elles qu’attentives à se mouvoirle moins possible.

Les maisons du fond de la place sont des cafés. Onvoit sous leurs larges auvents, supportés par des piliershors d’aplomb, des bourgeois qui fument accroupis ; ilssont doublement à l’abri du soleil, sous l’ombre de toitstrès-saillants et de stores déchiquetés qu’agite doucementune légère brise. Quelques ruelles s’ouvrent enface de nous : à droite débouche une rue principale ;nous nous y engageons, après avoir jeté un coup d’œilsur un bazar formé de deux rangs de boutiques peintesde couleurs vives et d’où s’échappent des senteurs agréablement parfumées. Le soleil tombe perpendiculairemententre les interstices des toiles tendues au-dessuset coupe leur ombre puissante de lignes étroites d’unelumière si vive qu’elle pénètre jusqu’aux profondeurs del’arrière-boutique où elle éclaire et fait étinceler milleobjets épars et confondus.

Les marchands, selon la mode turque, dorment oufument et ne font pas la moindre attention à nous. Lesfemmes pressent le pas à notre approche, sans doutepour dissimuler leur démarche ordinairement nonchalanteet embarrassée. Les enfants nous font franchementles honneurs de leur cité. Leur bande nombreuse nousentoure, nous escorte, se livrant à toutes sortes de grimaceset de gambades pour attirer nos regards. Il y ena de charmants, à figures blanches, fines et naïvementmalicieuses ; d’autres sont très-bruns ridés et vieillots :leurs traits expriment une ruse précoce. Ils sont vêtusde costumes d’hommes, coiffés d’une calotte ronde outêtes nues, quelques-uns rasés complétement, d’autresayant à la place de la tonsure une touffe de cheveux,qui retombe en queue assez longue sur le cou. Ils crient,chantent et dansent en nous précédant : leurs cris etleurs chants rallient d’autres bandes aussi joyeuses àchaque détour de rue, au grand ennui et de l’Italien,qui s’impatiente de ne voir ni mosquée, ni minaret, etde l’Anglais, dont la gravité s’effarouche de tous cesbruits et de ce mouvement désordonné. Quant à moi,tout au contraire, ces allures de clowns, ces pantomimescomiques, cette pétulance et cette gaieté des enfantssi peu en harmonie avec la quasi immobilité ou lasomnolence des pères, me divertissent, et je me demandesi ce ne sont pas la religion, l’éducation et lesinstitutions seules qui en ce pays font différer si sensiblementl’âge mûr de l’enfance, qu’on pourrait croireque les deux âges représentent deux races différentes. Dureste, je m’aperçois bientôt que ce n’est pas uniquementpour nous faire honneur que ces bruyants petits fils del’Islam remuent tant leurs jambes et leurs bras, imitanten cela, à s’y méprendre, les fils de l’ancienne Savoie.Ils cherchent simplement à nous égayer pour obtenir unpetit sou. Après avoir chanté et dansé, ils mendient etdans leurs supplications le mot para revient sur tous lestons. Mais tout d’un coup les voici qui repartent, tourbillonnentdans la poussière et font la roue avec unensemble remarquable ; ils ne vont pas loin et bientôtils nous entourent de nouveau ; ils nous reprochentsans doute notre insensibilité et notre peu de charité,car ils geignent et pleurent à qui mieux mieux, avecune grande vérité d’imitation ; puis ces lamentationsfinissent brusquement par un éclat de rire. Enfin, deuxou trois, avec des gestes de désespoir furieux, saisissentleur queue à deux mains et la tirent en avant par-dessusleur tête, comme s’ils voulaient se l’arracher. D’un élanils roulent sur la terre et ne s’arrêtent que dix pas plusloin tout debout. C’est leur dernier tour. Comme ilsl’exécutent sans plus de bénéfice, ils prennent le partide nous laisser tranquilles et nous quittent, sans rancuneet en riant.

Nous n’avons rencontré, ni mosquée, ni minarets, niune seule construction quelconque digne d’attention.

Arrivé à la citadelle qui domine la ville, je crus revoircelle de Belgrade !

S’il est vrai que l’ennui naquit un jour de l’uniformité,quel séjour peut lui être plus propice que ces villesextrêmes de l’empire turc, où règne dans un si parfaitsilence l’uniformité du délabrement et de l’abandon ?

Mon compagnon, l’Italien, ne peut revenir de la surprisedésagréable que lui causent toutes ces maisonsqu’on ne répare jamais et l’insigne malpropreté de toutesces rues étroites, tortueuses et rampantes, où des galeriesen ruine, des balcons qui ont perdu l’équilibre etdes volets suspendus à un seul gond chancelant, menacentde toutes parts la tête de ceux qui passent. Au rez-de-chaussée,les larges crevasses des murailles laisseraientvoir sans doute tous les mystères de l’intérieursi l’on osait s’en approcher. Au milieu de la voie creuséeen ruisseau raviné et sans pente pour faciliter l’écoulement,des débris de toutes sortes s’entassent et pourrissentsans révolter apparemment l’odorat des habitantsqui fument insoucieusement accroupis tout auprès.

À un certain carrefour, plus sale, plus ébranlé,plus obstrué et plus infect encore, mon ardent Italien,exaspéré, céda à l’envie d’interpeller, en turc assez intelligible,trois solides gaillards, qui devaient être unpère et ses deux fils. Majestueux d’indifférence, vêtusd’accrocs et de déchirures, ils fumaient sous l’auventpenché d’une maison qu’on eût dit récemment secouéeà outrance par un tremblement de terre. L’apostropheétait véhémente, accompagnée de gestes clairs, énergiques,et ne laissant aucune équivoque possible ; elle setermina par ces mots pleins de tolérance et de raison :

« Si pauvre qu’il soit, un homme peut toujours renfoncerun clou, relever une planche, redresser un poteau,ramasser une pierre tombée pour boucher le trou qu’ellea fait en tombant et empêcher sa maison de s’écroulersur lui. Il y a plus de dignité, quand même on descendraitdu prophète (et même surtout si on en descendait)à mettre une pièce à sa veste et à faire une repriseà son pantalon, qu’a laisser voir qu’on n’a pas mêmede chemise ! »

Les Turcs écoutèrent avec une attention polie et comprirentfort bien. Pour toute réponse ils sourirent paisiblemententre eux, d’un air d’indulgence et de supérioritéadmirable, et comme s’ils se disaient :

« Idées de chrétiens et bien dignes d’hommes quin’ont qu’une femme ! »

La friperie doit être un des meilleurs commerces dedétail de la Turquie. À Belgrade, sur notre bateau etici, je n’ai pas encore vu un seul vêtement d’homme,je ne dirai pas neuf, mais seulement net et propre.Quoique leur costume traditionnel soit très-compliqué,les Turcs, si pauvres qu’ils paraissent, ne veulent pasle simplifier ; ils préfèrent, comme nous en avons lapreuve à chaque instant, porter certaines pièces uniquementà l’état de misérables haillons.

En Europe, si les nuances sombres du costume des hommes attristent le regard, on trouve une compensationdans la variété des couleurs dont se parent les femmes,et, dans son ensemble, toute réunion en pays civiliséest agréable à la vue. Il n’en est pas de même enTurquie. Les femmes sont régulièrement empaquetéesde blanc, quelquefois, rarement, de brun ou de vert roux.Il est vrai que sur les costumes des hommes s’épanouissentdes teintes caressantes ; mais c’est toujoursdans une gamme adoucie et, comme disent les peintres,dans les tons rompus. Il semble qu’ils copient, parexemple, plutôt les tons doux et veloutés des fruits queles tonalités éclatantes et plus décidées des fleurs. Sij’avais à faire une nomenclature des couleurs qui sontle plus en usage dans les habillements Turcs, je lescomparerais à la groseille purpurine, à la triste pistache,à l’appétissante mirabelle, à l’abricot qui n’est ni jaune,ni rouge, et surtout à la pêche, dont les gris argentés,les roses violacés, et les cramoisis veloutés, fraîchementsoupoudrés d’un fin duvet, comme des joues de quinzeans, donnent en se mêlant vingt nuances diverses. Seulement,comme ces costumes ne sont plus jeunes depuislongtemps, il faut pour goûter la justesse de ma laborieusecomparaison, se représenter toutes ces jolieschoses vieillies et ridées. Une foule turque a une granderessemblance, comme aspect de couleur, avec un tas assortide fruits séchés.

Mon deuxième compagnon d’excursion, l’Anglais, nedisait rien. Il paraissait inquiet et cherchait aux étalagesquelque objet qu’il ne parvenait pas à découvrir ;la vue de nombreuses petites boutiques ambulantes,portées par de jeunes garçons, qui nous présentaientdes pâtes de jujubes, des bâtons de sucre de guimauve,des côtes d’angélique glacées et des crèmes gluantesde toutes couleurs dans de toutes petites soucoupes,semblait redoubler son impatience et la changer en mauvaisehumeur. De retour au bord du fleuve, il jeta undernier regard autour de lui et me dit crûment, d’unair profond et convaincu :

« Oh ! ce peuple est en décadence complète, il s’habillede guenilles et se nourrit d’ordures ! »

Quand nous arrivâmes au bateau, nous vîmes quenotre société chrétienne s’était mise en communicationavec la foule mahométane. De jeunes élégants sans lingeapparent, drapant leurs grâces dans des caftans et desceintures, qui devaient avoir déjà paré pour le moinstrois générations, aux nuances de groseille rôtie, depoire tapée, de marmelade brûlée, en étaient à envoyerhardiment des signes de baisers à nos compagnes devoyage qui prenaient la chose gaiement : seule, drapéeavec art dans un burnous écossais, l’aventurière françaiseles saluait avec une grâce sérieuse, comme uneactrice rappelée.

Après Viddin, les rives du Danube deviennent arideset plates du côté de la Valachie, montueuses en Bulgarieet souvent d’une nudité complète, coupées enfalaises sur le fleuve où aboutit quelque large chemin,qui rampe en zigzags de mamelons en mamelons, ettraverse des amas de chétives cabanes à demi enterrées,semblables de loin à des tentes à moitié écrasées.Des chèvres broutent l’herbe desséchée et poudrée àblanc. Çà et là des femmes, vêtues d’une longue tuniquede toile blanche, debout dans l’eau jusqu’à mi-jambes,pêchent à la ligne.

Les bourgades valaques, au milieu de sites un peuplus agréables, commencent par quelques maisonséparses, puis se groupent, s’alignent et vont se perdresous les arbres. Mais les côtes de la Bulgarie sont àpeu près désertes et on n’y voit pas de route qui suive lefleuve. Les rares villages sont bâtis à mi-côtes ; sur lessentiers blancs, qui les unissent le long des pentesnues, on aperçoit de temps en temps, cheminant avecune lenteur que la distance augmente, des femmes abritéessous d’immenses parapluies rouges. La courbe deces parapluies, en forme de coupole mauresque, ne laissevoir que le bas des jupes blanches, tombant toutesdroites, sans ampleur, sans balancement, et teintéesde reflets vermillonnés. Ces figures isolées ont l’apparencedes immenses champignons vénéneux qui poussentà l’humidité au plus sombre de nos forêts.

Les seules scènes animées de ces rives sont les ébatsde nombreuses troupes d’oiseaux noirs qui tiennent,autant que j’en pus juger à distance, du corbeau communet du petit ibis noir et blanc d’Égypte. Ils explorentles grèves, très-vifs, très-actifs, toujours en guerre avecles vautours gris qui sautillent lourdement, gauchement,rôdent autour d’eux, mais fuient à la moindre attaque.

Cependant, sur le bateau, autour de nous, les Turcs,après avoir passé tout le jour couchés ou accroupis,éprouvent, vers le soir, le besoin du repos et font leurspréparatifs pour dormir commodément. Les plus soigneuxde leur personne, déploient avec une attentionlente et posée leurs couvertures et leurs coussins. Lesplus aisés disposent d’une literie complète. Leur déshabilléde caleçon et de camisole est amusant à voir,surtout quand les majestueux turbans déroulés laissentvoir leur tête rasée, et font place à une sorte de serre tête.Jusqu’à cet instant, je n’aurais jamais imaginéqu’un Turc pût si parfaitement ressembler au marquisde Mascarille ou au vicomte de Jodelet après leur mésaventure.La plupart, moins sybarites par nécessité,s’allongent simplement sans rien changer à leur toiletteet sans autre précaution que de s’orienter afin d’êtrele moins possible exposés au vent qui fraîchit.

Le pont était déjà transformé en un immense dortoiret, curieux avant tout, je n’avais pas encore penséà me ménager un gîte. Le salon des premières m’étaitinterdit : la chambre des deuxièmes, encombrée d’unepopulation mêlée, était inhabitable. Le romain de l’équipagem’offrit bien de partager sa chambre de maîtreet un punch que plusieurs passagers ses compatriotesy faisaient flamber ; mais il aurait fallu être marin etaimer passionnément le punch pour se condamner àrespirer l’air infect de ce réduit encombré de paquetsde suif, de pots de bière et des vieux linges de toilettede la machine tout suintants d’huile. Je préférai leshasards de la belle étoile et je remontai sur le pont.

Il était illuminé d’un seul falot qui n’éclairait qu’unpeu l’avant et laissait tout le reste dans l’ombre oùbrillaient çà et là quelques lueurs de pipes allumées.En me faufilant dans l’étroit sentier ménagé par lescorps étendus, je trébuchai plus d’une fois contre desjambes sorties de l’alignement et je marchai sur plusd’une babouche égarée.

Plusieurs femmes s’étaient réunies au centre du pont.Plus empaquetées que jamais, elles ressemblaient à desmomies roulées dans leurs mille bandelettes. En avantde la cheminée, le grand coffre qui, sur tous les bateaux,renferme les ustensiles de manœuvre et sert d’armoireà l’équipage, était entouré de nombreux dormeurs quis’y adossaient. Sous le couvercle à demi soulevé, apparaissaientles jambes et les têtes de deux matelots couchéssur des cordes, tandis que l’ombre du coffre quiinterrompait les formes et tronquait les corps, ne laissaitvoir que des jambes et des bras bizarrement assemblés.Il y avait là dans un pêle-mêle confiant mais peugracieux, un Turc, un Grec, un prêtre valaque et desAllemands chez lesquels la fatigue effaçait toute préventionde sang et toute rancune de race.

À force de fureter partout, je trouvai une sorte deniche formée par un amas de divers colis. Je m’y blottisfaute de mieux, et je trouvai la place bonne sinonpour dormir, du moins pour être isolé et observer enpaix. J’étais dans l’ombre, j’avais devant moi l’enversdu grand coffre, la colonne noire de la cheminéeet la rue formée par les deux faces des cabines enperspective. Je pouvais ainsi tout voir sans être vu.


La nuit sur le pont. — Dessin de Lancelot.


Toute manœuvre avait cessé, notre bateau était immobileà l’ancre et me rappelait quand je regardais sa cargaisonmal rangée de corps et de membres épars, levaisseau fantôme des légendes du gaillard d’avant[2] ; jem’endormis en y rêvant.

Mon sommeil ne fut ni profond ni doux. Ma coucheétait étroite et peu moelleuse. Éveillé brusquement parune lourde pression et une odeur musquée très-pénétrante,j’eus l’impression d’une lutte avec quelque bêtefantastique à rauquements féroces. En ouvrant les yeux,je vis sur ma poitrine la noire masse d’une des deuxnégresses, qui, confiante dans le silence et l’obscurité,avait eu l’idée de promener à visage découvert ses espéranceset ses regrets ; puis elle s’était assise, aspirant àpleines narines la brise de la nuit moins noire qu’elleet exhalant de bruyants soupirs ; ses yeux d’un blanclaiteux, démesurément ouverts, sa face luisante sous leciel étoilé, ses dents brillantes sous sa lèvre retroussée,me causèrent une surprise si désagréable que dans lapremière émotion je ne fus pas maître de la dissimuler.Un mouvement brusque lui révéla que le paquet surlequel elle se reposait, était un homme, et plus effrayéeque moi, elle s’enfuit en poussant un cri sourd quiheureusement n’éveilla personne et ne troubla qu’uninstant la paix profonde de la nuit.

Je redressai mon enceinte protectrice de colis ébranléepar la massive apparition, lorsque j’en vis uneautre qui est restée dans mon esprit comme une vision.Elle s’annonça par un bruit léger, un frôlement de babouchestraînées, des petits pas craintifs et dissimulés, de chuchotements continus comme des pépiementsd’oiseaux. Bientôt je vis surgir à la droite du grandcoffre et comme se levant d’entre les corps couchés alentour,l’un après l’autre, trois fantômes pareils, sansvisages, et tout blancs sous la clarté de la lune. Ils s’effacèrentun peu dans l’ombre portée par les cabinescomme s’ils se dissolvaient dans la brume, puis en ressortirentaccusés plus nettement par la lueur rougeâtredu falot. Ils marchaient lentement et indécis. Lorsqu’ilsfurent arrivés plus près de moi, je vis devant eux, età hauteur de ceinture à peine, une tête très-pâle, auxyeux éteints, à la barbe blanche, coiffée d’un turban sansapparence de corps, et qui d’abord me fit l’effet d’êtrecoupée et portée à la main comme une lanterne par lepremier fantôme. Ce qui donnait de la vérité à cetteimpression, c’est que cette tête tournait à droite et àgauche en ballottant, comme suspendue par le gland desa calotte semblable à une tache rouge sinistre. Maislorsque cette étrange patrouille parvint à l’angle descabines, la tête me parut accompagnée d’un bras ; ils’éleva dans la direction de la petite plate-forme quisur tous les paquebots, surplombe l’eau auprès dechaque roue, et y disparut entraînant la tête ; les troisfantômes se perdirent à leur tour en décroissant dansla même direction : alors j’eus le temps de trouver uncorps à la tête ; c’était le vieux patriarche turc, petit,maigre et tellement courbé que la lumière tombantd’aplomb sur son chef branlant, n’atteignait, quand ilse présentait de face, ni ses jambes ni son torse enveloppésd’un vêtement de ton neutre qui se fondait dansl’ombre : il était suivi de ses trois femmes…

  1. Suite. — Voy. t. III, p. 337, 353, 369 ; t. V, p. 193, 209 ;t. VI, p. 177, 193 ; t. VII, p. 145, 161, 177 ; t. XI, p. 33, 49, 65,et 81.
  2. Voyez les Merveilles de l’art naval.